Broken Blade Mound - Grand Narukami Shrine

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« Je te promets qu'on se retrouvera Kazuha. Après tout, tu l'as dit toi-même, notre lien est plus fort que le destin lui-même...

-Tomo je t'en supplie viens avec moi... »

Le jeune homme posa ses yeux rouges sur le sabre terne qui se dressait face à lui tandis qu'une douce brise soulevait avec douceur sa mèche rouge et caressait sa peau avec tendresse. L'air était sec et chaud et le bruit apaisant de la mer contrastait avec l'agitation et la liesse que Kazuha pouvait entendre au-dessus de lui. Au sanctuaire Narukami, un festival se préparait pour célébrer la vie et l'amitié et plus bas, devant une lame brisée et émoussée par le temps, un jeune homme au cœur émietté s'apprêtait à célébrer la mort et l'amour.

« J'ai apporté du saké. »

Souffla-t-il avec un petit sourire nostalgique.

Il eut ensuite un silence, comme si le jeune homme attendait une réponse, puis finalement Kazuha laissa échapper un rire et s'agenouilla devant la tombe de son ami emporté par le Musou no Hitotachi de la toute puissante Raiden Shogun.

Il entendait encore son rire léger. Son regard paisible était toujours posé sur lui dans ses rêves les plus interdits tout comme dans ses cauchemars les plus monstrueux. Un regard lumineux, tendre, où il pouvait voir tout son amour pour lui s'y refléter et lui revenir en plein visage jusqu'à l'aveugler, comme un soleil qui se répercutait sur un mur enduit de blanc en plein été.

Tomo avait été la lumière de sa triste existence et avait dissipé à lui seul la solitude et la peur de l'incertitude qui noircissaient son cœur depuis le début de son périple solitaire sur la voie du samouraï. Kazuha l'avait aimé. De tout son cœur, de tout son corps, chérissant chaque instant à ses côtés et regrettant chaque jour qu'il passait en son absence. Tomo avait été et resterait son âme sœur.

Perdu dans ses pensées, le jeune homme fut ramené à la réalité par un miaulement. Il releva la tête et sourit en voyant un chat au pelage aussi immaculé que la neige qui s'avançait vers lui. Avec lenteur, Kazuha tendit la main vers l'animal et le laissa renifler le bout de ses doigts avant de souffla avec douceur :

« Tu ne me reconnais pas ? Remarque, ça fait longtemps que je ne suis pas venu vous voir... Excuse-moi. Merci d'avoir veillé sur Tomo pendant mon absence. J'ai quelque chose pour toi. »

Il fouilla dans sa poche et sortit un petit flacon de lait, confié par l'homme de maison du clan Kamisato quelques jours plus tôt. Tous les jours, ce dernier se rendait au pied de cette falaise pour nourrir le chat de Tomo et entretenir sa tombe en l'absence de Kazuha.

« Tiens, régale toi...»

Il versa le lait dans une petite coupelle puis la posa devant le chat. Il prit ensuite son petit récipient rempli d'alcool puis comme deux amis qui se retrouvaient, ils burent en l'honneur de leur ami tombé au combat.

Kazuha y repensait chaque jour avec une peine insurmontable au fond du cœur. Chaque fois qu'il s'allongeait, il comptait chaque erreur qu'il avait faite et chaque fois qu'il fermait les yeux, il rejouait inlassablement chaque combat et chaque décisions. Comment tout cela aurait-il fini s'il était resté à ses côtés ? Tomo serait peut-être encore là, avec lui. Ils seraient peut être allés au festival ensemble et sous les feux d'artifices, peut être que le jeune samouraï errant aurait eu le courage de lui avouer ses sentiments. Après avoir dégusté un okonomiyaki, ils seraient descendus du mont Yougou et ils auraient terminé la soirée en scellant leur promesse d'amour éternel en s'offrant leur corps et leurs lèvres.

« Tu me manques... »

L'air devint tout à coup lourd et humide. La pluie approchait. Kazuha détestait la pluie. Il avait l'habitude de trouver un abri avant que les averses éclatent grâce à son odorat surdéveloppé et son intuition surhumaine qui lui permettaient depuis toujours de prévoir le temps, mais aujourd'hui, il n'eut pas la force de se lever.

