chapitre 3

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P.D.V. de SALIF

"L'eau a une mémoire, ai-je une fois entendu donc à travers elle, je vais te parler.

Car oui, moi aussi je me souviens de toi, Matel.

Je me souviens de cette fille mystérieuse qui séchait tout le temps les cours, qui s'asseyait toujours derrière et qui n'avait quasiment pas d'amies dans la classe.

Elle mettait tout le temps ses écouteurs et ne les enlevait qu'aux heures de cours.

Elle ne parlait qu'avec Daba et même s'il lui arrivait de s'adresser aux autres filles de la classe, on sentait nettement qu'elle ne les appréciait pas.

Mais ça, il fallait être moi pour le remarquer.

Moi qui ne pouvait me passer de te regarder.

Pourquoi?

Au début, je ne le savais pas, parce que tu étais loin d'être le genre de filles qui m'intéressait.

Pourtant tu étais mignonne, non, tu étais très belle même.

Un teint café au lait unique, des yeux moyens ni grands ni petits, de jolis lèvres naturellement bruns: un visage qui était pourtant commun mais aux traits fins qui le rendaient uniques.

Côté forme, par contre, ce n'était pas totalement ça et je m'en suis rendu compte en cours d'EPS quand je t'ai vu pour la première fois sans ta blouse: oui, je me rappelle que tu y assistais avec une mine boudeuse avec le prof qui t'y obligeais malgré que t'étais sur le banc de touche.

T'avais les épaules un peu plus large que les hanches et niveau habillement, tu ne faisais pas de grands efforts non plus.

Tu favorisais les tenues africaines simples et les rares fois où tu mettais des pantalons, c'était avec des tee-shirt tout simple et amples comme si tu voulais cacher ta maigreur. Et à la place de coiffures, tu ne mettais que des turbans, et tu les nouais bien, simplement mais ça t'allais. Ton style t'allais, enfin, ça c'était mon avis qui n'était pas très partagé.

Et à ce propos, je me souviens d'une petite anecdote. Je sais que tu la tuerais si tu l'entendait mais le jour où j'ai demandé ton prénom à Leina, la remarque qu'elle m'avait fait c'était un: "ne me dis pas que tu oses t'intéresser à cette fille démodée!"

Son rire moqueur ne m'avait pas du tout amusé parce qu'à mes yeux tu n'étais pas démodée du tout. Moi j'adorais ton côté je m'en foutiste, ta simplicité, mais surtout ton côté mystérieux.

Je ne savais rien de toi si ce n'était que tu t'appelais Matel Wagué et plutard que tu étais une intello fini qui, malgré qu'elle séchait les cours sans arrêts, accordait une place primordiale aux études dans sa vie.

Je savais aussi que tu ne me portais pas particulièrement dans ton cœur puisqu'à chaque fois que nos regards se croisaient, soit tu fuiais le mien, soit tu le défiais et ça m'amusais plus qu'il ne le fallait.

Le seul hic avec ça c'était que je ne trouvais ainsi pas l'occasion de te parler et de percer ce mystère qui t'entourait.

Alors je ne sais pas pour moi, mais de mon côté, quand tu m'as adressé ce "merci" à la fin du devoir, j'avais ressenti cette satisfaction de voir l'occasion de te sonder arriver, raison pour laquelle j'avais juste hâte d'être au lendemain pour venir en cours et ainsi avoir mieux l'occasion de discuter avec toi.

Sauf que je n'ai pas pu.

Simplement parce que cette soirée là, il y avait un bal poussière chez Babacar, mon meilleur ami et que je ne pouvais le manquer.

Tu sais, babacar était comme mon frère, Matel et je sais que si vous aviez l'occasion de passer plus de temps ensemble, vous vous apprécierez comme moi je vous apprécie.

Je me souviens encore de ses larmes lors de la délibération de notre première année au bac juste parce qu'il l'avait décroché sans moi.

Il en était triste à point que ses vacances là, il avait tenu à ce qu'on les passe à fond et c'était génial!

Entre fêtes, soirée et autres, on s'était amusé comme des dingues avant qu'il ne rejoigne la fac et moi, le chemin de l'école encore à la quête de mon diplôme.

Et même en pleine année scolaire, il ne manquait jamais l'occasion de faire la fête et comme on a toujours binôme en conneries, je me devais de toujours être à ses côtés.

Pour cette soirée là, j'avais invité Inty, Leina et bien évidemment Élisa parce que les deux premières avaient insisté pour venir.

Comme plusieurs filles de la classe, elles voulaient absolument faire partie de notre "team" comme on l'appelait. Mais toi tu n'en faisais pas partie même si j'aurai été enchanté de t'y compter.

Et donc le lendemain on n'a pu se voir parceque j'ai quitté la soirée si tardivement que j'ai été incapable de me décoller du lit pour nos trois matières de la journée.

Mais le surlendemain j'étais venu, rien que pour toi, mais tu n'y étais pas.

Ni le jour suivant, ni le jour d'après.

Le lundi qui a suivi, je suis également allé en cours mais tu n'étais toujours pas venue.

D'accord, tu étais une grande sécheuse de cours mais tu ne t'absentais jamais trois jours d'affilée sûrement pour ne pas avoir à subir les foudres du surveillant général.

Étais-je inquiet pour toi, alors qu'on s'était à peine adressé la parole? Peut-être oui.

Alors j'avais profité de l'heure de pause pour me rapprocher de Daba à qui j'ai demandé:

"-Dis, ça fait des jours que je ne vois plus ton amie là, tu sais la fille bizarre qui se met toujours derrière"

T'avais-je vaguement décrit parce que Daba était aussi amie avec Élisa et laisse-moi au passage te dire un petit secret que peu de gens connaissaient à cette époque: je sortais avec Élisa en ce temps là.

-"Matel? Elle est malade"

M'avait-elle répondu ce qui expliquait tout mais qui ne me rassurait pas pour autant.

Tu étais malade, d'accord mais était-ce grave? Allais-tu mieux depuis le temps?
Pourquoi aucun élève de la classe n'a parlé de te rendre visite?

Parce que moi je m'y serais bien rendu rien que pour te voir et m'assurer que tu allais bien."

Comme L'éclairOù les histoires vivent. Découvrez maintenant