CHAPITRE 3

13 2 0
                                    

JUDE

Nous avons quitté Londres depuis quatre longues heures et j'ai déjà envie de rentrer à la maison. J'ai l'impression d'être au beau milieu de nul part ici. Je sais que nous approchons de Windorf et je m'inquiète de plus en plus de ne voir rien d'autre que de la forêt autour de nous. Les routes sont presque désertes. On ne voit plus rien d'intéressant depuis qu'on a dépassé Birmingham. On a définitivement quitté la ville ou tout ce qui s'en rapproche.

Ma playlist tourne en boucle dans mes écouteurs depuis notre départ. Je n'ai pas eu envie de passer le trajet à discuter avec Emilia et je crois qu'elle non plus. Elle est toute excitée à l'idée de retourner dans son internat mais elle ne dit rien. Ma sœur n'est pas du genre à montrer ses émotions. Il faut bien la connaître pour savoir ce qu'elle ressent, il faut lire à travers elle et son masque de fer.

Heureusement, nos parents ne sont pas dans la même voiture que nous. Leur chauffeur roule quelques mètres devant nous. Ils ont pensé que nous serions trop serrés dans une seule et même voiture. Ce n'est pas une idée qui me déplaît. Je n'aurai pas supporté d'entendre ma mère me parler de tous les bienfaits de l'internat pendant quatre heures.

Ma mère n'est pas une femme méchante. Au contraire, elle est la douceur et la délicatesse incarnée. Elle n'est pas comme mon père qui paraît froid à toute heure du jour et de la nuit. Elena Lillard est une femme d'exception comme on en trouve presque plus aujourd'hui. Elle se soucie de tout et de tout le monde au point d'être parfois trop sensible du sort de chacun.

Elle a très vite compris que mon intégration à Windorf n'était pas une évidence pour moi, que j'aurai préféré y échapper. Elle a passé ces dernières semaines à essayer de me convaincre que ce serait bon pour moi. Elle m'a dressé des centaines de fois la liste des avantages qu'il y aurait à aller à l'internat. Elle a tout fait pour rendre mon départ le plus facile possible.

Malheureusement, elle n'a pas réussi.

Assis à l'arrière de la voiture en compagnie de ma sœur, je regarde le paysage défiler à travers la vitre. Depuis près d'une heure, on ne voit plus que des champs ou de la forêt. J'ai la sensation de m'enfoncer au plus profond des terres, là où il n'y a plus aucune vie.

Je me demande pourquoi un internat aussi célèbre que Windorf se trouve dans un endroit aussi reculé de la ville. C'est comme si on essayait de nous enfermer dans une bulle à l'écart de tout pour nous éduquer comme certains l'ont décidé. Je déteste ça. Je voudrais retourner à la civilisation, rentrer à Londres où je suis certain d'y trouver des gens normaux et un semblant d'animation.

Soudain, je reçois un message de mon père m'informant que nous sommes presque arrivés.

Enfin...

Je ne pensais qu'il viendrait aujourd'hui, qu'il ferait l'effort de nous accompagner jusqu'ici. Mon père a un emploi du temps encore plus chargé qu'avant depuis qu'il a été nommé Premier ministre. Il part souvent très tôt le matin pour ne revenir que tard le soir. Il passe ses journées à enchaîner les rendez-vous et les réunions. Il n'est plus souvent avec nous. Je croyais qu'il ne pourrait pas se libérer aujourd'hui et qu'il ne prendrait pas la peine de sacrifier toute une journée de travail pour Emilia et moi. Je m'étais trompé.

Néanmoins, je doute qu'il fasse ça uniquement pour nous. J'ai entendu dire que tous les parents seraient présent et que c'était une manière pour eux de faire bonne impression en montrant qu'ils se soucient de leurs enfants. Les parents se doivent d'être là pour l'inauguration d'une nouvelle année scolaire. Ce n'est donc peut-être qu'une histoire de faux semblant et de beau sourire sur une photo qui finira probablement dans la presse.

The Pretty BoyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant