Chapitre 15

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Théodora revient à la réalité.

_ Oh Mad...Oda. Je ne peux pas me le permettre...

_ Ne dites pas n'importe quoi, dit-elle en balançant son hésitation d'un revers de la main, j'ai ici du caramel tout chaud qui ne demande qu'à être mangé, rasseyez-vous, je vous prie.

La jeune veuve s'assoit de nouveau sur le fauteuil et Oda s'agenouille près de la marmite. Elle prends une grande cuillère de bois au-dessus du lit de la cheminée et après avoir posé le couvercle à ses pieds, plonge la cuillère à l'intérieur. Théodora se penche pour y voir un beau liquide brillant d'un marron délicieux et cela a l'air encore meilleur quand la cuillère s'enfonce dedans. Celle-ci fait des tours dans la marmite et les ondes gracieuses du caramel lui donne envie de se lécher ses lèvres. Théodora est comme hypnotisée, aussi bien par l'odeur et la vue du caramel qui danse au bras de la cuillère, guidée par les élégants mouvements d'Oda.

_ Comment faites-vous cela ?

Oda la regarde avec tendresse.

_ Le caramel ?

Théodora hoche la tête.

_ Eh bien, ce n'est pas sorcier, dit-elle en souriant, le caramel c'est du sucre que l'on chauffe et que l'on laisse fondre. Mon petit secret, dit Oda en se penchant vers elle et lui faisant un clin d'œil, c'est de rajouter du beurre salé une fois le caramel apparu, il en sera que meilleur. Ensuite on rajoute de la crème.

Quand elle verse la crème, celle-ci se mélange avec le caramel à l'aide de la cuillère. Oda la regarde en souriant quand elle voit sa nouvelle employée obnubilée le caramel.

_ C'est incroyable n'est-ce pas ? Comment deux éléments opposés peuvent devenir qu'un. Il suffit juste parfois d'un peu d'aide, dit-elle en lui montrant la cuillère.

Théodora la regarde en hochant la tête et lui offre un doux sourire. Ensuite, Oda revient à son caramel.

_ Et c'est tout.

_ C'est tout ?

_ Oui c'est tout simple. Voulez-vous y goûter ? Et pas besoin de me mentir, je sais que vous en avais envie et c'est un plaisir pour moi de vous y faire goûter.

Elle sortit la cuillère de la marmite et la lui tends, une main dessous pour ne pas qu'il coule. Hésitante au début, Théodora cède finalement à la tentation et amène ses lèvres à l'ustensile qu'Oda relève pour que le liquide coule dans sa bouche. La jeune femme ferme les yeux savourant l'instant, le caramel encore chaud coule dans sa gorge comme un courant entre les pierres et réchauffe instantanément son corps. Elle regrette que ce moment se termine quand elle ne sent plus que la cuillère sur ses lèvres.

_ Vous voulez en apportez chez vous ? Et puis non, je ne vous donne pas le choix. Je le vois que vous avez aimé et cela me fait plaisir de vous en offrir, dit Oda en se levant pour se diriger vers ce qui doit être la cuisine.

_ Mais Oda...

_ Non, ce n'est pas négociable. J'ai tout de suite compris que vous ne manger pas souvent à votre faim et je suis du genre à prendre soin de mes employées comme s'ils étaient de la maison.

_ C'est...c'est trop d'honneur Oda.

_ Balivernes. Tiens ! Pendant que j'y pense, je vais vous en préparer pour vos filles aussi, je suis sûre qu'elles vont aimer cela, n'est-ce pas ?

« Est-ce que je suis en train de rêver ? C'est trop, mais les filles en seraient tellement heureuses. »

_ Oui elles vont adorer cela, répond Théodora avec un sourire.

Mais sa patronne était déjà dans ce qui semble être la cuisine.

_ C'est ce que je pensais, entends Théodora en écho, oh j'ai une autre idée, j'ai un reste de tarte à la citrouille et au persil, j'espère que Danielle n'a pas tout mangé.

_ Merci beaucoup Oda, je vous revaudrai ça.

_ Vous me revaudrai cela en travaillant pour moi, ne vous inquiétez pas, dit sa voix douce et bienveillante.

_ D'ailleurs, qui est Danielle ?

_ C'est moi, interrompt joyeusement une troisième voix.

Théodora regarde là d'où venait la voix. En haut des escaliers, elle peut voir une petite fille blonde habillée d'une robe à jupons bleus et au volants blancs. Ses cheveux sont tressés avec des rubans verts et ce qui étonne la jeune femme, ce sont ses chaussettes hautes à rayures bleues et roses et d'épaisses ballerines rouges vernies.

La petite descend des escaliers et se présente devant Théodora et s'incline devant elle avant de la prendre maladroitement dans ses bras.

« Qu'est-ce que je suis censée faire maintenant ? », se dit-elle.

_ Bienvenue, Théodora.

La jeune femme fronce les sourcils.

_ Comment Mademoiselle connaît mon nom ?

_ J'ai lu dans ta...

_ Ah tu es là toi, survient Oda de la cuisine. Théodora la voit avec la tarte enveloppé et trois pots de confitures, utilisés pour le caramel.

Elle se met à coté de la petite fille et met son bras sur ses épaules.

_ Théodora, je vous présente ma petite fille Danielle Doridge, elle a huit ans comme votre Victoria. Vous allez voir elle est adorable, elle ne vous causera aucun ennui durant votre travail, n'est-ce pas ma chérie ?

_ Oui c'est promis, répond gaiement Danielle en regardant la jeune femme dans les yeux.

_ Danielle, je te présente Théodora, notre nouvelle domestique.

_ Bienvenue à Bluewaffle House, Théodora. J'espère que tout se passera bien entre nous.

_ Je n'en ai aucun doute là-dessus, Mademoiselle.

_ Oh, appelez-moi Danielle, s'il vous plaît, je ne suis pas encore vieille.

_ Ah, parce que moi je le suis ?, demande ironiquement Oda.

_ Disons à un âge plus avancé, répond Danielle en rigolant, bientôt rejointe par sa grand-mère et Théodora.

Alors qu'elles rigolent, une très belle horloge en forme de hibou que Théodora n'avait pas vue sonne vingt heures, qui se retourne vers Oda.

_ Veuillez m'excuser mais puis-je regagner mon domicile ? Mes filles doivent être inquiètes.

_ Bien sûr, vous prendrez votre service demain matin à huit heures tapantes, dit la grand-mère en lui donnant les provisions.

_ Oui, je serais là. A demain alors, répond-elle en prenant ce qu'on lui donne.

_ A demain, Théodora, dit Oda.

_ A demain, dit à son tour sa petite fille.

Théodora se dirige vers la porte et sort. Le brouillard est toujours là avec les mêmes saules aux lanternes. Tout d'un coup, quelque chose lui revient en tête.

« Oh non, j'ai oublié de demander pour le salaire si ce n'est pas une erreur. »

_ Non, ce n'est pas une erreur, répond tout de suite Oda à sa fenêtre alors que Théodora est déjà derrière le portail, c'est bien un shilling par semaine, tenez.

Oda lui lance une de ces pièces d'argent que la jeune femme attrape. Elle est bien là, dans sa main: une pièce d'un shilling.

_ Pour prouver ma bonne foi et rassurer vos filles, dit la grand-mère.

_ Merci, Oda, à demain, dit Théodora en rebroussant le chemin vers son domicile.

Cette rencontre, cette journée, elle n'est pas prête de l'oublier.

La Veuve et le Pianiste Tome 1, Bluewaffle HouseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant