P.D.V. de Salif
"J'étais entré dans la salle, je t'ai cherché du regard et je me souviens que mon cœur avait raté un battement quand je t'ai aperçu à une autre place, près de la fenêtre, avec ce sourire quand tu me faisais signe de la main.
Tu avais encore pâli, encore maigri, tu étais malade Matel.
Et j'étais à la fois triste et en colère parce que tu ne m'avais rien dit.
Mais par dessus tout, j'avais le cœur qui se resserrait, et j'ai vu à cet instant que ton sourire avait disparu: tu savais que j'étais au courant.
Ma pitié pour toi m'avais trahi mais sérieusement, comment pouvais-tu m'en vouloir pour ça?
Sans que je ne m'en sois rendu compte, tu étais devenue la raison pour laquelle je venais en cours Matel.
Chaque matin, quand je franchissai la porte de cette classe, mon regard se posait instinctivement sur ta place: c'était devenu un réflexe.
Alors imagine ce que j'ai pu ressentir quand Élisa m'a dit pour ta maladie et que Daba me l'a confirmé.
Tu étais malade Matel et il ne te restait plus beaucoup de temps à vivre.
Et tu le savais.
Toute la classe le savait, sauf moi.
Voilà qui expliquait tes absences et cet "amour" qu'ils te portaient tous.
Voilà qui expliquait que les profs ne te disaient jamais rien, pourquoi le surveillant général était si tolérant avec toi et moi le pauvre con qui n'avait rien vu!
Voilà pourquoi tu étais si mystérieuse: tu allais partir ma Matel.
Sérieusement je peinais à y croire et je n'avais réalisé l'impact que cette information avait sur moi que quand on s'est regardé à cet instant.
J'imaginais déjà un monde vide sans toi et mes jambes s'étaient paralysées de douleur rien qu'à cet image.
-Monsieur, vous dérangez mon cours. Je vous ai demandé de joindre votre place!
Avait râlé madame Thiam dont j'avais complètement zappé l'existence, tout comme celle de tous ces yeux braqués sur moi, les tiens y compris.
Ce qui m'avait poussé à faire demi-tour pour quitter la salle.
Je marchais sur le long couloir du bâtiment, décidé à rentrer chez moi.
Et tu sais ce qui était paradoxal dans tout ça Matel? C'était que j'étais venu juste pour toi.
J'étais venu parce que Daba m'avais texté pour me dire que t'étais en classe.
Et j'avais deviné à ton attitude que tu voulais me faire la surprise.
Sauf que mon cœur m'avait trahi.
Je ne savais pas que je tenais autant à toi Matel, parce que je pleurais.
Oui, des larmes me brouillaient la vue et j'aurai manqué une marche si tu n'avais pas crié mon prénom.
Je ne voulais pas que tu me vois dans cet état alors j'avais rapidement effacé mes larmes et prenant la précaution de ne pas me tourner carrément vers toi, je t'avai sorti:
-Tu aurais pu me le dire Matel. Tu aurais pu me le dire, tu sais.
Tu étais restée sur place à en entendre le silence qui marquait l'arrêt de tes pas.
- Ce n'était pas facile...
-Donc je ne suis pas ton ami....
- Si au contraire et c'est justement pour cette raison que je n'ai rien dit.
-Et tu comptais m'en parler quand est ce Matel? Hum? Tu voulais me mettre devant les faits accomplis? Tu voulais que je me lève un beau jour et qu'on me dise que tu...
M'étais-je arrêté sur la phrase que je refusais de prononcer.
-Oui Salif! C'est ce que je voulais.
M'avais-tu répondu et choqué par cette réponse, je m'étais tourné vers toi pour te faire face.
Je m'étais rendu compte à cet instant que tu pleurais et me disait:
-Salif, ce que je voulais éviter c'est ça justement: ce regard.
Ce même regard que j'affronte toujours de la part de tout le monde, ma famille, mes rares amis, mes camarades, mes profs.
Pour quelqu'un dont le seul rêve est d'oublier sa maladie, tu penses que c'est facile de voir tout le monde me la rappeler rien qu'avec ces yeux emplis de pitié?Sortais-tu d'une voix tremblante avec des yeux emplis de larmes.
-Salif, tu es le seul qui ne me lançait pas ce regard, tu es le seul avec qui je me sentais vivante normal raison pour laquelle j'ai tenu à te la cacher pour ne pas voir ça sur ton visage Salif, tu comprends?
J'avais secoué la tête suite à cette phrase de ta part pour finalement te répondre:
- Tout ce que je comprends par ce que tu viens de me dire, Matel, c'est que tu as été égoïste et que contrairement à moi, tu ne me vois pas comme ton ami. Je suis désolé!
Et avec cette dernière phrase, j'avais emprunté la sortie du bâtiment parce que j'avais besoin d'être seul, j'avais besoin de digérer."