Imposteur !

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— Mademoiselle Dampierre ?

Camille s'était fermée comme une huître. Elle ne voulait pas en entendre plus. Ses yeux verts finirent par se fermer et elle laissa échapper un petit « oui ? ».

— Je vous ai adressée à mon confrère pour mieux vous aider. Je viens de recevoir son compte-rendu où il me dit que vous avez refusé d'entendre ses conclusions.
— Je ne suis pas venue vous voir pour ça, soupira Camille. J'avais juste besoin d'aide... je... je...

Les larmes vinrent trop vite, les mots fuirent. Elle fut incapable d'aller plus loin.

*

Quand il avait perçu l'état déplorable de Camille, son médecin l'avait adressée au Dr Simier, un psychiatre doux et affable. Elle ne dormait plus et pleurait à la moindre évocation d'un problème. Camille avait accepté ; elle ne s'en sortait pas toute seule. La dernière rupture avec Nicolas avait été plus violente qu'aucune autre auparavant. Son monde s'écroulait et elle ne savait plus qui elle était.

Un soir, alors que Camille avait rendu visite à ses parents, elle avait couru embrasser son grand-père travaillant dans la vigne non loin de la maison. Le "Alors, ma grande ?" l'avait fait fondre en larmes ! C'est là, qu'elle avait su qu'il était temps de faire quelque chose.

Le Dr Simier poursuivit :
— Avoir un projet, c'est formidable ! Mais cela ne suffit pas. Vous le savez bien. Fuir, ne règlera pas tout. Ecoutez, je vous ai déjà expliqué le syndrome de l'imposteur... mais pour moi, il y a bien plus, et bien plus ancien. Et ce test psychométrique était une indication supplémentaire. Mais je respecte votre choix.

Il tendit une enveloppe blanche que Camille fourra avec empressement dans son sac. Elle se glissa entre les pages du livre qu'elle promenait partout avec elle. Il se battait parfois la place avec un autre... mais lui ne retournait jamais sur une étagère. N'était pas Risibles amours qui voulait !

— Pouvez-vous simplement me donner la raison de ce refus ?
— Je, c'est compliqué !
— Essayez...
— Ça n'a pas de sens.
— ...
— Bien, si le résultat est faible, ça ne m'aidera absolument pas ! Mais s'il est excellent, je n'y croirais pas...
— Le syndrome de l'imposteur, coupa le psychiatre un peu trop rapidement. Camille était à deux doigts d'abandonner toute explication...
— Et si le résultat est ordinaire, et bien, ce n'est pas beaucoup mieux... je ne sais pas comment dire... c'est comme... je veux dire que je ne m'estime pas plus maline que tout le monde... vous me comprenez ? Hummm... vous savez, Nicolas me parlait toujours de médiocrité. Pas de moi, pas spécialement... mais j'ai fini par m'identifier à ces personnes médiocres et méprisables selon lui... et si ce test venait le confirmer ? Non, je ne peux pas ! Je ne veux pas savoir !

Camille revint quelques fois dans ce cabinet avec une magnifique vue sur la Loire et le château d'Amboise. Elle aimait l'odeur des parquets cirés, la lumière changeante que le fleuve projetait sur les murs, la reproduction des Raboteurs de parquet de Caillebotte.
On n'évoqua plus le test mais on parla du départ prochain, de Camille qui ne comprenait pas comment elle avait réussi à décrocher ce poste de rêve (comme elle ne comprenait pas comment elle avait atterri en prépa, réussi ses concours, plu à Nicolas, et tout un tas d'autres choses qui n'avait aucun sens pour elle...).

Elle avait posé sa candidature pour des postes qui la faisaient rêver mais, surtout, très loin. Un soir, alors qu'elle commençait à constituer ses dossiers, elle appela son amie Léa. D'abord, elles parlèrent beaucoup de la nouvelle vie de Thomas et Léa à Lomé. Camille pleura en évoquant Nicolas... Léa réussit à faire rire son amie, puis orienta la conversation sur les documents que Camille remplissait. Elles discutèrent longtemps des destinations. Pourquoi pas Lomé ? Idée retenue ! Mais il ne fallait élargir les choix pour avoir plus de chances de partir... Québec ! Bonne idée ! Camille rêvait d'y aller depuis longtemps. Canberra, Tananarive, Bangkok... cinq dossiers !

— Et pourquoi pas Séoul ? lança en riant Léa.
— Arrête, Léa ! T'es pas sérieuse !
— Pourquoi pas ? dit son amie d'un ton de défi.
— Tu m'as traînée une année entière à tes cours de coréen, tu ne vas pas me demander de faire ton envoyée spéciale à Séoul maintenant ? plaisanta Camille.
— Avoue ! Je ne t'ai pas forcée tant que ça ! Tu aimais bien aussi ! On s'amusait comme des petites folles. Et puis pense à tous ces lieux qu'on a vu ensemble dans les dramas ! Tu disais tout le temps : "Ha ça ! J'aimerais bien le voir".

C'était vrai que Camille avait éprouvé de la curiosité pour ce pays si lointain. Sixième dossier. Le dernier. Le seul retenu !

*

— Tu as oublié ton livre sur le banc, dehors. répéta amusé le grand jeune homme.

L'esprit de Camille avait cessé de fonctionner depuis longtemps. Les pleurs continus du bébé avait eu raison d'elle. Et elle regardait sans comprendre la main qui lui tendait son livre.
Reprenant ses esprits, elle essaya de s'exprimer du mieux qu'elle put avec son coréen approximatif.

  — Oh, merci !!! C'est mon livre préféré !
— Je vois que c'est ton livre préféré, répondit-il en montrant la couverture toute cornée.

Camille sourit presque gênée par la remarque mais surtout parce qu'il s'adressait à elle assez familièrement... peut-être aussi lui plaisait-elle, un peu...

« NON, NON, et NON... Camille, on avait dit pause avec les hommes ! »

Il avait peut-être perçu sa gêne et l'avait sans doute attribuée à la famille qui commençait à s'intéressait d'un peu trop près à leur conversation pourtant anodine. Il lui dit alors :

— Je m'apprêtais à aller me promener quand j'ai vu ce livre abandonné sur le banc. C'est écrit en français, et puis ton nom était gribouillé sur le dos de la couverture ; j'ai voulu te le rendre. On n'est pas à l'abri de la grosse pluie promise par la météo ce matin !
— C'est gentil ! s'exclama d'abord Camille en français, puis, se ravisant, en anglais. Elle avait abandonné toute volonté de s'exprimer en coréen quand elle s'était aperçu qu'il s'exprimait plutôt bien en anglais et comprenait ce qu'elle disait.
— Tu aurais dû finir ta promenade d'abord. Je suis désolée de...
— Allons-y maintenant, avant qu'il ne pleuve ! Allons faire cette promenade ensemble.
— ...

Camille allait refuser poliment - parce que c'était une-fille-réfléchie-qui-n'allait-pas-se-mettre-dans-la-panade-encore-une-fois-à-l'autre-bout-du-monde-sans-amis-pour- l'écouter-chouiner...- quand, soudain, Eun-ji se remit à pleurer ! La nuit allait être longue !!!

Il n'en fallut pas plus pour la décider. Elle fila prendre son sac, y fourra son livre, et referma la porte derrière elle sans regrets !

Avançant vers l'ascenseur, elle regarda timidement le jeune homme. Et, elle se dit :

"Moi, il m'invite moi ! Mais pourquoi ???"

Moon Children (Namjoon)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant