Chapitre 11.2 - rework

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Hyro

Le regard insistant de mon frère pèse sur moi.

— Je suis heureux que tu te sois confié à moi, je lui dis. Diego, jamais je ne te jugerai. Qui suis-je, moi, pour le faire ? Et je sais trop bien ce que ça fait de perdre le contrôle. D'avoir des remords. D'éprouver de la culpabilité. De la haine envers soi.

Il s'avance et m'enlace quelques secondes dans ses bras avant de s'écarter.

— Hyro... Le lien... Que comptes-tu faire ?

— Rien du tout.

— Je suis sérieux. Il va te consumer. Tu as déjà du mal à garder les Ombres sous contrôle. Tu ne pourras pas gérer les deux en même temps.

— Et que me suggères-tu, au juste ?

— De consommer le lien.

— Consommer le lien ?

— Couche avec elle. Et ce sera terminé.

— Hors de question ! je réplique avec froideur.

— Tu couches avec la moitié des putains de cette ville alors ne fais pas ta mijaurée !

— C'est différent.

— Je ne te parle pas de sentiment ! Ni de construire une quelconque relation ! Le lien n'a rien à voir avec tout ça. Il rapproche simplement deux Immortels compatibles pour procréer. Une fois qu'il est activé, la seule façon de le calmer est de...

— Je t'ai dit non ! je m'emporte.

— La kuulaja est pourtant très belle. Ce sera loin d'être une corvée, crois-moi !

— Comment sais-tu...

— Qu'il s'agit de Wassalie ? il me coupe en s'asseyant sur le sol.

Je l'imite et prends place face à lui avant qu'il poursuive :

— Ton odeur s'intensifie dès qu'elle se trouve près de toi. Et j'ai bien vu à quel point tu te donnes du mal pour la repousser. Si tu veux mon avis, je pense qu'elle a parfaitement reçu le message !

— Son odeur me perturbe. Je peux la sentir alors qu'elle se trouve à plusieurs dizaines de mètres. Ça me met mal à l'aise.

— Et ce n'est que le début. Cette proposition du Roi... cet entrainement... C'est une mauvaise idée. Mais le Roi est ferme et décidé.

— Le Roi s'évertue toujours à faire de ma vie un enfer, je bougonne.

— Mais il nous a sauvés. Et nous lui devons tout.

— Jusqu'à quand, Diego ? Combien d'années de notre vie devrons-nous sacrifier pour payer notre dette ?

— Hyro... ce qu'on fait ici, pour le Roi, mais aussi pour tous les hommes, femmes, enfants et Immortels qui vivent sur le continent... C'est important. TU es important. Tu es le dernier rempart que nous ayons contre les démons...

— Pas toi, Diego. Je t'en supplie, ne me débite pas toutes ces conneries !

— C'est pourtant la vérité et tu le sais. À notre connaissance, il n'y a que la magie de Lumière qui peut vaincre les démons. Et tu es le dernier Immortel à être doté de ce don inestimable.

Je serre les poings. Je refuse catégoriquement de penser que je suis le seul à pouvoir sauver Erobye. Car c'est une charge trop lourde à porter.

— Et je sais quels sont les sacrifices que ça implique, ajoute mon frère. N'as-tu jamais envisagé de... d'avoir quelqu'un à tes côtés ? Quelqu'un avec qui partager cette responsabilité ?

— Je t'ai toi. Et Egon. Et Valeria.

— Tu as très bien compris ce que je voulais dire.

— Et moi je te dis que la conversation est terminée.

Je m'étire avant de me lever et de me diriger hors de la salle d'entrainement. Le combat m'a fait un bien fou. Je me dirige vers la tour au sommet de laquelle se trouve ma chambre, Diego sur mes talons.

— On se retrouve dans deux heures pour le banquet ? il me lance.

Je ne réponds rien, toujours contrarié, et entre en trombe dans ma chambre. Mon sanctuaire. Je m'adosse contre la porte avant de me laisser glisser au sol. Je prends ma tête entre mes mains, les dents serrées.

Je m'en veux de dissimuler certaines choses à mon frère, mais hors de question de lui parler de mon rêve. Celui où Wassalie me détruit. Il en serait malade d'inquiétude. Diego me couve depuis la toute première fois que j'ai relâché les Ombres en dévastant les mines de Bogo'Ah. Même s'il ne me l'avouera jamais, je sais qu'il redoute le jour où je perdrais le contrôle pour de bon. Car c'est de plus en plus difficile de revenir, à chaque fois.

Je repense aux révélations que Diego vient de me faire, concernant son âme-sœur. Si ce qu'il dit est vrai, je vais devoir faire preuve d'une retenue et d'un sang-froid sans précédent. Diego a été capable de tuer un homme et d'être à deux doigts d'abuser d'une femme à cause de l'appel du lien. De quoi serai-je capable, moi ?

Et si Diego avait raison ? Peut-être dois-je consommer le lien pour pouvoir tourner la page et reprendre le cours normal de ma vie ? Juste une fois et après je ne la verrai plus jamais. Mais si je laisse cette femme entrer dans ma vie, elle causera ma perte d'une manière ou d'une autre. Mes rêves ne se trompent jamais.

Bon-sang c'est un vrai casse-tête !

Je ferme les yeux, épuisé. J'ai passé une partie de la nuit à m'entrainer avec Egon, qui, pour un humain, me donne tout de même du fil à retordre. Et Diego m'a bien éprouvé tout à l'heure. Il me reste moins de deux heures avant de devoir aller parader pour le Roi à son banquet ridicule.

Fais chier...

Je hais les banquets, les bals, les événements. Tout le monde m'y regarde comme si j'étais une bête de foire ou une divinité mystérieuse. Les nobles essayent de s'attirer mes faveurs tandis que les jeunes femmes à marier tentent de me séduire outrageusement. Je n'ai jamais pu contempler mon reflet dans un miroir à cause de ma vue. Cependant, j'ai compris au fil des années que je suis beau garçon et que je fais beaucoup d'effet aux femmes.

J'aurais pu trouver une épouse, certes. Mais je préfère cent fois la compagnie des prostituées à celle de toutes ces vierges frivoles et avides. Souvent stupides et inintéressantes.

Le Roi m'a plusieurs fois réprimandé, m'interdisant de me rendre dans la basse-ville fréquenter ces « taudis de débauche » comme il les appelle. Cela nuisait à l'image du Roi. Que diraient les bonnes gens s'ils apprenaient que le Mage du Roi était un adepte des bordels ?

Je soupire avant de fermer les yeux et de m'allonger à même le sol pour m'endormir. Une habitude conservée depuis mon esclavage, où nous nous endormions sur la pierre froide et humide des galeries. La sensation de confort procurée par les matelas et toutes ces couvertures et coussins... Je déteste. Car cela me rappelle sans cesse le prix à payer pour avoir ce « confort ».

Immobile et roulé en boule sur le côté, je m'assoupis. 

EROBYE - Tome 1 : Le MiracleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant