Wassalie
Je soupire lorsque N'Ri frappe à la porte. Mandra vient à peine de me quitter après m'avoir aidée à me recoiffer et à réajuster ma robe. Par les Dieux il est déjà l'heure ! Je suis complètement angoissée. Je donnerai tout pour ne pas y aller ! Mais ce serait une offense au Roi et je ne peux pas me le permettre. Pas avant d'être sûre qu'il me laisse repartir chez moi.
— Entrez ! je lance à l'attention du garde.
— Pardonnez-moi de pénétrer ainsi dans votre chambre, mais Egon m'a remis un présent pour vous.
— Un présent ? je m'étonne.
N'Ri me tend un écrin. Mon cœur bondit dans ma poitrine. Je saisis le coffret en velours noir. Les mains tremblantes, je l'ouvre, découvrant une chaine en or d'une finesse raffinée, avec un petit pendentif rond. C'est un soleil gravé sur une pierre noire d'obsidienne. Noire comme mes yeux. Le bijou est discret et élégant.
Je ne sais pas comment réagir. Personne ne m'a offert de cadeau depuis des années... C'est une première. Mes yeux s'embuent malgré moi.
— Il a dit que ça lui ferait plaisir que vous le portiez ce soir, ajoute N'Ri en esquissant un sourire.
— Je... Hum. Oui, bien sûr.
Je retire le bijou de son écrin et le passe autour de ma nuque.
— Vous voulez bien m'aider ? je demande au garde.
Celui-ci s'exécute sans un mot et se place dans mon dos pour fermer le pendentif. Ses doigts tremblent légèrement. Il recule une fois l'opération terminée, me laissant tout le loisir d'admirer mon reflet dans le miroir. Le collier est très beau.
— Non, Nakpa. Tu restes ici ce soir, j'ordonne au petit renard qui me regarde avec envie. Tu ne peux pas m'accompagner. Je sais que tu t'ennuies ici. Bientôt, nous rentrerons. Je te le promets.
Nakpa souffle avant de trottiner jusqu'au lit.
Je rejoins N'Ri qui me guide à travers les nombreux couloirs du palais. Les domestiques sont en effervescence. Certains ont les bras chargés de plats, d'autres de plateaux et de boissons, ou encore de linge de table ou de bougies.
La musique festive et les rires parviennent à mes oreilles, m'indiquant que nous sommes presque arrivés.
— Combien de personnes seront présentes ce soir ? je m'enquiers.
— Nous serons en petit comité. Environ deux cent personnes.
— Deux-cent... personnes ?
Mes jambes se mettent à trembler. La foule me rend particulièrement nerveuse.
— Il y aura les membres de la famille royale, les conseillers du Roi, les représentants de l'Eglise du Soleil, ainsi que quelques membres de la cour, développe le garde.
— Rien que ça...
Je déglutis au moment où nous franchissons les doubles portes de la salle de réception. Je suis estomaquée par la grandeur de la pièce. Une scène surplombe les tables dressées en forme de « U », sur laquelle plusieurs musiciens entraînent les foules hilares. La vaisselle est miroitante, tout comme les décorations qui ornent les tables en verre.
Des lustres en cristal sont suspendus aux plafonds hauts peints d'or et d'argent. Des fleurs sont disposées à de nombreux endroits, dégageant un doux parfum. Un grand espace dédié à la danse est éclairé par des globes lumineux multicolores. Juste derrière, j'aperçois une grande baie vitrée ouverte, donnant sur une large terrasse.
J'admire les robes et les parures des dames, plus belles les unes que les autres. Les hommes portent d'élégants costumes. Chaque vêtement est une œuvre d'art. Une exhibition de la richesse et du pouvoir de chacun. Car c'est cela qui est en jeu, à la cour du Roi.
Je repère ce dernier avec son fils, bavardant avec trois autres hommes. N'Ri me conduit jusqu'à eux. Les hommes s'arrêtent de parler en nous voyant arriver. Je me sens rougir en voyant tous les regards converger vers moi. Je m'incline pour présenter mes hommages au Roi et au Prince.
