Uno ! (Haitani Rindou)

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— Bem plus quatre, dit mon adversaire un sourire malicieux sur la face.

Ce type est un putain de tricheur. Comment peut-il avoir toutes les bonnes cartes du jeu ? Et d'abord, pourquoi suis-je en train de jouer au Uno avec un inconnu sur le toit d'un immeuble ?

Je pioche quatre cartes sous le regard satisfait de Hatani Rindou. C'est assez cocasse de voir un cadre du célèbre Bonten dans un costume aussi coûteux jouer à un jeu puérile avec une plouc comme moi. Le vent promène quelques-unes de ses mèches de cheveux violettes. Il est plutôt sexy pour un dangereux criminel.

En découvrant mon nouveau jeu, mon visage s'illumine. Il a choisi la couleur jaune. Je pose un plus deux de la même teinte sur la pile. D'un air assuré, il pose lui aussi un plus deux, sans se douter que j'en ai un deuxième sous la main. Il râle quand il se rend compte qu'il se retrouve avec six cartes supplémentaires.

— Tu fais quoi dans la vie sinon ? demande-t-il d'un air désintéressé.

— C'est pas tes affaires, je réponds en triant mon jeu.

Il fronce les sourcils, sûrement peu habitué à ce qu'on ne lui obéisse pas. Je zieute le flingue posé entre nous. Je n'ai pas peur de la mort, il peut l'utiliser si ça lui chante. Il finit par soupirer.

— Et toi, tu fais quoi ? je renchéris.

— Culotté, fait-il en piochant.

Je hausse les épaules.

— Je suis mystérieuse comme fille, c'est tout, j'explique comme si ça paraissait logique.

Je remarque que son paquet a diminué de moitié. Je suis vraiment dans la merde. Il faut que je gagne.

Voyant que je ne rajoute rien, il se décide à répondre :

— J'envoie des subordonnés buter des gens quand je ne le fais pas moi-même, je gère des trafics, ce genre de choses.

— Sympa comme boulot, ça te plaît ?

— Ouais, mais pas autant qu'avant. Ça devient la routine, surtout depuis que mon frère est parti.

Je n'ose pas relever sa dernière phrase. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de son frère, s'il a juste quitté l'organisation ou s'il est décédé, alors je ne préfère rien dire pour ne pas casser l'ambiance.

— Je suis caissière, je finis par admettre. C'est pas aussi stylé mais ça paye mon loyer.

— Qu'est-ce qu'une caissière fait sur le toit du QG du Bonten ? demande-t-il intrigué.

J'esquisse un sourire rieur. En effet la situation peut paraître étrange, mais elle est en réalité très simple.

— Je suis montée sur le plus haut bâtiment que j'ai trouvé, j'explique nonchalamment.

— Pourquoi faire ?

— La même chose que toi.

Quand j'ai débouché sur le toit par l'échelle de service, je suis tombée sur un drôle de bonhomme au mulet pourpre et noir qui se tenait dangereusement proche du bord. Il ne profitait pas de la vue, non, il attendait d'avoir le courage de faire un pas de plus.

En remarquant ma présence, il a fait volte face. Comme je n'ai jamais su ce que j'étais censée dire à un suicidaire, et que le jeu traînait dans ma poche, j'ai proposé un Uno. Il a accepté et voilà où nous en sommes.

— T'es pas un peu jeune pour crever ? fait-il en balançant négligemment une carte sur le paquet.

— Je suis presque sûre qu'on a le même âge.

THE KIDS AREN'T ALRIGHT | tkr osOù les histoires vivent. Découvrez maintenant