CHAPITRE 1 - Encore un matin

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C'était un matin comme les autres pour Lucia.

Les cheveux châtains bien attachés en un fourbi à la vague apparence d'une queue de cheval, elle s'échauffait en attendant son instructeur. La main gauche tendue droit devant elle, l'épée qu'elle tenait dans sa main droite fendait l'air en de parfaits moulinets. Les poumons remplis par l'air humide de l'aube, le fille du forgeron regardait son père en train de finir de se préparer. Un homme bien battis dans la force de l'âge dont l'épaisse moustache parfaitement taillée épousait un sourire.

Les yeux à demi clos, elle sentit une légère brise sur son visage qui trahit la source de l'attaque de son père. Tandis que le coup venait d'au-dessus d'elle, la jeune fille se déporta sur la droite pour éviter la lame qui s'abattait quelques secondes plus tard sur le sol dans un bruit sourd. Des fossettes accompagnées son sourire alors qu'elle se déplaçait rapidement sur le flanc gauche de son entraîneur. A son tour, elle leva son épée et l'attaqua en visant son cou d'un mouvement de lame horizontale. Mais son père était un vétéran de guerre. Il se baissa et, les mains au sol, donna un coup de pied circulaire pour la faire tomber. Leurs entraînements quotidiens dans la discrète petite clairière duraient depuis des années. A force, elle avait enregistré les motifs d'enchaînements d'attaques de son instructeur ce qui le rendait prévisible. Ainsi, elle eut le temps de l'éviter d'un bond en arrière au moment où elle sentit l'odeur de terre remuée. Chacun son tour, ils se remirent à bonne distance en position de combat comme ils étaient avant de porter le premier coup.

— Après vous jeune fille, lança Olac en une moqueuse révérence.

— Tant que vous ne ferez que réagir à mes attaques, père, je mènerais la danse.

— Croire en soi est important, mais être trop confiante peut s'avérer coûteux. Fillette.

Il insista sur le dernier mot pour titiller sa fille et faire appel à la part incontrôlable d'elle-même. La réaction de la jeune fille ne tarda pas. Les sourcils plus froncés que d'ordinaire, elle leva son épée tenue cette fois à deux mains et fonça sur son père tête la première. Elle entendit l'instructeur se déplacer et le sentit se positionner sur son flan. Le combat fut plié en un quart de seconde. Alors qu'elle sentait les effluves musquées de son père, il lui asséna un violent coup de pied dans le bassin, lui faisant totalement perdre son équilibre. Elle chuta en laissant tomber son épée sur plusieurs mètres loin d'elle tandis que son père s'approchait d'elle, gisant sur l'herbe humide.

— Alors ? C'est le mieux que tu puisse faire ? La menaça-t-il du fil de son épée.

Lucia ronchonna pendant que son père lui souriait. Alors qu'il poussait son arme en cessant de la brave, il lui tendit une main pour l'aider à se relever. Debout, elle alla ramasser son épée et ils se remirent en garde pour continuer l'entraînement. Interrompus par le vrombissement des gargouillis d'estomac de la jeune fille, ils cessèrent leurs passes alors que le soleil n'avait même pas atteint son zénith.

— Alors comme ça on a trop faim pour se battre, s'esclaffa Olac en riant à gorge déployée.

— Les exercices d'aujourd'hui m'ont creusée l'appétit, je l'avoue.

— Je t'avais pourtant prévenu de prendre un petit déjeuner copieux.

Il lui donnait une petite tape de félicitations pour sa performance du jour.

— C'est vrai, mais quand je mange trop je n'arrive plus à avoir cette facilité de mouvement.

— Il te faudra pourtant apprendre à faire avec. Le combat peut surgir à n'importe quel moment.

Il s'accroupit près d'un vieux tronc qui jonchait le sol et en sortit une épaisse étoffe de tissu grisâtre. Il la déplia, l'étendit sur le sol puis y coucha son épée.

Lucia (1er jet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant