Chapitre 14

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Je suis donc contraint, laissé ainsi, embrassé sur la joue malgré moi, de remonter dans ma voiture pour descendre dans le parking. Les phares s'allument, et je m'enfonce dans le cœur des entrailles de notre immeuble. Je récupère mes affaires laissées dans le coffre et prends l'escalier de service.

La lumière apparaît de nouveau avant que je ne puisse m'approcher de l'ascenseur.

« Je ne le reconnais pas, lui ».

Chaque mot est net, prononcé avec un ton parfaitement maîtrisé. La phrase est fluide, même si le dernier mot connaît une accentuation plus violente. Mes oreilles saignent d'avance à l'écoute de cette voix cassante.

« Bonjour Benjamin. Que fais-tu devant notre immeuble ? Tu en descends, ou bien viens-tu d'arriver ?

— Je comptais te téléphoner pour que nous puissions nous voir. J'ai un peu hésité. Le temps nécessaire pour voir ta voiture arriver et ne plus avoir à t'appeler.

— Et bien montons, si tu le veux bien.

— Ce qui ne répond pas à ma question, Alban.

— Je pense que cette information doit arriver après un récit plus précis ».

Sans autre mot, Benjamin appelle l'ascenseur avec sa carte digitale. Je le suis en silence. Je ne le trouve pas particulièrement pesant. Rien ne justifie que l'atmosphère s'alourdisse. Même si, en soi, la présence de mon mari est sans doute annonciatrice d'évolutions. En espérant qu'elles soient convergentes avec mes envies.

Nous arrivons dans le couloir et je sens une légère pression s'exercer sur mon épaule.

« Alban, avant que nous ne parlions plus sérieusement... Je me confie à toi en tant que mari et aussi en tant que psy habitué à de tels propos. C'était assez excitant de te voir ainsi embrassé par un inconnu.

— Il ne m'a que rapidement embrassé sur la joue, tu sais.

— Il aurait pu le faire n'importe où, l'idée même m'aurait suffi.

— Je ne sais pas si je dois m'en réjouir ou bien m'en inquiéter ».

Je souris en prononçant cette phrase pour rassurer Benjamin quant à mes intentions. En réalité, je suis bien partagé. Si les désirs de mon mari ne me laissent évidemment pas indifférent, je constate que mon alarme interne s'active. Encore un retour libidinal ? Quelle relation avons-nous, au juste ?

« Je ne t'ai jamais partagé, mais ... était-ce une erreur ? ».

La question est accompagnée d'une volte-face accompagnée sans être forcée. Je dois donc faire face à Benjamin qui commence à délicatement m'envoyer contre le mur.

« Si nous avions fait d'autres choix. Imaginons. Nous aurions pu vivre une vie commune forte, et quand l'un ou l'autre était seul, il aurait pu construire d'autres choses. Peut-être même aurais-je apprécié l'image ».

Je prends la main de Benjamin et la tire vers moi. Son corps suit donc assez naturellement. En dépit de la décision prise dans cette église, en dépit des images qui ont parcouru mon esprit, en dépit de toutes les difficultés, je ressens encore pour lui une affection et une attirance hors norme.

« Je n'ai aucune idée du résultat d'une telle expérience. Mais, ne crois-tu pas qu'il est trop tard pour se poser de telles questions ? ».

Je rentre brusquement dans le vif du sujet, mais ce mal semble nécessaire. Benjamin ne dit rien et termine de coller son corps au mien. Je sens son doigt parcourir mon cou. Nathan a posé ses lèvres de l'autre côté, mon mari joue quant à lui avec ma peau de ce côté-ci. Son menton vient frapper mon épaule.

Le Saint Ange (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant