62 | Un signe

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Relevé, et deux puis piqué.

Au rythme de « Need you like that » – lascivement chanté par EZI – je danse dans le sous-sol de l'antre de Lucifer. Distraitement, car en réalité je suis parasitée par mes pensées. D'autant que l'objet de mes pérégrinations a brièvement fait irruption dans la salle de sport, m'adressant un irrésistible sourire – via le miroir au travers duquel je l'observais – en repartant en compagnie de Jackson.

Cinq, six, sept, huit.

Terminant par une tremblante pirouette en dedans, je pousse un long soupir frustré avant de rejoindre ma suite, me débarrassant prestement de mon justaucorps pour filer sous la douche, souhaitant éviter d'être en retard. Vous savez que je déteste ça.

Tu devrais opter pour de l'eau froide, Charlie.

Hum hum.

Voilà un mois que Luke et moi sommes rentrés de Bloomington, jouant depuis au couple amoureux sous l'œil attentif du diable autant que de ses sbires. Ainsi, je me retrouve à mentir avec une aisance acquise ici, chaque jour plus perturbée par ses gestes bien que je sois consciente qu'il s'applique uniquement à son rôle.

Sauf que...

Je suis troublée par ce personnage charismatique qu'il incarne à la perfection. Celui glissant ses doigts sur mes courbes lorsque nous sommes en public, m'attirant entre ses bras pour un baiser n'ayant rien de chaste dès que je passe à sa portée. Peter grogne en dépit de son évidente satisfaction, je m'empourpre égale à moi-même, son lieutenant affichant un rictus arrogant rendant la situation totalement crédible.

Pu-naise.

Quelque part je tire profit de ce faux marquage de territoire, les autres soldats de Satan ne se permettant plus de me reluquer avec cette convoitise me donnant irrémédiablement la nausée. M'effrayant davantage depuis que Luis m'a agressée il y a quelques mois, mais hier dans les méandres douloureux de mes nuits. Pour mon propre bien, je devrais m'appliquer à éviter le séduisant second, je le sais. M'affairer loin de lui autant que faire se peut, puisque...

Je t'aime.

En conséquence, j'ai perdu pied... me laissant aller dans ces étreintes jusqu'à en oublier trop souvent qu'elles sont feintes. Sincèrement, il est parfois difficile de savoir où se situe la frontière quand ses lèvres caressent ma peau avant qu'il ne m'épingle avec une intensité me faisant plier. Vriller.

Comment fais-tu pour être à ce point bon acteur ?

Jamais je n'aurais pu faire si bien semblant sans ressentir aucun sentiment sincère. Je sais que je me trouverais incapable de laisser sa langue jouer avec la mienne lorsqu'il me rejoint sur la piste de danse, m'entraînant au rythme de mouvements trop torrides pour que je garde mon contrôle.

Le sais-tu ?

S'il remarque le pouvoir qu'il exerce sur mon corps, il se garde soigneusement de l'évoquer, ce dont je lui suis gré. Même si stupidement, j'attends. Naïvement, je guette. Follement, j'espère.

S'il te plaît...

Je ne peux vous dire à quel moment il est Luke ou quand il est lui. Le vrai, j'entends. Existe-t-il réellement une différence entre ces deux hommes ? Car une part sombre demeure en toutes circonstances – je la vois brûler depuis le premier jour – m'empêchant de démêler le simulacre de la réalité. Cela étant dit, il a été remarqué sous cette identité depuis que j'ai sept ans, ce qui est presque toute une vie en dépit de la décennie nous séparant. Évidemment je n'ose le questionner – confronter – trop inquiète à l'idée de briser notre fragile équilibre.

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant