Chapitre 1

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Dans la noirceur de la nuit, Saral bifurqua à l'angle du couloir et retint sa respiration. Pas un bruit ne lui parvint alors qu'une tension palpable pesait sur ses épaules. Les gris n'étaient pas connus pour leur compassion et Saral savait ce qu'il encourait si on le surprenait à cette heure tardive, mais c'était un risque qu'il était prêt à prendre. Par chance, l'endroit était vide de toute présence. Plus rien ne semblait se dresser entre lui et les cuisines. Le fumet du bouillon qu'on leur avait servi flottait encore entre les murs de pierre de l'orphelinat, et le gargouillement qui résonna dans le creux de son ventre ne fit qu'accentuer son excitation. Il était proche !

Au bout du couloir, Saral emprunta une volée d'escaliers, alors que ses battements retrouvaient un rythme plus régulier. La porte en bas s'ouvrit sans opposer de résistance, dévoilant une salle remplie d'étagères et de tables de travail, et il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire. Atteindre les cuisines représentait un exploit en soi, peu de passeurs pouvaient s'en vanter, et il faisait désormais partie de ce cercle restreint d'élus. Il commença par fouiller méthodiquement les tiroirs et armoires de la grande pièce pour n'y trouver que des ustensiles et casseroles usées, rien de bien intéressant, puis son attention se dirigea vers les étagères hors de sa portée. Il emprunta un tabouret dans un coin pour grimper sur le plan de travail et continuer ses recherches. Il avançait avec précaution entre les restes de vaisselles, en prenant bien soin d'éviter les piles bancales.

Ses jambes étaient fébriles, fatiguées par la dure journée qu'il venait de passer et par la peur de se faire prendre, mais après s'être faufilé sur plusieurs mètres, ses efforts furent finalement récompensés. Trois miches de pain reposaient au fond de l'un des placards. Sans attendre, il en avala une avant de ranger précieusement les deux autres dans un pan de sa cape. Pour la première fois de son existence, il se surprit à remercier les dévas. Ce n'était pas grand-chose, mais cela lui permettrait de tenir le coup un peu plus longtemps.

En voulant remettre le tabouret à sa place, Saral frôla une poêle qui s'écrasa sur le sol dans un vacarme étourdissant...

— Merde, s'énerva-t-il d'un juron étouffé.

Il se hâta de redisposer les deux objets précisément là où ils se trouvaient avant de discerner des bruits de pas... Les gris semblaient proches, trop proches que pour qu'il ait le temps d'atteindre l'entrée par laquelle il était arrivé. Il devait dénicher un endroit où se cacher, et alors qu'un grincement de porte résonnait au fond de la pièce, il ouvrit la première armoire libre pour s'y engouffrer tout entier.

— Puisque je te dis que ça venait de la cuisine !

— T'en es certain ?

— Non, mais s'il s'agit d'un morveux, c'est la préfète qui sera heureuse. Elle ne refuse jamais un peu de divertissement.

— Bon, d'accord. On fait un tour rapide puis on s'en va. Je ne veux pas m'attirer d'ennuis.

Saral se trouvait à l'autre bout de la pièce. Il avait beau ne pas être visible, sa cachette n'avait rien de particulier. Si les deux gris décidaient de fouiller l'endroit, ils le découvriraient à coup sûr... Il discernait d'ailleurs déjà les claquements secs des placards que l'on ouvre puis referme. Que pouvait-il faire ? Le plus malin était certainement d'atteindre l'issue par laquelle il était arrivé. Ils l'entendraient, et verraient probablement son dos, mais s'il se dépêchait, ils ne parviendraient pas à l'identifier dans la pénombre. C'était risqué mais il n'avait pas d'autres choix, et il enleva sa cape pour la rouler en boule contre son abdomen.

Toute son attention se concentrait sur sa course à venir, et il entrouvrit le placard dans lequel il se trouvait pour se jeter au fond de la pièce.

— Noor, regarde !

Avalar - Tome 1 - Le peuple ancienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant