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Vendredi 2 juin 2023 - Tampa Floride

Lorsque mes pas résonnent dans le hall d'entrée, un étrange calme m'accueille, bien loin de l'effervescence que j'anticipais, celle des étreintes chaleureuses de mes frères. Un frisson d'attente me traverse, m'attendant presque à être assailli par l'un de leurs plans farfelus. Mais aujourd'hui, la quiétude règne, laissant une atmosphère singulière flotter dans l'air.

Deux ans se sont écoulés depuis ma dernière visite, et pourtant, chaque retour ici réveille la même sérénité. Les souvenirs de mon enfance et de mon adolescence me submergent. Les journées passées à décompresser sur le canapé avec les gars ou à participer à des batailles de farine dans la cuisine se matérialisent à nouveau dans mes pensées. Sans oublier les disputes puériles qui ont parsemé notre quotidien. Une photo inédite attire mon regard dans l'entrée : Ezra à ma droite, Eden à ma gauche, et Alec derrière moi. Mon cœur se serre en contemplant ce grand brun aux yeux verts.

Bien que mes frères ne m'aient pas vue physiquement depuis six mois, le visage d'Alec ne m'est apparu que de manière éphémère au cours des cinq dernières années. Nos rares rencontres, trop brèves à mon goût, laissent une sensation d'inachevé. Certes, nos échanges réguliers par message ont continué, mais contrairement à mes frères, Alec n'a pas souvent franchi le seuil de mon université. J'aime à penser que sa distance n'a rien à voir avec notre presque baiser, cette tentative avortée avant mon départ. Cependant, une petite voix intérieure suggère que cette étreinte manquée pourrait être la raison de son éloignement. Les regrets de suivre mes pulsions et les conseils de ma meilleure amie June résonnent souvent en moi. Mais, c'est du passé, du moins c'est ce que je m'efforce de croire, et j'espère sincèrement qu'il en va de même pour lui.

Alec Davis, l'ami inséparable des jumeaux, celui qui a partagé avec moi le précieux écrin de mon enfance, le garçon qui a détenu le pouvoir de faire battre mon cœur bien avant que je ne comprenne les subtilités de l'amour. Est-ce que ce que je ressentais alors pouvait vraiment être qualifié d'amour ? C'est une question délicate à laquelle je n'ai jamais osé véritablement répondre. Pourquoi s'attarder sur des sentiments qui n'ont jamais été réciproques, surtout en ce qui concerne un homme qui, même aujourd'hui, demeure hors de ma portée ?

Au-delà de la relation fraternelle qu'il entretient avec moi, une barrière infranchissable pour mes sentiments, je suis convaincue que mes frères m'auraient tout bonnement confinée dans ma chambre sans la moindre chance de revoir le brun. Non, je n'exagère pas. Enfin, presque pas. Eden, bien qu'adorable, a toujours eu tendance à être extrême à mon égard. Je l'aime, mais cohabiter avec lui a toujours été un défi.

Je peux déjà imaginer les disputes et les remontrances qui en découleraient. J'ai donc fait une croix sur Alec. Le fait qu'il m'ait délicatement repoussé il y a cinq ans y a grandement contribué. Non pas que l'attraction ait disparu, ni que j'aie totalement effacé ce béguin, mais avec une distance de 2500 miles entre nous pendant cinq ans, je peux affirmer avoir tourné la page. Loin des yeux, loin du cœur, comme dit le dicton, et surtout, j'ai grandi. Je ne suis plus la petite fille innocente, surprotégée par ses frères et leur meilleur ami, que j'étais en partant à l'université.

Ah, Alec... évoquer son nom réveille des souvenirs tumultueux, parfois plus déroutants que les facéties de mes propres frères. Vivre sous le même toit que lui, car oui, il avait élu domicile ici, ressemblait par moments à une épreuve infernale. Il fallait non seulement que je maîtrise mes sentiments et cette attirance persistante à son égard, mais il avait également le don de faire fuir toute personne du sexe opposé qui aurait pu m'offrir une échappatoire, une chance d'oublier ne serait-ce qu'un peu mes sentiments pour lui. À tel point qu'il a hérité du surnom affectueux d'Hadès de la part de June, ma meilleure amie. Comme je le disais, cohabiter avec lui relevait de l'enfer.

Malgré tout, la solitude qui m'accueille lors de mon retour de l'université me chagrine. Un soupir s'échappe de mes lèvres alors que je traine mes deux lourdes valises vers l'escalier. L'ascension de ces marches n'est pas une mince affaire, comme en témoigne le cri de soulagement qui m'échappe une fois arrivée en haut. J'entre dans ma chambre, du moins celle qu'elle était avant mon départ pour l'université. Rien n'a changé, la pièce est étonnamment impeccable. Je soupçonne les garçons d'avoir fait appel à une femme de ménage avant mon retour.

Les murs blancs, témoins muets de ma vie passée, continuent de porter les mêmes photos qui racontent notre histoire en images. Mon regard s'attarde naturellement sur chaque cliché, la plupart illustrant mes frères, Alec et moi, ainsi que des moments complices avec mes amis du lycée. Toutefois, deux nouvelles photos captent mon attention, des instantanés qui évoquent des souvenirs absents de ma mémoire.

L'une d'elles me montre au milieu de mes deux frères, chacun déposant un baiser sur ma joue. Sur ce cliché, il est difficile de distinguer Eden d'Ezra, seuls leurs styles vestimentaires permettent de les différencier. Des jumeaux parfaits. Mes yeux glissent ensuite vers la seconde photo, où je suis cette fois en compagnie d'Alec. Ses bras enveloppent ma taille, et nous échangeons des rires éclatants, tandis qu'il me regarde avec un regard protecteur. Qu'il était beau, ce con ! Et il l'est toujours, si l'on en croit son compte Instagram.

Je repousse doucement les photos, m'installant sur mon lit et me laissant chuter dans le cocon doux des coussins qui l'ornent. Avec le recul, je réalise que mes sentiments pour lui étaient inévitables. Mes frères, y compris Alec, avaient tout fait pour préserver ma jeunesse. Avant d'arriver à la fac, j'avais à peine côtoyé d'autres garçons. Il était donc naturel d'être attirée par le seul homme autour duquel je pouvais évoluer sans risquer l'intervention d'Eden.

Un soupir m'échappe, et mes doigts se saisissent de l'immense ours en peluche qui trône au centre du lit. Je plonge ma tête à l'intérieur, cherchant refuge dans la douce fourrure. C'est le seul mâle auquel j'avais le droit de me rapprocher en présence des autres garçons. L'odeur persistante d'Alec qui émane de Bobby m'envahit, et je ne sais pas si je ressens de la joie ou du désarroi en constatant que cette peluche conserve toujours l'empreinte olfactive du brun. C'est lui qui me l'a offert, agrémentant ce geste d'une pulvérisation généreuse de son parfum. Dormir avec Bobby, c'était au moins entretenir l'illusion de partager ma nuit avec lui.

— Tu embrasses déjà Bobby ? m'interpelle une voix familière.

Je me retire de la peluche, alias Bobby, et lève les yeux pour plonger dans deux prunelles bleues. Une chevelure blonde similaire à la mienne encadre un sourire angélique. Mon frère, Ezra.

Holà cher lecteur, bienvenu dans l'univers de Swan ! J'espère que ce premier chapitre a su te mettre dans l'ambiance ! 

Liens interdits : entre cœurs et amitiéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant