La nuit du 6 novembre était froide. Le vent avait pourtant cessé de s'engouffrer dans les boyaux de la ville en fin d'après-midi mais le pâle soleil d'hiver s'était abattu en vain au-dessus des bâtisses. L'astre d'or avait laissé la place à une triste lune dont les rayons tranchaient net l'obscurité tranquille. Le ciel avait été nettoyé par les rafales et ne comptait pas un seul nuage. Les rues avaient été désertées quelques heures auparavant. Aucune âme ne se serait aventuré au-devant des températures qui avaient d'ores et déjà figé les quelques plantes vertes et branches mortes des parcs. Ces piètres gardiennes, engourdies par un timide début de gel, furent pourtant dérangées par quatre ombres lestes et silencieuses. Elles étaient sorties de ténèbres bien plus grandes et profondes, pour s'en détacher à la hâte et en file indienne puis longer la rue qui flanquait le parc public. Elles évitaient la pauvre lumière jaune, que les rares réverbères prodiguaient à l'asphalte, avec une précaution maladive. Elles semblaient la craindre, la honnir et leurs silhouettes sombres projetées sur les murs froids se tordaient en des formes cauchemardesques. Monstrueuses, grossières, elles n'étaient plus que des fantômes obscurs, rôdeurs avides des pensées égarées, dégénérées par les esprits tourmentés des dormeurs anxieux. Elles passaient, sans craindre le moindre obstacle, tantôt sur les crépis et les briques, tantôt disparaissant dans la noirceur complice d'une ruelle maligne pour renaître plus loin sous le regard implacable de la lune. Leur hideuse procession s'accéléra dès lors qu'un gémissement étouffé brisa le silence.
« - Tu l'avais pas endormi ? Sonna une voix juvénile et fluette.
- Si, mais je crois qu'on a mis trop de temps ! Répondit une autre avec un timbre plus haut.
- Tu aurais dû lui en filer plus, s'il se met à gueuler on est mal. Ajouta une troisième voix.
- La ferme ! On est bientôt arrivés de toutes façons. » Trancha une dernière avec une octave plus basse.
Les hautes grilles du cimetière apparurent dans le champ de vision des quatre adolescents qui venaient de reprendre leur chemin. L'endroit était immense, enceint de murs gris en pierres poreuses et courait sur plusieurs kilomètres en dehors de la ville pour enfin couvrir un grand nombre d'hectares. Il datait de la fin du XVIe siècle et avait connu une restauration presque complète en 1880, date à laquelle l'entrée principale avait été parée de ses lourdes grilles néo gothiques en fonte ornées de volutes et d'oiseaux de paradis. Les heures de visites étaient inscrites sur l'un des murs d'entrée et indiquaient que le cimetière ouvrait à neuf heures du matin, soit six heures plus tard. Les jeunes gens se détournèrent des grilles noires, solidement maintenues fermées par des chaînes, pour se diriger vers l'Ouest. Le mur poursuivait sa course fièrement sans montrer de signe de fatigue et les ombres glissaient sur sa surface rugueuse sans jamais pouvoir le dépasser.
... [Note de l'auteur : ce passage est encore en cours d'écriture, considérez qu'il s'agit d'une ellipse temporelle. Les adolescents sont venus dans le cimetière avec l'idée de torturer un chien, alors qu'ils ont à peine commencé, ils sont interrompus.]...
« - Putain... Je déteste les gosses ! »
C'était une voix profonde et monocorde de femme. Qui avait eu l'oreille exercée, aurait senti un tressaillement de haine qui avait secoué la dernière syllabe. Les quatre têtes se levèrent, les regards tantôt interloqués, tantôt transits de surprise, pour s'arrêter sur une statue noire qui les dévisageait depuis le haut d'une tombe gothique. Ils s'étaient habitués à l'obscurité et les nombreuses plaques de marbre blanc lustrées par l'âge, reflétaient la lumière de la lune. La surprise ne les empêcha pas de discerner clairement celle qui les avait interrompus. Si son visage n'avait pas été éclairé par la lueur orangée provenant d'une cigarette, elle aurait pu être confondue avec l'un des anges de pierre qui gardait l'entrée du tombeau. Elle surplombait la scène qui se déroulait de toute sa hauteur, les bras croisés, ses lourdes bottes de cuir fatigué pleines de poussière et son jeans délavé maculé de tâches sombres. Elle portait un blouson de cuir noir et ses cheveux avaient été tirés en arrière de façon à ce que son front blanc soit entièrement dégagé. L'animal, terrifié, ouvrit de si grands yeux qu'ils envoyèrent un éclair humide lorsqu'un rayon de lune le toucha.
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Camazotz, le dieu vampire
VampireUn chasseur de vampires nouvelle génération arpente les rues. La société qui l'emploie lui communique par un vieux téléphone à clapet une adresse, une heure et une liste de noms. Rika n'en sait pas plus sur eux, et elle ne veut pas le savoir. Tout...