« Je suis tellement fatigué. »

Les morceaux de cœur que le temps avait peiné à recoller se serrèrent jusqu'à se briser à nouveau et une goutte humide et salée dévala sa joue avant de s'écraser sur l'herbe, bientôt rejointe par une autre, puis encore une autre. L'herbe s'obscurcit et les gouttes d'eau furent bientôt rejointes par un liquide épais, chaud et rouge.

Le ciel s'était mit à pleurer avec lui. A moins que ce ne soit l'amour de sa vie qui le regardait s'éteindre d'en haut en l'implorant de ne pas le rejoindre maintenant ? Lentement, avec le peu de force qu'il lui restait, il leva la tête vers le ciel, un grand sourire franc sur le visage. Après toutes ces années, il entre apercevait à nouveau un semblant de bonheur.

Plus haut, sur le sommet du mont Yougou, la liesse était peu à peu remplacée par la panique. Un homme pénétra le sanctuaire en courant et à bout de force il souffla :

« C'est terrible ! La flotte du capitaine Beidou à été attaqué par des Fatuis ! Le navire à coulé et aucun survivant n'a été retrouvé ! »

Ça devait être un cadeau du destin. Une récompense pour toute cette souffrance qu'il avait dû endurer. Lors de cette ultime épreuve, Kazuha avait regardé le reste de ses amis mourir un à un, sous les coups des canons et les cris de peur. Beidou, Yinxinq et tous les autres avaient coulé au fond de l'océan entre débris et or.

Lorsque Kazuha s'était réveillé de ce cauchemar, il était sur la plage, entouré par les restes de l'épave de l'Alcor. Il était resté de longues minutes, assis sur le sol entouré par les restes d'un bonheur fragile et faible à essayer de comprendre. Puis finalement et simplement il avait réalisé qu'il s'était échoué à quelques pas de la tombe de sa moitié et que tout le reste de ses amis dont Beidou avaient péri au fond de l'océan entraînant avec eux sa dernière raison de survivre.

« Qui aurait cru que nos deux corps reposeraient pour l'éternité ensemble sur notre terre natale ? »

Il voulut rire de l'ironie de la situation mais à la place, il cracha une gerbe de sang et plissa les yeux de douleur. Traîner son corps jusqu'ici avait été un vrai supplice. Lentement, il posa sa main sur sa hanche, laissant ses doigts glisser le long de sa chair pendante et détendue puis après quelques secondes, il leva sa main et vit qu'elle était recouverte de son propre sang.

Même s'il avait eu le choix, Kazuha n'aurait pas cherché à s'en sortir. Il avait passé cette dernière année à chercher de toutes ses forces un nouveau sens à sa vie, de quoi lui redonner un second souffle mais en vain. Sans Tomo, rien n'avait de saveur, pas même les plus beaux vers des bardes de Mondstadt.

Ses yeux s'assombrirent et, lourdement, il s'écroula au sol. Respirer devenait de plus en plus difficile et son champ de vision se rétrécissait peu à peu. Néanmoins, il ne ressentait aucune peur. Il se sentait même en paix. Ses yeux d'un rouge vif commencèrent peu à peu à se fermer et un miaulement qui lui semblait terriblement lointain lui parvint. Il vit le chat de Tomo s'approcher de lui et le sentit se frotter avec une douceur rassurante à lui, venant maculer son pelage pure de son sang de fugitif.

Le mouvement régulier du pelage se décomposa peu à peu en mouvement plus espacé jusqu'à se transformer en quatre doigts longs et chauds. Kazuha trouva la force d'ouvrir les yeux mais avant même d'avoir pu parler, une voix grave et douce lui souffla :

« On se retrouve enfin... Kazuha... »

Le jeune homme laissa échapper un maigre sourire, puis souffla :

« Je t'avais bien dit que notre lien était plus fort que le destin lui-même, Tomo... »

KokoronotomoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant