Chapitre 3

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La taverne du Cerf Dansant était bruyante. Des femmes de tout âge dansaient aux sons des troubadours qui poussaient la chansonnette en remontant leurs robes sur leurs jambes, attisant le désir d’hommes qui les regardaient. Certains tentaient leurs chances dans l’espoir de pouvoir les trousser. Des grands rires se faisaient entendre de part et d’autre du petit bâtiment qui empestait des relents de sueurs, de viande grillée et de bière. Un petit groupe de guerriers mangeait dans un coin, encourageant grassement une danseuse frivole à leur dévoiler un peu plus de son anatomie. Le propriétaire de la taverne, un homme d’une soixante d’années répondant au nom de Bred, n’en finissait plus de remplir des chopes de différents alcools. Ses deux filles circulaient entre les petites tables rondes qui parsemaient la pièce pour servir les clients.

Capuche rabattue sur la tête, dissimulant son identité, Achlys regardait une femme éconduire sèchement un homme trop entreprenant. Le bonhomme partit rejoindre ses amis qui l’attendaient plus loin, penaud. Il se fit accueillir par d’acerbes moqueries.

Elle reporta son attention sur le bar auquel elle était accoudée, assise sur un grand tabouret, quand Bred déposa devant elle une nouvelle chope de bière. Elle fit tomber quelques pièces dans sa main tendue et il repartit s’occuper d’un ivrogne qui bramait à tue-tête.

Elle porta la bière à sa bouche et en avala une longue goulée. Elle grimaça. Elle venait régulièrement ici mais l’alcool y était toujours ignoble. Bon marché, il ressemblait plus à un tord boyau que autre chose. Elle la termina tout de même et en recommanda une autre de suite après.

À sa droite, deux hommes parlaient avec excitation de la saison d’ouverture de la chasse aux Cochons à Tâches, une espèce rare de sangliers aussi intelligente que méfiante. Ils vivaient dans les vastes plaines se situant non loin du château, engoncées entre une chaîne de montagnes si petites qu’elles ressemblaient à des collines et un pan de la forêt luxuriante qui entourait l’entièreté du royaume. Elles semblaient infinies et on pouvait y voir à des kilomètres à la ronde. C’était elles qui délimitaient le Royaume de Krigere et celui des Jaegere, un minuscule royaume gouvernait par un roi feignant mais sympathique. Les Jaegers, le nom donnait à ses habitants, étaient reconnus pour leur talent de chasse inégalable mais aussi pour leur non-implication dans les guerres. Peu importe qui opposait qui, ils restaient parfaitement neutres. Les deux royaumes entretenaient de bons rapports, principalement commerciaux, se vendant et s’échangeant ce qui manquait sur leurs terres respectives.

C’était donc dans ses plaines infinies où vivaient les Cochons à Tâches. Leur chasse était particulièrement réglementée depuis que le prédécesseur de Basilius, le sinistre Abbadon, les avait pratiquement fait disparaître en les chassant bien plus que nécessaire. Cette espèce de sanglier était une viande succulente, unique. Elle avait un goût bien spécifique qui ne ressemblait à aucun autre. Mais ces cochons se reproduisaient lentement et leur population était encore trop faible pour les chasser normalement. Alors, quand l’été venait et que les petits se débouillaient déjà seuls, Basilius acceptait un seul jour de chasse avec une restriction d’une dizaine de Cochons à Tâches tuaient, pas plus, pour un petit groupe d’hommes chanceux qu’il aurait choisit au préalable.

Dans deux jours se tiendrait donc ce seul et unique jour de chasse, l’excitation et l’impatience étaient à leur comble. Les préparatifs allaient bon train depuis une semaine déjà, la ville entière salivant d’avance. Ce n’était pas pour rien que Achlys avait choisit ce jour-là en particulier. L’effervescence et le désordre allaient régner dans toutes les rues de la ville, même les ruelles les plus étroites. Personne, pas même son père, ne se rendrait compte de sa disparition avant le soir venu.

Son plan était relativement simple : elle partirait à l’aube, avant que Krigere ne s’éveille. Sa besace sur le dos, elle prendrait le cheval le plus endurant des écuries et irait à l’opposé des plaines, à Fiskere, son but final, un royaume bordé par l’océan. De là, elle sauterait dans le premier navire qui l'accepterait et elle se laisserait guider où le vent la mènera.

AU NOM DE LA LOYAUTÉ, LA VENGEANCE VIENDRA Où les histoires vivent. Découvrez maintenant