ALEXANDER
J- inconnu
Heure inconnue
Lieu inconnu
Nous nous étions battus dix-sept fois ensemble et je n'avais pas réussi à gagner une seule fois. Aux dires de mon père, je n'étais pas assez attentif, pas assez précis, pas assez réactif pour avoir ne serait-ce qu'une chance de la battre à ce jeu qu'elle maîtrisait si bien.
Elle combattait comme elle était, d'une poigne froide et incisive qui vous clouait au sol sans vous laisser la force de vous relever. Elle gagnait comme elle était, sans orgueil et silencieuse, le regard résolument planté droit devant elle.
Un comportement que l'enfant trop fier que j'étais n'a jamais compris. Je voyais de la condescendance dans son mutisme et j'imaginais du mépris dans son austérité. C'était trop pour le petit garçon orgueilleux que j'étais.
Plus que tout, les silences de mes pères étaient trop durs à supporter. Depuis qu'elle était arrivée, ils étaient devenus tellement sérieux que je ne les reconnaissais pas. Ils ne riaient plus et ne m'offrait plus le monde sur un plateau d'argent.
Mon père biologique se replongeait dans ses peintures, faisant mine de ne pas voir les affrontements dans son jardin tandis qu'Alberto scrutait sa fille comme s'il cherchait à en évaluer la valeur. Je n'existais plus quand elle était là et je détestais ça du plus profond de mon âme.
Ses poings s'abattaient sur moi, les coups pleuvaient sur mon corps mais elle ne s'arrêtait jamais avant que son père ne siffle la fin de notre combat. Elle encaissait mes attaques sans broncher, sans jamais rien dire. Elle était une statue sans expression, comme une machine infatigable.
Rosalia, l'arme secrète de l'Épine.
Je rêvais de devenir le successeur de ce père que j'estimais tant. Je voulais être son fils parce que j'étais persuadé qu'elle ne méritait pas les honneurs qu'il lui accordait. Je voulais qu'il me regarde. Je voulais qu'il pense que j'étais le plus fort. Je voulais qu'il me trouve plus utile qu'elle.
Le pire, c'est qu'elle le voulait sûrement tout autant que moi. Je crois qu'elle aurait donné tout ce qu'elle avait pour qu'il arrête de la considérer comme sa propriété, pour qu'il arrête de la regarder comme la petite fille obéissante qu'elle avait été forcée de devenir.
S'il l'appelait monstre c'est parce que l'être monstrueux qu'il était l'avait façonné à sa manière. Une copie parfaite qu'il pourrait sacrifier à sa guise pour accomplir la seule chose qui comptait vraiment : la vengeance qu'il infligerait.
Une vie pour une vengeance. Une vie pour une putain de vengeance.
Pourtant, ce jour-là, Alberto ne l'observait pas. Il n'y avait que nous, ce qui ne l'empêchait pourtant pas de s'acharner sur moi comme une forcenée. Puis soudain, sans que je comprenne la tournure que prenait la situation, elle s'effondra au sol. Ses jambes trop maigres ne supportèrent plus son poids et elle s'écrasa sous mes yeux impuissants.
Son petit corps convulsa alors et elle attrapa vite ses mollets pour les ramener contre sa poitrine. Comme à chaque fois qu'elle venait ici, ses cheveux sales lui tombaient devant les yeux. Elle planta ses ongles dans ses mains en se berçant doucement sous mes yeux impuissants.
Si les premiers jours, j'avais vu dans ses joues creusés et son corps squelettique une marque de faiblesse, depuis qu'elle se battait contre moi, je ne voyais en elle plus qu'une furie inépuisable. Je la pensais forte et voilà qu'elle s'effondrait devant moi. Elle redevenait enfin celle qu'elle faisait semblant de ne pas être pour ne plus subir la punition qu'il infligeait aux faibles, plus jamais.
Et alors même que je la détestais plus que je n'avais jamais haï quelqu'un, je me penchai à sa hauteur et l'observa en silence, pris de panique. Je ne voulais pas avoir cassé le jouet de mon père si cher à son cœur. Je savais bien que cette fois, il n'aurait pas réussi à me pardonner.
Je touchai sa peau glacée et son corps trembla d'autant plus.
— Rosy, dis quelq...
Sa main enserra ma gorge avant que je puisse finir ma phrase. Elle releva le menton et je fus incapable de me détacher de ces billes orageuses qui pleuvaient autant qu'elle grondaient.
Elle était une enfant aussi solide qu'elle était brisée.
— Ne m'appelle plus jamais comme ça ! hurla-t-elle.
En tentant de me dégager, je trébuchai sur les pavés de la cour. Elle avait libéré ma trachée mais je sentais encore la sensation de ses doigts autour de ma gorge. La jalousie s'était envolée aussi vite que son aveu de faiblesse car la peur était bien plus forte que tout le reste.
Aussi bien chez moi que chez elle.
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NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1
AcciónTHRILLER ROMANTIQUE ❀ Rome, Italie Avez-vous aperçu leur ombre dans votre dos quand vous vous promeniez dans les plus belles galeries d'art de la ville ? Avez-vous senti l'acier de leur lame sur votre cou alors qu'ils s'emparent de vos précieux tabl...