Sur la Falaise [en réécriture]

Chapitre 16 : Intervention (2/2)

Eldola fut incapable de se retenir un instant de plus. Elle bondit silencieusement hors de sa chambre et s'introduisit dans celle de sa voisine. La scène qu'elle découvrit était à peu près la pire qu'elle avait imaginée : l'Agent Vladimir menaçait Xianthi avec un poignard tandis que cette dernière était en train de se dénouer sa chemise de nuit. Sans effort – étant donné que ce Techno-citoyen n'avait d'Agent que le titre – Eldola le désarma, le plaqua contre le mur et l'empêcha de crier, le tout en un geste fluide. Edgar aurait été fier d'elle ; maintenant qu'elle savait ce qu'elle avait à faire, elle était parfaitement maîtresse de sa concentration.

⎯ Eldola, qu'est-ce que tu fais ?!

Xianthi l'observait comme si elle avait complètement perdu l'esprit.

⎯ Eldola, écoute-moi : je ne sais pas ce que tu essaies de faire, mais tu dois comprendre que ça aura des conséquences graves pour tout le monde ici, tenta Xianthi pour la calmer. Tu dois poser ce poignard et me laisser gérer la situation.

⎯ Non, répondit simplement Eldola. Je n'aime pas ta manière de « gérer la situation ». Alors, on va essayer ma méthode : tu vas dire à ce tas de merde que s'il essaie à nouveau de toucher une Pupille, je viendrai personnellement m'assurer qu'il ne soit plus jamais capable de désirer qui que ce soit.

⎯ Si je lui dis ça, nous allons être toutes les deux renvoyées ! s'impatienta Xianthi.

⎯ Alors je vais m'en charger.

Eldola connaissait un moyen infaillible de combler le fossé culturel qui les séparait, l'Agent Vladimir et elle : la violence. Elle changea le poignard de place, passant d'une position oppressante contre sa gorge à une position oppressante contre son aine. Sentait la lame se rapprocher dangereusement, le Techno-citoyen se mit à paniquer ; Eldola interpréta ses hochements de tête désorganisés comme une réponse positive à sa proposition. Elle s'éloigna peu à peu de lui, indiquant la porte d'un mouvement de la tête. L'Agent ne la fit pas répéter : il se rua sur la porte et s'enfuit à toute vitesse. Maintenant que ce problème-ci était réglé, Eldola reporta son attention sur Xianthi. Sentant que cette dernière risquait de protester contre sa décision, Eldola la gifla. Peut-être que ça allait suffire à lui remettre les idées en place. En tout cas, cela fit un bien fou à Eldola...

⎯ Tu allais vraiment laisser ce Techos te violer ? Tu aurais pu désarmer ce type sans problème, alors pourquoi tu n'as même pas essayé ?!

Eldola ne retenait plus rien, ni ses coups ni ses paroles, utilisant même le surnom péjoratif des Techno-citoyens, pourtant interdit dans l'enceinte de l'Institut...

⎯ Tu comprends rien à rien, pas vrai ? rétorqua Xianthi. Tu crois qu'il va faire quoi, ce type que tu viens de menacer ? Il va rédiger un bout de papier qui va rayer cet avant-poste de la carte ! Ce n'est qu'un corps, Eldola. Ce n'est pas grave, ce qui lui arrive. Et c'est mon corps, je décide seule de ce que j'en fais ! Ne fais pas comme si tu en avais quelque chose à foutre de moi, on sait toutes les deux que c'est des conneries.

Encore une fois, la voix de Xianthi devint étouffée, son regard distant. Elle tentait d'afficher une indifférence cruelle, mais Eldola sentait bien que ce détachement était factice. Xianthi, soumise, abattue ? Elle préférait encore la voir afficher son sourire pervers en lui lançant des piques acerbes !

⎯ J'aimerais bien en avoir rien à foutre de toi, mais ce n'est pas comme si j'avais le choix ! On vit ensemble, on bouffe ensemble, on dort ensemble, pour un peu Jonathan voudrait qu'on pisse ensemble, je suis obligée d'en avoir quelque chose à foutre de toi !

⎯ Alors laisse-moi t'apprendre une autre leçon sur le monde qui t'entoure : j'ai appris à la dure qu'on ne négocie pas avec les puissants. Tu leur donnes tout ce que tu as, même si c'est pas grand-chose, et alors tu as peut-être une chance qu'ils te laissent tranquille.