— Wassalie, me salue le Roi. Je vous souhaite la bienvenue. Je vous présente quelques-uns de mes proches conseillers : le Duc de Framoirie, le Comte de Westangly, et le Général West, que vous avez déjà vu.
J'acquiesce et incline la tête, ne sachant quelle attitude adopter.
Aller, Wassalie, souris, dis ou fait quelque chose...
— Voici donc la fameuse kuulaja aux pouvoirs exceptionnels ! s'exclame le Duc de Framoirie, un homme âgé avec un nez disgracieux et une barbe blanche.
— Le Roi nous a vanté votre pouvoir, mais il a omis de nous dire que vous étiez une créature des plus délicieuses, ajoute le Comte de Westangly, un homme légèrement plus vieux que moi qui me dévisage comme si j'étais une friandise.
Depuis ma fuite du camp d'esclave, j'ai toujours eu du mal à supporter les avances outrageuses. Je lui lance un regard noir malgré moi.
— Et bien ! s'exclame le jeune Comte, vous avez là une redoutable tigresse, Majesté !
— Si vous me le permettez, père, intervient Egon, j'aimerais présenter Wassalie à notre maître spirituel.
— Bien sûr, mon fils.
— Venez avec moi, Wassalie, m'invite Egon.
Je ne me fais pas prier et suit le Prince à travers la foule. Tandis que nous marchons, il se penche pour murmurer à mon oreille :
— Vous êtes splendide. Je suis heureux que le collier vous plaise.
— Vous plaisantez ? Il est... Je n'ai jamais rien reçu d'aussi beau, Majesté.
— Vraiment ? J'en suis étonné. Peut-être les hommes n'ont-ils pas remarqué votre beauté sauvage ?
— Sauvage ? je relève, amusée.
— Vous êtes une femme de la nature, Wassalie. Sauvage. Et dangereuse.
Je souris, flattée. Le Prince m'a bien cernée. Même s'il n'a aucune idée de ma véritable « dangerosité ».
— Quoi qu'il en soit, sachez que l'onyx qui orne votre pendentif provient d'une pierre rare et précieuse que je stockais dans une vitrine. Le noir, ce n'est pas ma couleur. Contrairement à vous.
— Vous avez... fait monter le collier pour moi ? réalisai-je. Pourquoi ?
— Parce que j'en avais envie. Tout simplement.
Il me conduit jusqu'à un recoin où un homme seul observe le banquet avec ennui. Il s'agit de l'homme que j'ai aperçu quelques heures plus tôt dans la salle du trône, dont le visage était dissimulé. Il doit avoir soixante-dix ans environ. Son crâne est rasé et tatoué d'étranges symboles. Il est grand, maigre et ne dégage aucune sympathie.
— Maître Grindh, le salue Egon. Je vous présente Wassalie, la kuulaja qui a ramené notre grand Mage.
— Je sais très bien qui elle est, Prince, réplique l'homme d'une voix sèche. Vous sentez-vous à votre aise au palais ? me demande-t-il.
— Je... Oui.
— Bien. Alors profitez-en. Car rien n'est éternel.
Egon me tire doucement par la manche pour m'inciter à poursuivre notre route.
— Grindh est un vieux grincheux, m'explique Egon. Ne faites pas attention à lui. Je me devais de vous le présenter officiellement car il est un allié précieux de la couronne.
— Je comprends.
— Maintenant que nous sommes seuls et dégagés de nos obligations, me ferez-vous l'honneur de m'accorder la prochaine danse, Wassalie ?
— Quoi ? Maintenant ?
— Un autre moment vous conviendrait-il davantage ?
— Je... Non ! C'est juste que... Vous êtes assez direct, Majesté. J'ai juste été surprise.
Il me sourit franchement avant de m'offrir son bras.
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EROBYE - Tome 1 : Le Miracle
FantasyWassalie est une sang-mêlée, une des dernières métisses immortelle. Cherchant à échapper à un terrible passé, elle vit recluse au sommet d'une montagne enneigée. Attaquée par les Ombres sorties du Voile qui sépare les mondes, elle est contrainte de...