Aldéric se réveilla. Ce cauchemar ! Il le faisait depuis longtemps et à chaque fois toujours la même phrase qui le clôturait. Et la réponse qui ne voulait pas revenir des tréfonds de l'oubli. Il passa sa main devant ses yeux pour tenter d'oublier ce qu'il venait de ressentir et se leva. Ses sens engourdis commencèrent à retrouver leur acuité. Il distinguait maintenant les contours de sa chambre ronde.
Il ne prit pas le temps de se passer un coup d'eau sur la figure et ouvrit la porte de sa chambre pour descendre l'escalier en colimaçon. Arrivé à l'étage inférieur, il poussa une lourde porte en chêne pour se retrouver dans une vaste et sombre pièce. Seul quelques ajournements percés en haut des murs permettaient d'y voir quelque chose.
De la poussière, beaucoup de poussière recouvrait des tas de bocaux divers contenant des liquides indéfinissable. Des contenants plus gros contenait également toutes sortes de vermines : plusieurs argironeta, des serpents, des mutants et bien d'autres encore. Des pots abritaient également toutes sortes de plantes. C'était son laboratoire, son monde !
Aldéric attrapa une lampe qu'il suspendit à un crochet accroché à une poutre du plafond. Il se pencha sur sa paillasse couverte d'alambic en tout genre. Il venait d'avoir un nouvel arrivage de cocicelles. Elles provenaient d'assez loin au nord. Quasiment à la lisière de la forêt. Il n'en avait jamais vu d'aussi grosse ! Leurs glandes salivaires étaient surement hypertrophiées comme tout le reste et ainsi il y avait une chance pour que ça marche.
Aldéric fouilla dans une pile de papier et en sortit une feuille couverte de formule mathématiques. Il en était convaincu. La magie obéissait à des lois physiques bien à elle mais elle devait être constitué de matière tout comme les corps dépourvus de magie. Pourtant il n'avait jamais réussi à trouver cette matière. Etait-ce une forme particulière de ses atomes, ces petites particules censés composé les corps non magiques ? Ou alors est-ce une humeur particulière ?
Penché sur ses notes de travail, le magicien ne parvenait pas à voir l'ombre d'une preuve. Des mois, des années de travaux sans en trouver. Aldéric regarda ses cocicelles. Même si ces nouvelles créatures étaient prometteuses, il était fort probable que son expérience allait échouer.
Il reposa ses notes et sortit un ballon qu'il remplit d'eau. Il fit un signe de sa main droite et des flammes apparurent sous du ballon. Il installa son distillateur et commença à découper les cocicelles. Il fallait trouver la bouche caché sous leur œil imposant, en retirer l'appareil salivaire puis vider le suc dans l'eau bouillante.
Dès qu'Aldéric saisit une des glandes qu'il avait retirées et que le liquide s'en échappa, une vive lumière illumina la pièce entière. Les flammes bleues doublèrent de volume. Le mobilier se mit à vibrer avec une intensité que les verres se brisèrent sur le sol et générait parfois des explosions, de la fumée ou des fugaces illusions. Le suc était un concentré de magie.
Aldéric versa rapidement le suc dans l'eau. Les phénomènes magiques s'atténuèrent pour disparaître. Le contact du liquide avec l'air avait été particulièrement violent. Cela présageait du bon pour la suite de l'expérience. Qui sait peut-être finalement elle pourrait réussir ? Il fallait maintenant laisser la distillation s'opérer pendant au moins une journée.
Un coup frappé sur la porte résonna dans le laboratoire.
- Entrez.
La porte grinça et un homme en livré entra dans la pièce. A peine eu t'il jeté un coup d'œil qu'il recula horrifié. Une gueule énorme semblait prête à l'avaler.
– Ce n'est qu'une illusion.
La vision disparue mais l'estafette ne semblai pas rassuré.
– Vous l'avez vu ? Vous avez vu ce monstre ? Où est-il passé ?
– Comme je vous l'ai déjà dit ce n'était qu'une illusion. Des produits hallucinogènes sont tombés sur le sol à votre gauche.
L'estafette déglutit et évita la flaque verte qui s'étalait sur le sol.
– Le roi vous mande.
– Pour quoi faire ?
– Il vous demande tout simplement.
Aldéric soupira. Il ne pourrait donc pas rester tranquille dans sa tanière.
– Je vous suit.
Il sortit de son laboratoire à regrets. Dès qu'il sortait de son antre, il perdait sa maitrise, il se sentait vulnérable sans ses sortilèges et ses potions. Il regarda par-dessus les remparts, la ville de Malatusa, sa ville. Avec ses toits de tuiles et ses murs de briques, ses auberges et ses filles, sa bibliothèque et ses scribes, ses temples et ses prêtres, c'était la seule ville qu'il connaissait et c'était la plus belle du monde.
Et à l'heure actuelle, il était par le roi convoqué pour énième affaire le concernant. Qu'est-ce que cela pouvait être ? Encore un impair diplomatique qu'il aurait commis sans le vouloir ? Aurait-il oublié un de ses devoirs de courtisan ?
Aldéric traversa la grande salle de réception du château et le couloir de l'aile Nord et pénétra à la suite de l'estafette dans un bureau spacieux où l'attendait sa majesté, le roi Darlick, souverain de la cité-état Malatasu et des terres alentours, des îles Brumeuses jusqu'à la grande forêt du continent dont nul ne connaissait la fin. Quelques notables s'entretenaient avec lui : l'intendant Marius et le grand prêtre Lylick, responsable du culte de la déesse Issis, celle de la mer et de l'amour.
Aldéric et l'estafette s'inclinèrent. Le roi d'un signe de la main nonchalant les fit se relever. Un long silence se fit. Le roi semblait tout bonnement les ignorer. Il continuait toujours à discuter avec le grand prêtre. Il ne semblait ni contrarié, ni en colère. Il était toutefois difficile de détecter les émotions qui traversait ce visage pâle.
Le roi brisant le silence consentit à donner des explications :
– Mon brave Aldéric. Je t'ai nommé précepteur de ma fille. J'aimerai que tu prennes ton rôle plus au sérieux.
Aldéric se souvint maintenant. Il devait s'occuper de finir l'éducation de la princesse. Il avait complètement oublié de donner sa leçon hebdomadaire.
– Je ... je comptais donner cours à madame la princesse quand vous êtes allé me chercher.
– Bien sûr.
C'était le grand prêtre qui venait d'exprimer son avis avec une pointe d'ironie. Il ajouta :
– Vous aurez dut écouter mes conseils votre majesté quand vous m'avez part de vos décisions concernant l'éducation de la princesse. Personne ne pouvait être un plus mauvais professeur que cet hurluberlu.
– Cet homme est un scientifique. Déclara Marius.
– Et alors ?
Le roi leva la main pour faire taire ses deux conseillers.
– Le cours que vous allez dispensez sera le dernier. Vous pouvez disposez
Il fit signe à Aldéric de partir mais avant que ce dernier tourne les talons il lui adressa une dernière parole.
– J'espère que vous ne me ferez pas regretter mon choix.
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Les mots dits
FantasiComprendre. Telle est l'obsession d'Aldéric, le magicien. Il cherche sans relâche, penché sur ses alambics, la clef du mystère : de quelle matière est donc faite la magie ? Peut-il compter sur sa seule intelligence ou faudra t'il chercher la solutio...