Chapitre 9.2 - rework

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Hyro

Je trouve Egon enfermé dans la vaste pièce qui lui sert de bureau. C'est en réalité un fourbi de livres et de documents éparpillés dans chaque recoin. Plusieurs violons sont posés sur un large buffet à côté de la cheminée allumée.

— Tu travailles tard, ce soir.

Egon relève la tête du parchemin qu'il était en train de rédiger.

— Et toi tu as mis bien longtemps pour venir me voir, me réprimande-t-il.

— On m'a informé que tu passais tes journées au chevet de la Sang-Mêlée, je réplique.

Je peux d'ailleurs sentir son odeur partout sur lui, imprégnée sur ses vêtements. Cette odeur de Lys et de Lune qui, je dois l'admettre, ne me laisse pas indifférent.

— Tu ne me demandes pas comment elle va ? s'étonne-t-il.

— Non.

— Non ?

Egon soupire avant de se masser les tempes.

— Non parce que ça t'est égal, ou non parce que cela t'effraie ?

Je suis surpris par sa question.

— Pourquoi cela m'effraierai-t-il ? je lui demande.

— Hyro... Toi et moi, on s'est toujours tout dit. Tu es mon seul et véritable ami. Tu m'as toujours confié tes angoisses et tes peurs. Tu as souvent partagé tes rêves avec moi. Alors ne feins pas devant moi de ne pas savoir ce qu'elle représente pour toi. Je l'ai su dès que j'ai vu ses yeux.

Je soupire et m'approche de la cheminée, tournant le dos à mon ami. Je n'ai vraiment pas envie de parler de ça avec lui. La seule chose qui m'importe, c'est que cette femme reparte d'où elle est venue.

— J'ai raison ? insiste Egon en s'approchant de lui.

— Que veux-tu que je te dise, Egon ?

— La vérité.

— Oui. C'est elle.

— Bon-sang, Hyro... C'est... Alors Wassalie est... ton âme-sœur ? Vas-tu le lui dire ?

— Pourquoi le ferai-je ?

— Et bien je ne sais pas... N'as-tu pas envie d'essayer d'être heureux dans ta vie ?

— Heureux ? je ricane.

Je contemple la danse des flammes quelques secondes avant de répondre.

— Non.

— Non ?

— Egon, tu sais que je ne peux pas.

— Pourquoi ?

— Parce que je suis le putain de Mage de cette cité ! je m'emporte malgré moi. Je suis lié à ton père et responsable de chaque âme qui vit dans ce royaume ! Les démons les plus puissants me cherchent. Et me trouvent. Erin est mort ! Mort ! je hurle.

— Je sais, Hyro, murmure-t-il.

— Ne comprends-tu pas que toutes les personnes qui comptent pour moi sont en danger et que je dois veiller sur elles en permanence ? Je n'ai aucun répit, Egon. Aucun ! Alors non, je ne veux pas être « heureux ». Je veux juste que vous soyez sains et saufs.

— Je comprends. Et je... J'en suis désolé, Hyro. Mais on se connait depuis plus de quinze ans et... Tu ne ris jamais. Je suis ton ami et je m'inquiète pour toi. Vraiment.

— Tu ferais mieux de te trouver une épouse pour donner un héritier au royaume au lieu de te préoccuper de mon âme-sœur.

— Ne sois pas blessant.

Je soupire à nouveau.

— Pardonne-moi, Egon. Je suis... à cran.

— Je sais. Tu te rappelles la promesse que je t'ai faite lorsqu'on avait dix ans ? Je t'ai promis que le jour où je monterai sur le trône, je te libèrerai de ton serment envers Myrtha et ses habitants. Je compte toujours honorer ma parole.

Je ne réponds rien. Il ne se passe pas une seule journée sans que j'y pense. La liberté... Je ne l'ai jamais connue. Né dans un camp d'esclave, enfermé et lié par des obligations toute ma vie... Egon a raison. Je ne ris jamais. Pourquoi le ferait-je ? Je suis né dans l'obscurité des mines et je mourrai sans avoir connu la lumière. Je l'ai accepté depuis longtemps.

— Nous renverrons Wassalie chez elle dès qu'elle sera rétablie, me promet le Prince.

— Merci, je souffle, rassuré.

— Est-ce que tu veux t'entrainer un peu avec moi ? Ça fait longtemps que tu ne m'as pas botté les fesses !

— Ça t'a manqué ?

— Plus que tu ne l'imagines !

J'esquisse un sourire en coin avant de répondre :

— À vrai dire, j'espérais que tu me le demanderais. 

EROBYE - Tome 1 : Le MiracleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant