AU NOM DE LA LOYAUTÉ, LA VENGEANCE VIENDRA

Chapitre 6

Il faisait encore nuit quand Kaan se rendit non loin de la frontière qui séparait la Terre des Exilés et le royaume de Krigere. Ces deux endroits étaient seulement divisé par une grande rivière dont le courant semblait constamment furieux. L’eau se débattait avec elle-même, créant de violents remous qui s’écrasaient sur les rochers la bordant. La traverser était toujours une mission périlleuse où il fallait lutter pour ne pas être emporté par sa puissance.

Le jeune homme s’assit sur la souche d’un arbre et l’observa mener sa course contre elle-même, l’esprit étrangement vide. Plus loin, dans son dos, il entendait les quelques hommes qui l’accompagner parler entre eux. Le silence de la nuit transportait leurs murmures jusqu’à lui.

Quand il n’était encore qu’un enfant et que son père était toujours en vie, il avait l’habitude de grimper avec lui sur sa monture. Abbadon l’installait confortablement et il se tenait fermement à la crinière du cheval qu’ils montaient. Pendant des heures, son paternel lui montrait l’étendue de Krigere, lui expliquant en souriant que, un jour, tous ce qu’il voyait serait à lui.

-Même le ciel et les nuages ? demandait-il de sa voix enfantine.

-Même le ciel et les nuages, confirmait Abbadon en riant. Absolument tous t’appartiendra.

Ensuite, avec des mots simples à comprendre pour son jeune esprit, il entreprenait de lui raconter de où il venait, où étaient ses origines et pourquoi il devait ne jamais les oublier. Bercé par le son de sa voix et par l’allure paisible de leur cheval, il finissait toujours par s’endormir en rêvant du jour où il serait, lui aussi, Roi. Il se voyait déjà gouverné, son père à ses côtés pour le soutenir et le guider.

Et maintenant, après des années de souffrance, après avoir vu Abbadon se faire tuer sous ses yeux et avoir dû se résoudre à grandir sur la Terre des Exilés, il était sur le point de venger son géniteur en reprenant le trône et en assassinant Basilius. Et tous ça grâce à la précieuse aide de sa fille aux envies d’évasion qui coûterait bien cher à sa famille.

Il en frémissait d’excitation à l’avance.

Il y a deux jours, quand Atem était venu les trouver Heigia et lui pour les informer qu’il avait peut-être trouvé le moyen de renverser le Roi, ça avait été le branle bas de combat. Dans l’intimité de la chambre de sa sœur, les trois comparses avaient échafaudé un plan toute la nuit. D’abord contre, prétextant que c’était bien trop dangereux et qu’ils n’avaient pas assez de temps pour se préparer devant eux, Heigia avait finit par collaborer malgré le peu d’informations à leur disposition.

La conversation que Atem avait surprit était le fruit du pur hasard mais Kaan se plaisait à y voir un signe de son père qui veillait sur lui depuis les astres où ils se trouvaient. Bien que les Exilés aient interdiction de se rendre sur d’autres terres que les leurs, quelques uns d’entre eux, notamment Atem, bravaient cette interdiction pour voler de la nourriture quand elle venait cruellement à manquer, comme en ce moment. Le fidèle ami et bras droit de Abbadon aimait se rendre à une taverne miteuse. Il affirmait qu’il y avait tellement de bruit que le propriétaire ne se rendrait même pas compte qu’un troupeau de sangliers s’étaient faufilés dans sa cave si ça arrivait. Et dans cette cave, de la nourriture, il y en avait à foison.

Alors Atem se servait et repartait sans que personne ne le voit.

Seulement, cette fois, la conversation qu’il avait surprit faisait toute la différence.

La fille de Basilius projetait de s’enfuir au royaume de Fiskere qui se trouvait non loin de la Terre des Exilés. Kaan ne savait pas pourquoi mais se fichait bien de la réponse. La seule chose qu’il avait retenu était que la Princesse de Krigere serait seule, sans défense et à son entière merci.