Chapitre sept, au matin du monde.

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Chapitre sept, au matin du monde.

Dès l'aube, Wiencke vint réveiller Alain dans le bungalow qu'il lui avait attribué. C'était un local impersonnel en plastique et métal moulés, sans angles, avec un mobilier fixé, qui évoquait une cellule de prison futuriste. Alain avait cédé à la tentation d'une vraie douche, mais au lever il se promit de ne plus dormir que dans son bateau.

Le village, que Wiencke appelait par dérision « Amsterdam », et dont il était le seul habitant, se composait d'une dizaine de ces unités montées sur des pilotis de un à deux mètres et reliés entre eux par des passerelles de tôle ajourée. Tout était neuf et brillant. Les passerelles survolaient une berge boueuse et ravinée plongeant dans la rivière aux eaux brunes. De rares plantes basses et sans feuilles poussaient par bouquets.

Wiencke fit visiter les lieux à son hôte. Hormis trois unités d'habitation, les plus proches de l'eau, les autres locaux étaient des laboratoires de biologie, une unité de production d'énergie, un garage pour un petit véhicule tout-terrain biplace, à moteur électrique, une réserve de vivres congelés. Enfin une pièce vide dans laquelle le maître des lieux affirma qu'il pouvait recevoir des personnes, des vivres ou du petit matériel, envoyés de diverses époques par son satellite tutélaire.

_ Pour un trimaran de vingt mètres, c'est trop petit, c'est pourquoi tu as été déposé en mer.

_ Admettons... Mais si j'avais fait route vers le sud ?

_ J'aurais tiré des fusées pour attirer ton attention.

_ Tu étais sur les falaises ?

_ Bien entendu.

_ C'est toi qui avais installé le radar ?

_ Oui.

_ Et le balisage de la passe, et les perches dans la lagune ? Tu n'as pas de bateau.

_ En effet, ce n'est pas mon travail.Le village non plus.Tout cela est tombé du satellite, avant mon arrivée ici.Mais tu as tort, j'ai un bateau, répondit Wiencke en désignant Manureva.

_ Que veux-tu dire ?

_ Je compte sur toi pour une belle croisière océanographique dès que nous l'aurons rééquipé.

_ Et si je refuse ?

_Tu ne refuseras pas, car c'est pour toi la meilleure façon de vérifier que je dis vrai.

_ Je peux partir seul.

_ Tu te priverais d'un équipier plein d'expérience, qui a déjà parcouru des milliers de milles sur Manureva, et qui va t'apprendre à te servir des merveilles électroniques que nous allons installer à bord.

_ Tu as déjà navigué sur mon bateau ?

_ N'oublie pas que nos trajets sont antichroniques, ton avenir est mon passé, et réciproquement.

_ Je ne m'y ferai jamais...

_ Ce matin, je t'emmène faire un tour avec ma petite voiture. Nous allons visiter la région. Mais d'abord tu vas avaler quelques comprimés.

_ Pourquoi ?

_ De l'E.P.O, un produit qui te permettra de mieux utiliser l'oxygène qui est un peu rare dans l'atmosphère actuelle. Tu as dû remarquer que tu as le souffle court depuis hier. Et les gélules rouges c'est pour prévenir les cancers de la peau, le soleil tape dur... Et ça c'est pour stimuler ton immunité contre les germes que tu pourrais croiser.

_ Tu crois que ...

_ Regarde moi, j'ai plus de cent ans !

L'engin se composait d'un châssis aux formes arrondies contenant les batteries et quatre moteurs électriques couplés chacun à une roue de taille imposante. Les deux sièges côte à côte étaient protégés par une bulle transparente, semblable à celle d'un petit hélicoptère. Sur l'arrière, une petite plate-forme permettait de charger un peu de matériel.

L'Océan des marins perdus.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant