CHAPITRE 2

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YSIA

3 jours se sont écoulés depuis que j'ai fait la fermeture de la librairie. Depuis que j'ai laissé mon passé refaire surface. Depuis ce jour, je suis la plupart de la journée dans mes pensées. Je rumine et je sais que ce n'est pas la meilleure des choses à faire. Pour essayer de me changer les idées, j'ai décidé d'emprunter quelques livres de le la librairie. Ça fait longtemps que je n'ai pas plongé le nez dedans.

-    Je te dis à demain ma poule et fais attention en rentrant, on est samedi, c'est la sortie des ivrognes, me prévient Éveline.

-    Oui promis, bonne soirée à lundi, je lui réponds avec un sourire.

Comme à son habitude, elle s'approche, m'embrasse la joue et part en coup de vent. Je regarde ma montre. 17h19. Il me reste donc un peu plus d'une heure pour remettre de l'ordre et faire le ménage. Le samedi la librairie ferme ses portes plus tôt. C'est généralement le jour où on organise des ateliers pour les enfants. Et ça ne rate pas, ils sont toujours nombreux à être présents. C'est un réel plaisir. Je ramasse donc les feutres éparpillés partout par terre et continue mon rangement.

Je branche mes écouteurs après avoir fermé la porte à double tour et baissé le store. Je manque de sursauter lorsque j'aperçois un monsieur, à même pas quelques mètres de moi.

Respire Ysia, c'est rien.

-    Bonsoir mademoiselle, vous auriez pas une p'tit pièce pour un sandwich ? Me demande l'homme en me tendant son gobelet.

-    Heu si, je dois avoir ça, attendez, je réponds alors en sortant mon porte monnaie de mon tote bag.

Je lui tends alors deux pièces de deux euros tout en lui souriant.

-    Merci beaucoup mademoiselle, bonne soirée à vous, me répond-t-il en me souriant grandement.

Je lui souhaite une bonne soirée et finis par tourner les talons.

J'ai l'impression de puiser toute mon énergie pour faire avancer mes jambes. Il fait un froid glacial dans cet état de New York en ce moment. Les journées sont courtes et le soleil n'a plus donné signe de vie depuis au moins 2 mois. Quelle déprime.

Arrivée à l'angle de la rue où j'avais vu le chat il y a quelques jours, mes pas se font moins rapides.

J'entends des voix.

Je me colle au mur pour essayer de distinguer si ce sont des ivrognes qui parlent entre eux, ou si c'est seulement des gens qui se promènent.

Mais qui se promène un samedi soir à 18h39 dans les rues de Syracuse alors qu'il fait -5 degrés...

-    Tu nous fais perdre notre temps, entendais-je.

La voix est claire et limpide. Ce n'est pas quelqu'un de bourré.

J'avance de quelques pas avec la ferme intention de rentrer chez moi, prendre une douche chaude et boire une bonne tisane. J'en rêve tellement.

-    Tu bouges et c'est fini pour toi.

Je me stop net. Non, ce n'était pas à moi que la voix s'adressait. Mais la personne n'est pas seule.

Mon cœur s'arrête.

Je relève la tête de mes chaussures pour voir ce qu'il se passe. 2 hommes. Un assis contre le mur. Un autre devant lui. Qu'est ce que c'est que ce bourbier ?

Mon cœur va exploser. Mes mains sont moites. La panique commence a monter. C'est mauvais. Il se passe quelque chose de mauvais.

Je suis assez loin pour ne pas être vue, mais trop loin pour en voir plus que ce que je vois.

-    Je vous jure que-, commence l'homme à terre.

-    Ta gueule putain, crie une troisième voix sortie de l'ombre.

    Mes yeux s'ouvrent en grand.

    Mon dieu.

    Qu'est ce que ?

    Je recule automatiquement de quelques pas sans détourner les yeux de l'arme que je vois à présent.

    Une arme.

Mon cœur bat vite.

    Une vraie.

Trop vite.

    Je recule encore.

-    On t'avait prévenu, tu as 10 jours de retard, finit l'homme en levant le bras.

-    Non non s'il vo-

PAN.

Je plaque automatiquement mes mains sur ma bouche pour ne pas laisser un cri m'échapper.

Je ferme les yeux.

Je dois bouger. Je dois bouger. Il faut que je bouge.

Adossée contre le mur je me laisse tomber par terre en sentant ma tête tourner.

Je vais m'évanouir.

Inspire. Expire. Inspire. Expire. Insp...

Je me penche sur le côté et vomis tout mon maigre repas du jour.

Je tousse jusqu'à m'étouffer.

Je pleure. Je tousse. Je vomis.

    15 minutes après m'être vidée de toute énergie, je m'essuie la bouche sur la manche de mon manteau, je m'appuie sur le mur et me relève sans un regard en arrière. J'avance en direction de mon appartement. Enfin, mes jambes avancent toute seule. Ma tête est envahie de pensées plus sombres les unes que les autres.

Qui étaient-ils ? Que voulaient-ils à ce pauvre homme ? Pourquoi je n'entends toujours pas la sirène de la police ?

    Je retrouve mon appartement en moins de 10 minutes. Je me jette sur mon téléphone et compose le numéro de la police. Mais qu'est ce que je vais dire ? Et si jamais les hommes me retrouvent et veulent me faire du mal ? C'était peut être juste une blague ? Un tournage pour un nouveau film policier ?

    Je repose le téléphone à sa place et vais dans ma salle de bain.

    Je m'appuie sur le lavabo. Respire Ysia, c'est pas la première fois que tu entends des coups de feu.

    C'est vrai que à New York, les samedis soirs sont souvent... agités. Entre les soirées un peu trop arrosées des étudiants, les bagarres entre ivrognes et les règlements de compte, c'est pas le silence absolu.

    Mais jamais, en 20 ans je n'ai assisté à un meurtre. Cette simple pensée me redonne des hauts le cœur.

J'ai assisté à un règlement de compte bon sang.

Ysia KnightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant