1- Sybille

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Après avoir roulé près de deux heures, assise à califourchon à l'arrière de la moto de mon amie, je suis bien contente de reconnaître enfin les rues qui mènent à mon appartement

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Après avoir roulé près de deux heures, assise à califourchon à l'arrière de la moto de mon amie, je suis bien contente de reconnaître enfin les rues qui mènent à mon appartement. Mon immeuble apparaît, au bout de la ligne droite, faiblement éclairé par les halos lumineux jaunâtres des lampadaires. Je n'avais déjà pas bien chaud, à rouler de nuit en ce début de soirée hivernale, mais la bruine qui nous tombe dessus depuis plus d'une heure a eu raison de moi. Je tremble comme une feuille morte et je suis presque sûre que mon claquement de dents n'est pas dû aux aspérités sur la route.

Elle arrive enfin à hauteur de chez moi et s'arrête devant l'allée menant à l'entrée. Je dépose un énorme baiser sonore sur la joue de Grâce après être descendue de sa moto.

— Merci Grâce City John pour cette fabuleuse soirée.

— T'as pas bientôt fini avec tes surnoms débiles, me répond-elle en éclatant de son rire cristallin.

— C'est quand même plus glamour que Grâce Villejean, me moqué-je en prononçant son nom avec un accent bourgeois. Et à l'image de la soirée que tu viens de nous faire passer.

Ma meilleure amie est en dernière année d'école de journalisme et la boîte où elle bosse en alternance lui met tout à disposition. Dont ce badge qui a le pouvoir de lui ouvrir les portes de presque tous les établissements de la région. C'est grâce à ça que nous nous sommes retrouvées ce soir dans ce merveilleux château, à cette fête de fin de tournage de je ne sais plus quel film. A vrai dire, s'il n'y a pas de super-héros ultra musclés ou de personnages aux pouvoirs incontrôlables, je ne m'intéresse pas trop au cinéma.

— Avec plaisir, cruelle Sibelle. Et tu verras que mon nom deviendra sexy quand il sera sur toutes les lèvres. Grâce Villejean.

Elle le prononce en allongeant les consonnes pour donner de la rondeur à son patronyme. Elle écarte les bras de façon théâtrale et écarquille les yeux en regardant dans le vide, comme si elle découvrait des lettres géantes se dérouler sur un écran lumineux pour former son nom.

— Je te le souhaite ma chérie. Du moment que tu ne m'oublies pas quand tu seras devenue riche et célèbre, moi, la pauvre petite ingé son, qui resterai tapie dans l'ombre de ma régie à produire de la magie auditive, déclamé-je d'une voix faussement larmoyante.

— Arrête de te plaindre, me réprimande la future journaliste. Tu seras tellement exceptionnelle dans ton domaine que je ne cesserai de faire des interviews de toi et tu feras la une de tous les journaux !

Quand on part dans nos délires de carrières professionnelles, on ne s'arrête plus. Et si je veux que mon rêve à moi se réalise, il faut que je rentre me coucher. Je me lève tôt demain pour mon premier jour de stage. Le bâillement que je tente de réprimer me confirme que mon cerveau est d'accord avec moi. Pour une fois, il faut que je profite de cette opportunité.

— En attendant, la déesse mélomane est complètement frigorifiée. Et elle doit aller se coucher si elle veut réussir à se lever demain pour ne pas que sa carrière soit brisée dans l'œuf.

Black MoonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant