Chapitre 28 : 2129 (époque : 2129) (2/2)

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J. Guire considère W. Andrews. Il lui tient la main et répond doucement :

- On est dimanche, le 27 février. La fête de la seconde révolution américaine. Vous voulez passer manger avec mon père et moi ce soir Docteur ? Nous serions honorés d'accueillir un scientifique qui n'a rien découvert.

Il lui sourit avec bienveillance, un élan d'affection que W. Andrews lui renvoie avec respect. Le Dr Andrews était apprécié pour cela. Au-delà de ses théories qui fascinaient toute la communauté scientifique, c'est sa gentillesse qui fut la première compétence reconnue de tous.

Au prononcé de la date, la main de l'homme solitaire se met à trembler.

« Il y a déjà... et seulement... cinq ans qu'elle... »

Ses yeux s'écarquillent, ses sacs lui glissent des mains et le contenu s'éclate sur la vitre informatique du sol.

La vitre clignote de rouge. Une autre plaque s'installe sous les pieds pour nettoyer son inattention. La dalle vitrifiée descend, remplacée par une autre dalle.

La technologie.

J. Guire observe, consterné, l'épave de taille moyenne à la figure humaine qui se dresse devant lui. W. Andrews est gêné par son regard de déploration.

- Excuse-moi, je vais te rembourser, dit-il.

- J'aimerais bien savoir avec quoi Docteur vous comptez me rembourser ? Votre empreinte ne passera pas non plus pour cela.

- Des problèmes, Jerry ? interroge un ami du gérant.

- Docteur, je me doute que c'est difficile. Mais il ne faut pas se pourrir la vie avec le passé, insiste le vendeur dans son fauteuil, et je sais ce que je dis. On ne peut en vouloir aux événements, car jamais ils ne vous répondront. Il faut avancer.

Coupable de tout, du monde, de ce qui s'est passé.

- Merci Jerry, tu es un brave garçon, tu l'as toujours été. Tu me mets ça de côté, sur ma note, je rembourserai, répond l'homme aux yeux clairs en quittant précipitamment l'épicerie.

En arrivant devant son appartement, il ne prête plus attention aux graffitis sur la porte et le répondeur.

Il passe son digicode devant « Les ricains ont le cancer et les juifs la peste ! » et il entre. 

Ce genre d'inscription ne l'étonne guère, la Californie est devenue une réserve d'antisémites, étant juif il n'y échappe pas.

Les joues et les yeux creusés, l'homme atteint enfin son fauteuil en lambeaux. Pour se délier la langue et exprimer enfin sa colère, il hurle, à s'en détacher la mâchoire, craquer la gorge et à s'en brûler les poumons. Des larmes de rage et de désespoir inondent ses yeux pour briser l'écume des souvenirs sur le sol.

Il crie des insultes, il jure envers le ciel : « Pourquoi m'as-tu abandonné ? Tu m'as abandonné ! Lema Sabactani ! »

Il se répond, acquiesce, en ajoutant parfois des « mais tout à fait, voilà ce que je devrais faire ».

Il juge l'amertume magique, tel un don du ciel ; cette capacité à éprouver de la haine envers le néant, dans le vide, sans but et rédemption.

Il ferme les yeux et trouve en lui-même la faculté à oublier sa vie durant un instant. Ses paupières se ferment. Il respire profondément, mais rien n'y fait. La respiration reprend son rythme effréné et il pleure... seul, encore seul, toujours seul.

Les noirceurs de son visage sont toujours focalisées sur la même silhouette, Lilas Mill. De combien d'amour un homme peut-il se remplir pour une même personne ? Pour, à la fin, s'inonder lui-même des richesses dont la destinataire n'est plus terre d'accueil.

Face à lui se tient le fantôme de ses sentiments... cette ombre qui le poursuit.

Son Gardien.


Fiche historique : William Andrews (né Joseph) est le fils que toute mère souhaiterait mettre au monde. Des études brillantes, des résultats d'excellence, une reconnaissance internationale, une vie personnelle réussie. Il est né d'un père historien et d'une mère médecin, eux-mêmes nés de familles scientifiques travaillant dans l'anthropologie des religions. Aussi loin que remonte leurs mémoires, cela fait plusieurs générations que ce schéma se répète.

W. Andrews poursuit tout en brisant quelque peu la chaîne : historien au décès de son père après avoir été... physicien. Adolescent, il rêve de devenir psycho-historien, comme dans ses livres favoris contant la fondation et la destruction d'empires astraux, ceux d'Asimov. Durant son post doctorat de physique quantique, il s'intéresse fortement à la notion d'espace-temps, allant jusqu'à porter un Groupement d'Intérêt Scientifique mondialement réputé avec son meilleur ami, le Pr. Laurent Ballier. 

Grâce à de nombreuses années de recherches et des subventions conséquentes, les deux amis en sont venus à chercher une « faille » dans le temps. Au décès de son père, et aux premières apparitions de ses troubles compulsifs, il abandonne l'Institut et la physique à L. Ballier, pour se consacrer à des études supérieures d'histoire et d'anthropologie des religions.

Au décès de sa femme, il délaissera toute forme de science... et de vie.

Identité : William (Joseph) Andrews

Naissance : 2083 - Décès : 2022

Cause décès : Condamné à mort (Etat américain inconnu, détention secrète, USA).


Aparté IX : Dieu est dans la souffrance

F.G., Psychologue clinicien, chercheur à l'Inrs.

Parti mouvement anti-libéralisme américain.

(80e ère de la famille).

Dr J. Stevens FACE aux GARDIENS [ShortList Watty22... ss Edition] (Partie 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant