Le Versant du Soleil (HB tome 3)

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Daniela

Par-dessus le muret de séparation, on entendait, un peu étouffés, les rires et les conversations des voisins, qui passaient du temps dehors eux aussi. On mangea la tarte à la tomate et au maasdam de Lisa et mon taboulé tout en papotant de tout et de rien. Une soirée bien agréable.

Après la charlotte aux framboises du dessert, Bruno monta Benjamin et on se retrouva entre adultes, autour de la table du jardin. Le soleil se coucha ; de retour parmi nous, Bruno alluma un joint. Il tira une taffe et le passa à Magali, qui l'accepta en souriant.

Quand elle passa le joint à Lisa, celle-ci fit « non » de la tête avec un sourire.

─ J'allaite encore, expliqua-t-elle.

On discuta tranquillement sous les étoiles, enveloppés dans des plaids. Magali monta se coucher la première.

─ Je suis crevée, bailla-t-elle. A demain.

─ Bonne nuit ! dirent-nous d'une même voix.

─ Je vais regarder le match, annonça Bruno alors qu'elle disparaissait dans la maison illuminée.

─ D'accord.

Il se pencha sur Lisa et l'embrassa délicatement sur le front, puis sur les deux paupières, et enfin sur les lèvres. Je la vis sourire et souris à mon tour. Ils étaient si beaux ensemble, déjà douze ans de mariage. Ils s'étaient mariés peu après la majorité de Lisa. Elle avait abattu tellement d'obstacles pour pouvoir vivre son amour avec lui... tout était contre eux. La société, leurs familles, le moindre quidam dans la rue, parce qu'il représentait une figure de l'autorité et qu'elle n'était qu'une gamine lorsqu'ils étaient tombés amoureux. Bruno risquait même de perdre son travail, mais ils n'avaient reculé devant rien, soudés comme tout. Quand ils avaient appris qu'ils étaient ensemble les parents de Lisa l'avaient traité de tous les noms : pédophile, manipulateur, etc... Lisa l'avait défendu bec et ongles, avec un calme, une éloquence et une passion incroyables pour son âge.

Personne n'y croyait, mais Lisa si. Et treize ans plus tard, ils étaient encore ensemble, avec deux enfants ; leur mariage était beau et solide. Lisa avait vu juste.

Je l'admirais. Je l'enviais. J'avais toujours eu ce genre de relation aigre-douce avec elle. Lisa faisait tout mieux, réussissait tout mieux que tout le monde, moi comprise.

Bruno me salua et entra dans la maison.

─ Bon, raconte, dit Lisa en attrapant la théière au bec fumant pour se verser une tasse.

─ On s'est embrassé.

─ Pas surprise. Qui a commencé ?

─ Moi.

─ Hum.

─ J'avais bu.

─ Hum, hum.

─ Il m'a rendu la pareille.

─ Tu m'étonnes qu'il t'ait rendu la pareille !!

─ Il est furieux. Il m'en veut, il s'en veut. Il a été horrible avec moi.

Lisa me fixa un instant en silence, sa tasse à mi chemin de la table et de ses lèvres.

─ T'es surprise, Dani ? demanda-t-elle rudement.

─ Non, reconnus-je en toute franchise.

─ Alors, quoi ?

─ Quoi, quoi ?

─ Qu'est-ce que tu comptes faire de tout ça ?

─ J'en sais rien, Lisa, soupirai-je. Rien. C'était pas prévu qu'on se revoie et il se marie bientôt, de toute façon.