III. Un bouquet de fleurs jaunes

130 33 69
                                    

Noah s'était perdu dans l'observation de ses baskets jaunes

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Noah s'était perdu dans l'observation de ses baskets jaunes. C'était sa touche de couleur au quotidien. Une teinte un brin orangée qui rappelait le sable, le soleil, l'été. L'amitié, aussi.

C'était sa saison préférée. C'était sa couleur préférée.

Noah finit par relever les yeux et remarqua la grand-mère face à lui. Il la croisait souvent dans ce bus. Ils descendaient au même arrêt. Cet après-midi, il y avait un peu de vent. Elle avait déposé un châle coloré sur ses épaules.

Il laissa sa tête basculer en arrière pour s'appuyer sur le rebord du siège, les paupières fermées. Il n'avait jamais aimé faire ce trajet. Mais malgré les années, il n'avait jamais annulé. C'était important. Quand il était encore petit, c'était sa mère qui l'y emmenait. Ils grimpaient dans la voiture, et elle essayait de lui changer les idées en lui racontant une histoire. Et puis, quand ils arrivaient, Noah la racontait à son tour, accroupi dans l'herbe, les doigts recouverts du chocolat qu'il venait de manger.

Un vibrement dans sa poche le tira de sa rêverie. C'était Bastien. Il annulait leur soirée foot, il avait rendez-vous avec sa petite amie. Et il avait trouvé utile et indispensable d'ajouter que ses parents lui avaient laissé la maison pour la nuit, et qu'il comptait bien en profiter.

Tant pis. Noah ne s'en offusqua pas. De toute façon, il n'était pas vraiment d'humeur. Comme tous les mercredis soirs, il aurait dû faire semblant d'aller bien. Semblant de rire à toutes ses blagues véreuses. Semblant de sourire.

Le bus approchait tranquillement de sa destination. Le brun se leva, son bouquet à la main, lorsqu'il s'arrêta et ouvrit ses portes. Il attendit tranquillement que la grand-mère descende, avant de se diriger à sa suite vers le portail en fer forgé.

Une fois l'entrée passée, il partit tout droit, elle sur la gauche. Elle devait sûrement rejoindre son époux. Il devrait lui demander, un de ces jours. Depuis le temps qu'ils se croisaient dans le bus, peut-être qu'il serait le moment d'échanger quelques mots.

Noah marcha quelques minutes avant d'arriver devant ce qu'il l'intéressait. Il s'accroupit et expira doucement, un sourire en coin sur les lèvres.

- Salut.

Noah déposa son bouquet sur la pierre, et finit par s'asseoir en tailleur. De toute façon, il était là pour une bonne heure encore, alors autant se mettre à l'aise.

- Honnêtement, je pense que tu es chanceux à 10 % d'éviter le lycée. C'est vraiment la jungle, là-bas.

Il sourit doucement, s'imaginant la réponse de son interlocuteur. Le connaissant, il se serait sûrement esclaffé, avant de rétorquer que oui, il avait de la chance de se retrouver six pieds sous terre.

- Mais bon, tu sais bien que si tu avais été avec moi, ça aurait été beaucoup moins naze, les cours.

Noah leva les yeux vers les nuages, les observant quelques secondes. C'était bien plus agréable à regarder qu'une pierre tombale. Déjà petit, il regardait les fleurs plutôt que la photo figée de son ami d'enfance, incrustée dans la stèle.

- Je crois que je t'en parle chaque semaine, dis-moi si ça te soûle, plaisanta-t-il avec un petit rire.

Le vent fit voler quelques-unes de ses mèches. Cela faisait un moment qu'il n'avait pas été chez le coiffeur. Bizarrement, sa mère ne lui avait pas encore fait la remarque. Elle qui était toujours pointilleuse sur cet aspect.

- Enfin bon, c'est ta faute si tu ne peux pas me répondre. Tu n'avais qu'à pas te jeter sous une voiture pour me sauver le cul.

Noah secoua la tête pour chasser le souvenir tenace de cette journée de son esprit. Comme il le faisait une dizaine de fois par jour.

- Ouais, je te le reprocherai encore durant les cinquante années à venir, murmura-t-il.

Pour éviter de culpabiliser. Parce que c'était lui qui n'avait pas regardé avant de traverser. Mais ce n'était pas lui que la voiture avait percuté. Ce n'était pas lui qui était mort sur le coup. C'était ce gamin solaire, qui aimait le jaune, les glaces et l'été.

Et c'était lui qui avait enterré son frère de cœur avant même de connaître les affres du collège.

Et c'était lui qui avait enterré son frère de cœur avant même de connaître les affres du collège

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Toutes les couleurs de l'arc-en-cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant