Une de plus

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Il s'était vu la sauver, avant d'avoir plongé ses orbes foncées dans les pupilles bleu de la jeune femme. Les cheveux ébouriffés par le vent qui à chaque bourrasque la faisait tanguer plus encore dans le vide, elle semblait figée. Mais il n'avait rien fait. Son corps avait refusé de bouger, quand elle avait basculé inévitablement de l'autre côté de la barrière. Il n'avait pu ni décoller ses pieds du sol, comme englués par la raison, ni saisir sa main, les siennes s'étant refermées en deux poings crispés. La mort. Il l'avait vu dans son regard, la mort était déjà en elle. Il savait. Elle, elle aussi, elle savait. Elle se doutait qu'il aurait voulu la sauver. Alors elle avait tout bien fait, tout, tout ce qu'il fallait pour qu'il voit qu'elle était une cause perdue. Perdue parce que sa chute dans le lac ne serait pas la seule raison de sa perte. Perdue, parce qu'afin d'être sûre de mourir, cette fois, elle avait prévue. Prévue qu'il voudrait essayer de l'aider. Parce qu'après tout, il n'aurait jamais souhaité à personne ce qu'il avait vécu. La haine de soi qui l'avait poussé a abîmé son propre visage. Cette douleur dans la poitrine qui te fait hurler sans qu'aucun son ne sorte d'entre tes lèvres. Ses jolies lèvres fines et pincées, pensait-il en observant les dernières vaguelettes, seule preuve qu'elle était tombée. Ses si jolies lèvres, qu'il avait vu se recouvrir d'un épais liquide poupre, avant qu'elle ne se laisse tomber. Ce même liquide épais, qui si longtemps, il avait fait couler le long de ses bras. Ce liquide pourpre qui donnait autant envie de vivre que de tout arrêter. Il se sentait si léger pour elle. Elle qui avait réussit à quitter la vie misérable qui lui avait été donné. Lui, il se dit qu'elle, elle était si courageuse, en face de la mort elle-même, de l'avoir regardé. Elle avait prit le temps. Le temps d'observer dans les pupilles de ce garçon un peu étrange avec qui elle ne parlait jamais son reflet qui s'effaçait. Le temps de se rendre compte que, malgré l'absence de mots, ils connaissaient bien plus l'autre qu'ils n'auraient pu l'avouer. Parce que dans leurs yeux, ils s'étaient retrouvés. La compagnie de la jeune femme allait lui manquer, alors il se promit de revenir sur le ponton, chaque fois à la même heure. Il se disait que s'il revenait chaque jour, qu'il revoyait chaque instant tel qu'il venait de le voir, il serait vraiment comblé. En fait, il avait ce sentiment si léger en lui. Elle s'était sacrifié pour deux. C'était vraiment étrange, d'être si simplement libéré par une chose aussi macabre que le suicide. Le suicide d'une jeune femme qui avait toute la vie devant elle. Mais quelle vie ? S'interrogea soudain le brun. Quelle vie aurait-elle eu ? Il avait compris depuis longtemps, à son corps marqué d'un désamour violent, que sa vie à elle n'était pas enssouveli de mots injustes et de colères. Non. Il n'avait pas souffert des mêmes douleurs. Mais cela resterait à jamais deux vies traumatisées par la stupidité, l'injustice, la haine pure d'un humain envers un autre. De plusieurs humains contre un. C'était insupportable, c'était violent pour le corps et l'esprit, tellement qu'il se poserait jusqu'à la fin de sa vie cette question : "Pourquoi moi, je reste en vie ?".

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 18, 2022 ⏰

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