Welmington House, Oxfordshire, mercredi 14 avril 2010
Ce matin, le réveil est plus difficile que d'habitude. Je me sens totalement éreinté. Raconter ma vie en 1940 m'a rappelé de mauvais souvenirs tout comme de bons. C'est difficile de se dire que j'ai 90 ans et qu'il y a soixante-dix ans je combattais et j'avais 20 ans. Quand je retrace le cours de ma vie, je me rends compte qu'elle a été bien chargée. Ce fût un honneur pour moi de travailler pour la Couronne et de servir mon pays.
Aujourd'hui à l'hiver de ma vie, je continue autant que faire se peut à travailler pour la Reine. En effet, je suis encore membre de la Chambre des Lords. Et aujourd'hui justement je me dois d'aller à Londres afin d'assister à la session du jour.
Il est actuellement 8h00 et je dois être à Londres pour 14h30. J'aimerai que Thomas puisse m'accompagner afin de voir comment cela se passe. Après tout, notre famille fait partie des lords héréditaires qui siègent à la chambre. De ce fait il est important qu'il sache que dans quelques années il devra siéger au Parlement et servir le pays de cette façon.
En cherchant du côté des écuries mon petit-fils, je l'aperçois en train de rigoler avec Kate. Ils vont bien ensemble ces deux là. Ça fait quelques jours qu'ils se connaissent et passent le plus clair de leur temps ensemble. Je suis heureux que Thomas puisse trouver une personne de son âge dans ma campagne.
Je m'avance vers eux à la vitesse d'un homme de mon âge et je les atteints enfin. Ils me gratifient tous deux d'un sourire éclatant que je pourrais presque qualifier de mutin.
- Thomas je venais te voir pour savoir si tu voudrais m'accompagner à la Chambre des Lords aujourd'hui ? Demandé-je à mon petit-fils qui, semble-t-il, à autre chose à faire que d'accompagner son grand-père nonagénaire.
- Euh oui pourquoi pas ça pourrait être intéressant. Kate peut venir dis grand-père ? Me questionne-t-il avec un regard suppliant. Je devrais d'ailleurs plutôt dire « me quémande-t-il ».
- Oui bien sûr, je vais essayer de vous faire entrer tous deux. Je connais la lady présidente de la chambre. C'est une vieille amie. Déclaré-je à la fois heureux de faire plaisir à Thomas et grisé qu'il veuille m'accompagner. De plus, Kate sera là ce qui me permet de montrer nos Institutions à cette petite. Nous partons dans une heure !
Les deux enfants sautent de joie et se lancent un regard complice. Mon dieu la jeunesse !
Une fois cela fait, je laisse ces deux garnements tranquilles. Arrivé à mon bureau, je me remets aux préparatifs de l'anniversaire de sa Majesté.
Près d'une demie heure plus tard, après avoir réglé un détail de la cérémonie, je décide d'appeler le Lord Président de la Chambre, ou devrais-je plutôt dire la Lady. Il s'agit de la Baronne Hayman, une amie. On a pu se rencontrer à diverses reprises au 10 Downing Street, ou même dans les réceptions officielles au Palais. Il s'agit d'une politicienne de marque et je suis heureux qu'elle dirige notre Chambre des Lords.
L'appel est cordial comme toujours et elle est enthousiasmée de recevoir deux jeunes gens en ces murs centenaires qui ont vu l'Histoire de notre Nation.
A l'heure dite, les enfants me rejoignent dans le petit salon dans lequel je m'étais réfugié le temps que mon bureau soit nettoyé. Il est désormais 9h00 quand ma voiture démarre. Le trajet pour Londres est enjoué, plein d'entrain, animé par les enfants qui jouent et sont sublimés par la campagne Anglaise semble-t-il. C'est grisant à voir à mon âge. Je ne suis pas le seul à aimer ces grandes étendues. Notre arrivée à la capitale quelques temps plus tard marque le changement de paysage.
Pour sûr, Londres n'offre pas de vastes étendues verdoyantes mais un défilé de bâtiments âgés ou jeunes qui se mélangent dans une harmonie que les capitales savent créer. Avant d'arriver à Westminster, nous passons devant la grande statue de Churchill qui semble nous sourire d'un oeil bienveillant : le vieux bouledogue veille sur sa vieille Angleterre.
Arrivés devant les grilles du Parlement, un officier de police arrête mon véhicule respectant minutieusement le protocole de sécurité. On n'entre pas ainsi dans le coeur démocratique du Royaume-Uni.
