Chapitre 3

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Les jours passent et Siddhi n'a pas recroisé Priyanka dans le quartier. Elle est déjà passée plusieurs fois devant la fameuse maison bleue lors de ses passages en ville. A chaque fois, elle tendait le cou pour voir si elle apercevait la vieille dame, mais elle n'avait jamais osé se présenter à la porte. La fille craignait sa réaction. Il était fort probable qu'entourée des autres personnes de sa caste, Priyanka ne se montre pas aussi amicale que lors de leur rencontre. Ce n'était absolument pas dans son avantage de se montrer proche d'une Intouchable.

Ce matin, Siddhi s'occupe de nettoyer ses dernières toilettes pour la journée. Le coin est infesté de mouches.

– Siddhi, est-ce que c'est toi ?

La fillette n'arrive pas à y croire. C'était elle. Elle n'avait pas oublié sa voix. Elle se retourne et voit en effet Priyanka qui la regarde avec un grand sourire. Siddhi est contente de la revoir, mais elle est aussi très gênée. Elle aurait préféré lui cacher son travail dégradant. C'était sûr, là, Priyanka ne lui parlerait plus jamais.

– Namasté aunty Priyanka.

– Je suis contente de te revoir. J'attendais ta visite.

– ... J'étais très occupée ces derniers temps, bafouilla Siddhi. La présence de Priyanka la déstabilisait. D'ailleurs, j'ai pris du retard. Je devrais y aller. Ma mère va m'attendre. Siddhi range ses affaires et se lève pour partir.

– Et moi, je te retarde. Excuse-moi. Laisse-moi t'aider avec tes seaux. A deux, nous irons plus vite.

– Non, vraiment, ne vous embêtez pas pour ça. Je m'en occupe. Je ne peux pas vous faire porter mes seaux.

– Et pourquoi ça Siddhi ? Tu sous-entends que je suis trop vieille et que je n'ai plus de force ? J'ai de la réserve, ne t'inquiètes pas.

Priyanka rit de bon cœur puis se saisit vite d'un seau. Siddhi n'en revient pas. Elle aimerait répliquer mais elle a bien compris qu'elle ne pourrait pas faire entendre raison à la femme. Elle lui montre quoi faire avec le contenu des seaux. Elle doit admettre que Priyanka a encore beaucoup de vigueur pour une personne de son âge. Elles marchent ensemble jusqu'à la rivière. Elles lavent et rangent tout puis se reposent quelques minutes sur la rive. Une complicité s'installe entre elles deux.

– Siddhi, dis-moi, est-ce que tu as des rêves ?

– Des rêves ?

– Oui, est-ce que tu t'es déjà imaginée une autre vie que celle-là ?

Siddhi regarde la femme, interloquée. Elle était très étonnée de sa question. Son destin était déjà tracé.... A quoi cela lui servait de rêver ? Elle murmure :

– Petite je pensais pouvoir tout faire. Qu'il me suffisait de le vouloir et d'y travailler pour que cela se réalise. Je me voyais quitter Bradesh et découvrir le monde. Peut-être plus tard soigner les autres ou bien devenir maîtresse. Mais parce que je ne suis qu'une Dalit, je ne peux rien faire.

A ces mots, des larmes commencent à couler sur les joues de Siddhi. Elle repense à tout ce qui s'était passé, à ce jour où ses rêves avaient volé en éclats, à toutes les humiliations qui avaient suivi et aux blessures qu'elle avait enfouies sans jamais en parler.

Il y a beaucoup de choses qu'elle n'avait pas dit à ses parents. Elle savait que la vie était déjà difficile pour eux et elle ne voulait pas les accabler avec ses problèmes ou ses regrets. Elle voulait être forte pour eux. Mais elle avait l'impression qu'elle pouvait tout dire à Priyanka et que son amie ne la jugerait pas. Alors elle commence à tout lui raconter, à lui ouvrir son cœur. Priyanka la laisse parler et ne l'interrompt pas.

J'ai des projets pour toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant