AU NOM DE LA LOYAUTÉ, LA VENGEANCE VIENDRA

Chapitre 2

Quand Achlys arriva dans le salon privé du Roi et de la Reine, ses longs cheveux noirs réunit en une tresse encore humide, son père et son frère discutaient vivement, visiblement en désaccord. Elle se glissa discrètement à sa place, sur la chaise à côté de Eamon dont la veine du cou gonflait dangereusement. A la dérobée, elle observa son visage à la mâchoire carrée, au nez un peu trop long et aux yeux d’un bleu saisissant virait lentement au rouge, signe d’une intense colère chez lui.

En face d’elle, la Reine Rhéa, sa mère, la fusilla du regard. Contrairement à sa fille et conformément aux traditions ancestrales, elle était vêtue d’une longue robe d’un rouge sanglant qui lui ceinturait le buste et remonter sa poitrine généreuse. Une quantité astronomique de bijoux alourdissait ses poignets, ses oreilles et son cou. Ses cheveux du même noir ébène que Achlys était relevé en un chignon complexe agrémenté de broches somptueuses qui cachaient savamment les quelques cheveux blancs qui avaient commencé à faire leurs apparitions.

La jeune femme ignora son regard incendiaire et se concentra sur le contenu de l’assiette que un des domestiques venait de déposer devant elle. Un morceau de viande juteuse accompagné de légumes de saison. Affamée, elle découpa son repas et enfourna un gros bout de viande-du bœuf-dans sa bouche.

À côté d’elle, Eamon se mit à crier.

-Il est hors de question que je rencontre la fille du jarl Borek ! Je déciderai de qui je veux épouser quand je le voudrais !

Le jarl Borek était un des nombreux jarls qui occupait les terres du royaume. Sous les ordres de son père, le Roi Basilius, ils gouvernaient les villages et veillaient à ce que la paix et l’harmonie soient maintenues. Si leurs présences remontaient à bien des siècles auparavant, leur rôle de veilleur était, en revanche, assez récent. Basilius avait mit cela en place après avoir remporté la Grande Guerre et reprit le trône qui lui avait été usurpé quelques décennies auparavant. Ainsi, avec un jarl dans chaque village qui surveillait et régnait avec bienveillance sur le peuple, il évitait les coups d’État. Si la moindre rumeur parvenait un jour à l’oreille de l’un de ses sbires, il en serait immédiatement informé et agirait en conséquence. De cette façon, il maintenait le contrôle et empêchait les erreurs du passé de se reproduire.

Il n’avait pas réellement besoin d’une telle organisation : les gens, tous villages confondus, le voyait comme un héros, comme leur sauveur. En plus de cela, il était un roi bon et juste qui faisait l’unanimité.

-Nous devons maintenir de bonnes relations avec le jarl Borek, décréta Basilius. Il est le plus important et le plus haut gradé. Un mariage entre sa fille et toi consoliderait notre alliance.

Mais, le visage de Basilius n’était pas impassible. Ses yeux encre qu’il avait transmit à sa fille observait son fils avec une certaine tristesse, une certaine peine. Le Roi tenait compte de ce que sa progéniture pouvait ressentir mais le royaume avait des règles et des lois qu’il ne pouvait outrepasser. Les ravages de la Grande Guerre étaient encore bien présents dans de nombreux esprits et la paix, si durement acquise, restait fragile. Elle se devait d’être préserver, peu importe le prix.

Même si celui-ci était de marier Eamon contre sa volonté.

-Écoute Eamon, reprit-il plus doucement, je sais que cette situation ne t’enchante pas. Je sais que ton… cœur bat pour quelqu’un d’autre mais tu connais comme moi les bienfaits que ce mariage apporterait. Je suis désolé, mon enfant.

À côté de Achlys, le jeune homme bouillonnait mais la compréhension décrispait peu à peu ses traits. Comme bien trop souvent au goût de sa sœur, il battit en retraite, baissa les bras et accepta la sentence sans tenter de se battre davantage. La veine dans son cou et son teint rougeâtre perdurait mais Eamon était ainsi fait : pour faire plaisir à ses parents, il était capable de tout encaisser. Même le pire.