Chapitre 5

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Daryl

Sur ma Ducati, je passe à basse vitesse près de Papi sans qu'il ne lève les yeux vers moi, trop absorbé par la conversation animée qu'il entretient avec Lana. Ni lui ni elle ne bronchent lorsque je fais rugir le moteur de ma moto.

Cette soirée devient de plus en plus exécrable. Frustré parce que mon mécanicien ne vient même pas me demander pourquoi je quitte, je donne un coup d'accélérateur pour faire lever ma roue avant et la laisse retomber au sol. Si personne n'a besoin de moi, autant en faire à ma tête. J'oublie toutes les règles de la sécurité routière et me fonds dans la grisaille de Montréal. Après quelques slaloms entre les voitures trop lentes et une vitesse bien plus élevée que nécessaire à l'extérieur de la ville, je ne tarde pas à retrouver notre modeste domicile.

Même si cela m'énerve, Carlos a raison. Je serai là demain, à cette stupide course de NASCAR. Cependant, impossible de garantir la tête que j'afficherai. Voilà trois mois, ils s'y sont mis à deux pour me forcer à les accompagner malgré mon opposition évidente. J'ai prétexté, à raison, que je ne connaissais rien à ce sport créé pour les riches opportunistes. En définitive, c'est l'argument massue de Cortez qui a porté ses fruits. Comment refuser au nouveau d'essayer de s'intégrer avec des activités d'équipe ?

L'intention de ne pas les suivre est grande, car j'en veux à l'hispanique. Je le maudis d'être un jeune écervelé, d'avoir insulté la sœur d'un très beau spécimen masculin et de l'avoir fait fuir. Lana n'a rien d'une poupée et Dorian n'a pas accepté cette répartie qui a rabaissé sa sœur. Je ne suis pas dupe de son supposé malaise. Il a fuit les paroles misogynes de mon coéquipier, c'est tout.

Après ce coup bas, Carlos ne recevra aucun conseil de drague de ma part. Même si je l'ai pris sous mon aile, je me vengerai. Les représailles seront doucereuses, dignes de Daryl White. Mon insolence et ma crétinerie risquent de s'élever à un niveau supérieur, juste pour lui faire regretter d'être un idiot. Notre complicité ne sera pas ternie, j'en fais le serment, mais il mérite de se faire remettre à sa place pendant un jour ou deux.

Et en parlant de promesse, ce soir, j'ai juré de ne pas batifoler. Pour cette raison, impossible de m'amuser, surtout pas sans le beau Dorian qui a semé le doute dans mon esprit. Cette expression navrée qu'il a projetée, tout juste avant de tourner les talons, me hante l'esprit.

Je ne fais pas pitié !

Et s'il tentait plutôt de me faire passer un autre message ?

Des excuses ?

De la défaite ?

Toujours est-il que je désirais plus de temps avec Dorian. Il a cette aura énigmatique qui m'a fait baisser la garde. Pourtant, il est loin du type d'homme qui me branche en général. Quel genre de mec appelle sa mère un samedi ? Un fils à maman, évidemment !

Son point positif ? Ses yeux, captivants et indéchiffrables.

Je n'arrive pas à déterminer ce qu'il ressent et cela me fascine, car je suis son total opposé : un grand livre ouvert dont Carlos subit les frais depuis son arrivée dans l'équipe.

Arrivé à bon port, j'attache ma moto avant de grimper à l'intérieur du camping-car. Notre véhicule a une histoire riche grâce à tous les champions qui y ont dormi pendant des décennies. Le plafond est tapissé de photos dont la plupart proviennent d'anciens collègues. La dernière est celle de Carlos, assis à contresens sur sa moto, qui brandit deux doigts en signe de paix. J'y ai aussi mon espace, tenant la coupe du championnat de l'an dernier, fier du travail accompli par toute l'équipe. En ce moment, notre groupe se limite à trois personnes, mais nous serons tous réunis à nouveau dans un peu plus d'une semaine.

Burn outOù les histoires vivent. Découvrez maintenant