AU NOM DE LA LOYAUTÉ, LA VENGEANCE VIENDRA

Prologue

Une foule de gens endeuillés tous vêtus de noir se dirigeaient lentement vers l'imposant portail du cimetière. Des femmes se tamponnaient les yeux avec des mouchoirs, soutenue par leurs maris aux visages fermés. Les enfants marchaient silencieusement, fixant le bout de leurs bottines d'un air accablé.

Au loin, des cloches sonnaient, accompagnant le cortège funèbre. Le ciel était grisâtre. De gros nuages noirs porteurs d'orages s'amoncelaient à l'horizon, prédisant une nuit agitée. Le vent soufflait, faisant ployer les branches d'arbres les plus fragiles, arrachant quelques pauvres fleurs à la multitude de bouquets entourant la pierre tombale.

Devant elle, une jeune fille semblait figer sur place. Elle fixait le nom inscrit sur la pierre noire, lisse et si douce au toucher. Sous la cape qui gardait son corps au chaud, ses poings étaient serrés. Dans son esprit, un mélange d'émotions se succédait à une vitesse fulgurante les unes derrière les autres. Elle voulait hurler sa colère. Pleurer son désespoir. Crier à l'injustice. Se rouler en boule sur cette pierre tombale en priant pour remonter le temps.

Elle ne fit rien.

Elle resta immobile, les yeux étonnamment secs, le regard étrangement vide. Son enveloppe corporelle était bien là mais son âme, elle, semblait avoir disparue. Brisée en un million de petits morceaux qui tournoyait autour d'elle avant d'être emportés par le vent.

Dans son dos, seule personne encore présente dans le cimetière, sa famille l'attendait. Sa mère pleurait doucement, en silence, sans un bruit, élégante même dans les jours les plus tristes. Son père tenait fermement sa femme par les épaules mais il apparaissait clairement qu'il se reposait sur elle pour ne pas s'effondrer à même le sol. Son petit frère sanglotait bruyamment, incapable de s'arrêter.

Son oncle, lui, la regardait. Elle sentait son regard sur elle, lui brûlant le dos. Elle savait ce qui luisait dans ses pupilles : une vive inquiétude.
Pour elle.
Elle n'y prêta aucune attention.

Elle s'agenouilla, tendit une main pâle et tremblante et effleura doucement le nom gravé sur la pierre tombale. Elle traça les lettres du bout des doigts, mémorisant chaque contour, chaque aspect, chaque courbe. Elle lut encore et encore ce qui était marqué, ce prénom qu'elle connaissait par cœur pour l'avoir entendu toute sa vie, jusqu'à que ça s'imprègne dans son cerveau. Jusqu'à que ça marque son esprit au fer rouge.

« A notre bien aimé Olysseus

Prince du royaume des Krigere

Fils, frère et ami

Repose en paix »

-Repose en paix, Oly, murmura la jeune fille.

Sa voix fut emportée au loin par le chuchotement du vent.

Elle se redressa, se releva et, sans un regard en arrière, s'en alla. Elle passa devant sa famille éplorée sans ralentir.

Elle marcha, luttant avec elle-même pour ne pas céder à son envie de s'enfuir loin d'ici en courant.

Dans son dos, le fantôme de son jumeau la suivit.