Une fois dans le grand hall, les enfants se rendent compte de la grandeur et de la beauté des lieux. Je ne sais pas s'ils arrivent à sentir le poids de la charge qui nous incombe ou même s'ils comprennent l'Histoire qui s'est déroulée ici, de l'incendie du Parlement, aux votes cruciaux pour notre nation.
Nous rentrons par le Porche de St Stephen et empruntons le St Stephen's Hall afin de rejoindre la Chambre des Lords. Arrivé à l'intérieur de cette magnifique Chambre, je fais asseoir mes deux invités à des places précises qui m'ont été réservées.
A l'heure dite, la Présidente de la Chambre ouvre la séance. Nous travaillons aujourd'hui sur des questions législatives reprenant la situation du pays sur le plan national et international.
Au bout de longues heures de débats et de discussions, la session parlementaire est levée et je peux ainsi retrouver les deux enfants, qui, assommés par les discours restent tout de même intéressés par les lieux. Je suis d'ailleurs très heureux qu'ils aient cet enthousiaste.
Il est désormais 17h et je propose aux deux garnements qu'ils se dégourdissent les jambes en furetant à mes côtés dans le Parlement. Je vais devenir leur guide dans cette bâtisse que je connais par coeur mais qui peut s'avérer être un vrai labyrinthe.
Ils sont tout bonnement fascinés, j'ai l'impression de leur montrer un trésor. Ça en est un certes mais je ne pensais pas que ces deux adolescents accrochés à leurs gameboys seraient intéressés.
Et, c'est même moi qui suis obligé de les ralentir car manifestement ils vont trop vite pour moi ... Mes jambes de nonagénaire ne veulent plus suivre. Il est vrai que je préfèrerai être assis à prendre une tasse de thé. C'est alors que j'ai l'idée d'aller chez ma fille pour me faire offrir le Tea Time.
Je propose l'idée à mes compagnons du jour qui semblent plutôt intéressés. Nous ressortons donc des bâtiments étatiques afin de rejoindre le domicile de ma fille.
Quelques minutes et embouteillages plus tard nous voilà devant la porte de la demeure. La porte s'ouvre laissant un vide devant nous. D'abord étonné, je constate par la suite que c'est une petite tête blonde qui se trouve sur le palier. Charlotte nous reconnaît et saute cette fois-ci dans les bras de son frère ; Dieu merci je serai sûrement tombé ... Je détourne le regard sur Kate qui est à la fois gênée mais aussi attendrie par la scène fraternelle qui se déroule sous nos yeux.
- Charlotte chérie bonjour ! Dis-moi tu nous laisses entrer ? Demandé-je à mon petit rayon de soleil.
- Bonjour papy. Oui venez maman est au salon ...
Elle n'avait même pas terminé sa phrase que sa mère arrive justement s'interrogeant des intrus se trouvant sur son perron.
- Papa, Thomas mais que faites-vous là ? ... nous adresse ma fille bloquant son regard sur Kate.
- Bonjour ma fille d'abord ... Nous allons bien je te remercie. Je te présente Kate une amie de Thomas et nous sommes à Londres pour assister à la session Parlementaire.
- Oui bonjour ! Ahh enchantée Kate, je suis Jane la mère de Thomas. Se présente gentiment ma fille devant une Kate toujours autant gênée.
- Bonjour Madame enchantée. Ose-t-elle dire d'une voix toute fluette.
Je me rapproche d'elle et lui met une main sur l'épaule en lui chuchotant à l'oreille quelques mots :
- C'est ma fille, pas la reine. Ne t'inquiète pas.
Elle me gratifie d'un sourire et se détend peu à peu. J'ai de l'affection pour cette petite !
La douceur que ma fille avait dans ses mots adressés à Kate disparaît peu à peu lorsque son regard se pose sur moi.
- Tu n'as pas amené maman ?
- Non ma chérie ta mère est encore à Welmington. Je te rappelle qu'elle déteste la Chambre depuis quelques années.
Jane se contente de soupirer en haussant les épaules. Elle nous laisse entrer et nous propose notre Graal du jour : le Thé !
Nous partageons ce moment convivial pendant un temps avant que nous nous rendions compte que l'heure avance et que nous devons déjà partir. C'est donc avec l'estomac et le coeur remplis que nous regagnons le domaine.
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Papy raconte-moi la Guerre
Ficção HistóricaEn 2010, le général James Arthur Foyle du haut de ses 90 ans passent des jours paisibles entre son domaine ducal et les casernes qu'il visite très souvent. Un jour, alors qu'il devait simplement accueillir son petit-fils dans son château, il apprend...