Abus de pouvoir

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     Depuis un moment déjà mes yeux fixaient le plafond comme si je m'attendais à ce qu'il me donne toutes les réponses à mes innombrables questions. Le jour tapait frénétiquement à mon carreau dans l'espoir d'arriver à me faire quitter mes draps, mais je ne pouvais pas me résoudre à poser un premier pied dans cette nouvelle journée qui s'annonçait déjà bien trop difficile à surmonter. Cette dernière nuit m'avait paru irréelle et à plusieurs reprises je dû me pincer pour m'assurer qu'il ne s'agissait pas d'un rêve, et l'odeur succulente de nourriture qui flottait maintenant dans ma chambre tendait à me faire croire que finalement je ne m'étais peut-être juste pas encore réveillé. C'était l'espoir qui me berçait bien sûr, mais mon sens de la réalité m'ayant déjà rattrapé je savais pertinemment que je n'étais tout simplement plus le seul habitant de mon loft. Un bien étrange personnage s'était installé chez moi sans même prendre la peine de me demander ma permission et devait probablement avoir investi ma cuisine avant que je n'ouvre les yeux ce matin.
     En fin de compte mon estomac me laissa comprendre qu'il en avait assez d'être mit à l'épreuve par ces douces effluves qui caressaient mes narines depuis un moment, se tordant dans un grondement affamé à en faire trembler les murs. L'odeur de bacon grillé avait été le dernier clou dans mon cercueil, me tirant de mon lit malgré mon incroyable réticence à le quitter. Je compris en sentant mes pieds se poser sur le parquet froid que je n'avais désormais plus d'autre choix que d'aller faire face à cette nouvelle réalité qui m'attendait au delà de la porte en bois sombre qui me séparait de la pièce voisine. Avec regret, je me mis à ramasser quelques affaires pour ne pas faire l'affront à mon nouveau colocataire de me balader nu au milieu de l'appartement. Et après m'être vêtu d'un tank blanc et d'un short de basket aux couleurs rouge et noir, je m'engageai finalement sur le seuil de ma porte.
     Le fameux jeune homme qui s'était présenté à moi sous le nom de Stiles était bel et bien présent dans ma propriété, m'apparaissant comme une fascinante créature entourée de mille mystères. Le garçon était tranquillement assis au comptoir de ma cuisine sur l'une des chaises hautes qui jonchaient le long du bar, ses prunelles arpentant les pages d'un grand livre protégé d'une couverture en cuir et dans laquelle divers dessins avaient été gravés à la main. Un petit ruban rouge servant probablement de marque page tombait de la reliure. Un café noir se trouvait dans sa main libre, l'amenant parfois à ses lèvres sans jamais lever le nez de sa lecture. Le garçon ne prit pas la peine de m'accorder un regard en m'entendant approcher, se contentant de siroter une autre gorgée dans sa tasse tout en tournant une nouvelle page d'un geste agile du pouce. Je du m'arrêter un moment pour le contempler dans son stoïcisme, ayant toujours un peu de mal à réaliser qu'il ne faisait pas partie d'une machination de mon esprit mais trouvait place dans ce monde bien réel qu'était le miens. Il m'était apparu avec tant de mystères la nuit dernière, et chaque seconde que je passais à l'observer me noyait davantage dans la curiosité d'en savoir plus à son sujet. Il était un Émissaire, c'était de cette façon qu'il s'était présenté à moi en tout cas, et même cette simple chose  je n'avais pas la moindre idée de ce que cela pouvait signifier. Mais au vu de l'engagement solennel dont le jeune homme avait fait preuve envers moi lors de notre rencontre, je me doutais qu'il s'agissait de quelque chose de bien trop grand pour que je puisse en imaginer seul toute l'étendue. Nerveux de par sa présence, je me raclai la gorge pour tenter d'entamer un échange avec lui.

     - Bonjour Stiles.

     Il jeta un rapide coup d'œil furtif au dessus de son bouquin pour me signifier qu'il m'avait entendu mais s'y replongea immédiatement sans me faire l'honneur de me donner une réponse. Tout comme la veille, Stiles n'avait pas l'air très en clin à me partager un peu de sa sympathie, si tant est qu'il en soit doté. Il tourna une nouvelle page dans un claquement cinglant, portant toute son attention sur la prochaine ligne qu'il s'apprêtait à lire. 
     Je soupirai face à l'ignorance manifestement volontaire dont il venait de faire preuve, me décidant à laisser ce détail de côté pour le moment et partant à la recherche de la nourriture qui m'avait tant fait monter l'eau à la bouche lorsque je me trouvais encore dans mon lit. Et mes espoirs ne furent pas déçus car devant moi s'étendant sur une bonne partie de ma table de salon un magnifique petit déjeuner que je pensais n'exister que dans les films. Tout était là, prêt à être dévoré. Cette vue du paradis me donna l'agréable sensation d'être un prince, impression vite ternie par l'inconfort d'avoir été justement appelé "Roi" par l'Émissaire se tenant derrière moi lors de son serment. Je chassai cette pensée désagréable de mon esprit, prenant assise sur l'une des chaises.
     La table en bois noire n'était presque plus visible sous toutes les choses qui y étaient disposées soigneusement et qui me donnaient toutes plus l'eau à la bouche les unes que les autres. Des croissants au miel dans une corbeille, du pain tranché disposé sur une planche à découper, une grande coupelle sertie de poires, de pommes et de raisins, des œufs dont le jaune était aussi rond et parfait que le soleil, et du bacon qui frémissait encore tout juste sorti de la poêle. Disposés dans leurs pots d'origine, de la confiture, du miel et du beurre se tenaient à portée pour pouvoir sertir tout ça de l'un ou de l'autre. Je ne savais même pas moi-même être en possession de toutes ces choses dans mes placards. Et bien évidemment, le reste de café ainsi qu'une carafe de jus d'orange se trouvaient près du verre et de mon mug se trouvant au bord de mon assiette vide. J'allais entamer, mais je ne pu m'empêcher de loucher en direction du cuisinier qui ne donnait pas l'air d'avoir l'intention de me rejoindre pour ce superbe petit déjeuner. Il se contenta de boire inlassablement dans sa tasse, une pomme jusqu'ici encore intouchée se trouvant sur le comptoir. Étais-ce de sa propre volonté de ne pas venir manger avec moi? S'interdisait-il de partager ma table? Avait-il déjà eu sa part avant que je ne me lève? Est-ce qu'il pensait ne pas avoir le droit à toutes ces merveilleuses choses car il s'imaginait avoir un statut inférieur au miens? Je ne pris pas le risque de lui poser la question car je me doutais qu'il ne me répondrait que par le mutisme. Je me servis donc silencieusement une tranche de pain sur lequel je tartinai une belle noisette de beurre pour enfin contenter ma faim. Mais lorsque je mordis voracement dans ma tartine, un gout très fort et astringent emplit ma bouche, me provoquant le réflexe de tout recracher dans mon assiette. Je me saisis précipitamment de la carafe de jus, m'en servant un grand verre dans l'espoir que l'agrume me rincerait suffisamment la bouche. Mais là encore, le liquide se révéla infect et je ne pu avaler ma gorgée. En me tournant vers Stiles, je ne pu m'empêcher de remarquer qu'il me fixait avec insistance, les coins de ses lèvres légèrement relevés dans un sourire à peine perceptible.

L'Émissaire du Roi ( Sterek Fanfiction - FR ) [R18]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant