Moon Children (Namjoon)

Mariage de renards

  — Oh ! Un "mariage de renards" ! s'écria Ha-neul délaissant son bol de Udon.

  — Un quoi ? demandèrent en chœur Camille et Seun-hi.

  Ha-neul expliqua à ses cadettes qu'il s'agissait d'une expression japonaise.
  — C'est lorsqu'il pleut soudainement alors que le ciel est bleu... c'est amusant vu ce que nous mangeons !

  Camille était perdue. Son petit visage reflétait totalement son incompréhension. Ce qui fit sourire Seun-hi.

  — Tu ne peux vraiment rien cacher, toi !

  — On mange des Kitsune Udon, Camille. Kitsune signifie renard en japonais. C'est parce qu'il y a du tofu frit dans ton bol. Et, ici, il y a un dicton qui dit que les renards en sont friands. poursuivit Ha-neul.

  Camille appréciait de plus en plus la jeune danseuse. Elles avaient eu un départ compliqué. Mais Camille gagnait petit à petit la confiance et l'amitié de son aînée.

  La jeune femme s'apprêtait à aspirer maladroitement quelques nouilles lorsqu'elle reçut une alerte Kakaotalk.

  — Hummmm ! Les filles ! Stella nous rejoint jeudi !!! dit-elle en contenant mal le volume de sa voix et s'attirant les regards réprobateurs des autres clients du Usamitei Matsubaya.

  — Qui aurait cru qu'un jour je m'entendrais avec des filles si différentes ! dit Ha-neul soudain pensive. Une galeriste américaine qui carbure à la pilule du bonheur, une artiste discrète de cinq ans plus âgée et déjà mère, une petite professeure française qui a un visage sur lequel on peut lire plus facilement que dans ses livres...

  — Hé ! C'est extrêmement réducteur ! protesta en riant Seun-hi.

  — Respect, petite ! joua les gros bras la jolie crevette qu'était Ha-neul.

  — Tu n'as même pas un an de plus que moi et à peine deux de plus que Camille ! Ça ne marche pas comme ça aux États-Unis et en France ! Le respect, ça se gagne ! renchérit Seun-hi.

  Camille regardait les filles avec amusement. Il y a quelques mois encore, elle se disait qu'elle n'avait quitté la France que pour s'éloigner de Nicolas et se retrouver. Son leitmotiv était "Ne s'attacher à rien ni à personne". Et voilà qu'aujourd'hui les Paek étaient devenus comme une seconde famille, Jimin s'était installé dans son quotidien sans permission et avait pris la place de confident et meilleur ami, Sae Jin était devenue une nouvelle amie très chère, et ces filles... ces filles étaient comme des sœurs qui l'entrainaient à leur suite tout en la protégeant. Et puis, il y avait Namjoon... une montagne de bonheurs, une boule de tendresse, une cantine de possibles heureux à lui tout seul...

  — On l'a encore perdue ! dit Seun-hi à Ha-neul amusée.

Mange, Camille ! Ça va refroidir !

  — Quelle heure est-il ? fit-elle pour toute réponse.

  — Deux heures moins le quart, Camille. Pourquoi ? lui répondit Seun-hi.

  — Elle se languit, pardi ! remarqua Ha-neul.

  — Comment vous faites ? Je suis comme droguée, non ? Je compte les jours, je compte les heures... et même lorsque nous nous voyons, à peine une heure après, il me manque déjà... ça passe avec le temps, rassurez-moi !

   Elles la regardèrent à la fois amusées et attendries. Ha-neul regrettait un peu d'avoir été si dure avec elle, au début.

  — On est toutes différentes... mais oui, ça passe un peu... pas toujours, pas tout le temps. Mais c'est une bonne cam, Joon ! lui répondit gentiment Ha-neul.

  Seun-hi se pencha sur Camille, des étincelles de malice dans les yeux, et chuchota :

  — Je me suis toujours demandé, en parlant de ça, c'est un bon coup ton Namjoon ?

  Ha-neul soupira tout en souriant.

  — T'as osé. Tu es incorrigible !

— Bah quoi ? Avoue ! Tu meurs d'envie de savoir aussi ! protesta Seun-hi. Alors ?

  — Je ne vais pas répondre à ça ! Je vous demande, à vous, si Hobi et Tae vous font grimper aux rideaux ? semblait s'offenser Camille.

  — Clairement ! Vous l'avez vu danser ? Ça en dit long, non ? dit sans hésiter Ha-neul.

  Seun-hi pouffa.

  — Ta franchise m'épatera toujours !

  — Et donc, vous ? insista l'aînée.

  Camille avait rarement eu ce genre de conversation, même avec Léa. Et, cela n'avait jamais été aussi direct. Elle avait le sentiment de faire intrusion dans la vie privée de ses amies. Cependant, elle se sentit étrangement à l'aise bien qu'intimidée.

  — Avec Tae ? Ça dépend s'il a bu ou non... il était super nerveux les premières fois. Je me souviens l'avoir vu trembler comme une feuille ! C'était touchant ! Maintenant, je pourrais rester enfermée une semaine entière avec lui ! s'amusa Seun-hi. Allez, Camille, dis-nous ! C'est si bof que ça ?

  — Hummm... non. Pas du tout. C'est comme ça que nous nous sommes connus. Quand j'y repense, le sexe, c'est ce qui nous a permis de baisser notre garde. Je ne suis pas sûre que je serais tombée amoureuse sinon...

Les filles se firent plus calmes et silencieuses.

C'est lui qui a fait tous les premiers pas. Mais, à vrai dire, au début, c'est moi qui menait les opérations. Ce que j'aime à présent, c'est qu'il ait pris de l'assurance.

  — Ha ! Toi aussi, tu pourrais rester enfermée avec lui des jours durant ! Avoue ! se marra Seun-hi.

  — Tu as l'air de savoir de quoi tu parles ! Tu as un point de comparaison ? questionna Ha-neul.

  — J'en ai...

  — Woooo... notre Camille est bien moins innocente qu'elle n'en a l'air ! s'exclama l'américaine. Et là, tu es clairement en manque !

Camille rougit.

  — Pas vous ?

  — Oh siiii... dirent-elles d'une voix commune.

  — Tu sais à quoi vous me faites penser, Namjoon et toi ? demanda Ha-neul en sautant du coq à l'âne.

  — Non. admit Camille.

  — A ce "mariage de renards". Vous avez un ciel tout bleu et on vous trouve parfois inquiets ou tristes. Tous vos soucis, pour moi, ce n'est rien. Vous allez balayer tout ce fatras facilement. Mais il faudrait que vous cessiez de trop réfléchir, tout le temps, à tout. Après la pluie, vient le beau temps, Camille ! Et parfois un arc-en-ciel... De nous tous, vous ressemblez le plus à ceux qu'on pourrait retrouver tout aussi amoureux dans vingt ans. Les planètes se sont alignées pour vous !

  — T'es une romantique, toi ? ironisa Seun-hi. Mais je suis d'accord ! Je veux être la marraine de votre premier né !

— Vous avez craqué, les filles ! Vraiment craqué ! sourit Camille.