Chapitre 1, Atento

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Mon père disait toujours qu'il faut un début à tout. Avant je me disais qu'il avait tort, ce monsieur, respecté du village, polyvalent en tous sens, qui passait du cuisinier de la taverne populaire au bricoleur du quartier, ou encore de père aimant à mari attentionné. J'étais persuadé qu'il fallait un minimum de talents ou de chance pour pouvoir faire des choses que l'on ne nous apprend pas avec pédagogie. Mais aujourd'hui, tout à changer et j'ai espoir qu'il eût raison pour pouvoir m'en sortir dès à présent

Me voilà, partie, à l'aventure, seule, mon sac à dos abîmé et pour seule défense mon arc et mes yeux bleus/gris qui font de moi le monstre, du petit village « Atento », que j'aimais tant, déjà bien loin, que je perds de vue, pas après pas.

Entre deux pensées, mes yeux se scotchent sur une affiche de recherche avec ma tête placardée. On peut y voir mes longs cheveux bruns, des mèches grises naissantes, mais mon regard se greffe sur ces deux ronds de cette couleur si étonnante, si peu commune pour une humaine. Mon teint pâle que j'ai détesté tant d'années pour le harcèlement que je subissais, fais bizarrement un parfait mélange avec mon nouveau regard. En regardant un peu plus attentivement, que mes lèvres légèrement pulpeuses, habituellement, rendent plus volumineuse en portrait-robot. En dessous, y est inscrit mon nom « Serenia Davinchor », et une récompense de 2 000 d'or. Bien que cela ne m'enchante pas de trouver cette affiche, j'espérais au moins avoir plus de valeur que l'équivalent d'un âne, que l'on pourrait acheter dans la ferme du village.

Une fois scruter les alentours, je m'empresse d'arracher l'affiche de l'arbre où elle était agrafée, et poursuis mon chemin.

J'avance, en évitant les montagnes à tout prix. On y raconte que des monstres du chaos y vivent, enfin si on croit aux comptines racontées aux enfants pour les mettre en garde. Moi je me dis que ce sont peut-être des Orgres. C'est connu, ils vivent dans les montagnes asséchées, alors pourquoi pas dans nos montagnes gelées. Peu importe, pour être honnête, je n'y prête pas plus attention, mon esprit est occupé par tous ces souvenirs que je garde de ces 16 années passées dans un village aimant et bienveillant, si l'on oublie l'année dernière...

La nuit descend sur moi, et assombrit mon chemin divague, sans ligne d'arrêt, à ce jour. Je remercie Maman de m'avoir fait un sac de nourriture pour mon départ, à toute hâte et cherche un abri pour la nuit.

Mon instinct me parle et me pousse à grimper en haut d'un arbre, je me dis que j'y serai peut-être moins à l'aise mais plus à l'abri des traques à mon égard. J'aurai sûrement froid mais quel prix ne vaudrait pas ma vie ?

Désormais, installée et mon ventre ne criant plus famine, mon esprit s'enfuit dans un monde meilleur, un monde plus apaisant mais la réalité me rattrape vite, quand je sers un peu plus ma veste contre moi. Le parfum de ma mère kidnappe mon odorat et des larmes chaudes tracent des lignes sur mes joues, comme des coups de pinceaux qu'un peintre pourrait faire pour soulager sa peine.

Mon cher village,

Toi qui m'as tant apporté, autant dans l'amour que dans l'amitié. Autant dans l'assiduité qu'avec rigolade. Je t'aime. Jamais je ne t'oublierai. Jamais je ne pourrai oublier mes origines même si, aujourd'hui, je dois fuir ce qui m'a construite. Laissant papa et maman derrière moi, laissant Gale et Turnor mes frères, laissant Savana et Doris mes plus proches amies, laissant Moma et Totta. Pour leur sécurité, pour ma survie, pour ne plus causer d'ennuis aux personnes que j'aime.

Ce n'est pas nouveau, les Norses et Valkyries sommes attachés à nos villages, nos traditions et le cœur me pèse de devoir tiré un trait sur tout ceci. Je dois me créer une nouvelle identité, de nouvelles traditions. Je dois trouver un peuple qui me ressemble même si j'ai l'impression de n'appartenir à aucun groupe, aucune race, aucune religion.

Qui vais-je devenir ?

Tout sur moi, me fais penser à ma famille, mon collier argent, un rond en pendentif, les chaussures trouées que ma mère m'a refilées, appartenant auparavant à mon frère. Mon sac, troué un peu partout, de plus en plus au fur et à mesure des randonnées, dans la forêt qui colle le village.

Un goût amer se loge à l'intérieur de ma bouche, en repensant à cette forêt, à cette visite, la nuit où tout a basculé. Pourquoi, il a fallu que cela m'arrive ? Ai-je eu de la chance comme m'a dit Grand-mère ? Ou ai-je été maudit comme le pense le reste du village ?

Mon cœur gonfle, ce hurlement raisonne, cette douceur me frappe avec violence encore une fois. Cette nuit, ce loup, ce contact...

                                                                                                 ...

Morphée m'a tendu les bras, le vent souffle au creux de mes oreilles, le bruit des feuilles s'agitant berce ma nuit pour cette première seule, loin de tous mes repères. Mais ce hurlement, que j'ai déjà connu, me prend mon sommeil. Je me réveille en sursaut mi-effrayée, mi-rassurée d'avoir encore un faible repère dans ma nouvelle vie, qui pourtant m'a poussé à quitter mon quotidien passé.

Me voilà au commencement  d'un rien, à la perte de tout ce que je connaissais.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 14, 2023 ⏰

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