« Dans les maisons de poupée, il faut sourire. »
June
Assise sur mon lit, mes écouteurs enfoncés dans les oreilles, je fixe les trois 0 % qui s'alignent dans la marge de mes copies de mathématiques. En deux semaines, Scott a réussi à détruire ma moyenne et à réduire à néant mes chances d'avoir un avenir.
Je n'ai jamais été douée avec les chiffres. Depuis le collège, mon esprit s'emmêle et ne trouve aucun intérêt à calculer. M. Moore avait pitié de moi et me surnotait pour mes efforts, je m'en tirais donc avec 30 %, presque la moyenne, parce que j'avais appris la méthodologie que j'appliquais tant bien que mal.
Mais... maintenant, c'est différent. Quoi que j'écrive sur ma copie, c'est toujours faux.
Et j'ai toujours zéro.
J'ai eu droit à toutes sortes d'attaques mesquines en l'espace de quinze jours. Ce connard ne s'est pas arrêté après ma première retenue. Il m'avait prévenue. Au moins trois soirs par semaine, j'ai arpenté les couloirs du lycée mon seau à la main – je suis maintenant connue du personnel. J'ai même gagné la sympathie de Ted, l'un des hommes de ménage, qui me salue chaque fois qu'il me croise dans les couloirs.
Scott a toujours de bonnes raisons pour me coller : mes retards répétés, l'exercice qu'il a donné la veille et que je n'ai pas fait, le devoir maison que j'ai oublié de rendre.
Je lui tends des perches, alors je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. J'ai abandonné. Je sombre dans ma propre misère sans en craindre les conséquences. Holly m'a laissée tranquille dernièrement, sûrement trop occupée à surveiller Heize pour me prêter la moindre attention. J'ai eu 40 % en physique-chimie avec Allan, et un inespéré 60 % en biologie. C'est médiocre, mais c'est mieux que rien. Je sais quand même que ces notes ne conviendraient pas à mon père s'il s'y intéressait de nouveau. Je ne veux pas prendre le risque de perdre mon téléphone que je viens de récupérer ; légèrement fissuré sur les bords, mais toujours fonctionnel. On pourrait croire qu'une fille de mon âge aurait plus de liberté.
Je bâille en m'emparant de mon fusain. Du papier à grain est étalé sur mon lit, j'ai un devoir à rendre en arts appliqués. C'est la seule matière qui me permet de remonter ma moyenne générale. Heureusement que j'ai de l'inspiration en ce moment.
Il semblerait que moins ça aille, plus je m'accroche à mes dessins.
— June ?
La poignée de ma porte s'abaisse, en vain, j'ai fermé à clé. Gaby retente de sa voix fluette :
— June ! Ouvre-moi !
Je me lève en espérant que ce n'est pas un piège de Suzan pour m'amadouer. Elle déteste que je m'enferme dans ma chambre. Mais elle déteste encore plus nous voir ensemble, alors j'en déduis que c'est peu probable.
Mon petit frère attend sur le pas de la porte, armé de ses figurines Toy Story. C'est l'un des rares enfants de six ans de la planète qui se tient loin des écrans. Suzan les lui interdit formellement. Depuis des mois, il demande la dernière console de jeux à la mode, mais ses plaidoiries incessantes sont sans effet.
Sans même me regarder, il fonce sur mon lit et s'allonge entre les feuilles qui craquent aussitôt sous son poids. Je pousse un soupir exaspéré en devinant qu'il a froissé l'ébauche que je venais de terminer après une dizaine d'essais foireux.
— Attention, Gaby !
Il rit à gorge déployée, mais continue de m'ignorer, trop occupé à agiter Woody et Buzz l'Éclair, qui s'adonnent à un combat sans pitié. Je suis étonnée par la violence avec laquelle il les fait s'entrechoquer l'un contre l'autre.
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TROUBLEMAKER | 1 & 2 [Sous contrat d'édition chez BMR]
RomancePatienter. C'est le quotidien étouffant de June. Elle n'a plus qu'un an à passer dans son prestigieux lycée privé, un an à affronter le harcèlement constant des autres élèves. Un an à survivre dans une maison où elle n'a pas sa place, et où la viole...