Chapitre 32 : L'identité dévoilée (époque : 2022) (3/6)

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16H.

J. Stevens et T. Lewis sont dans leur bureau à visionner et analyser la séance de l'après-midi. L'agent de la CIA reste mesuré, conforme à sa personnalité. Satisfait des avancées, puisque c'est un constat, il n'en demeure pas moins perplexe sur de nombreux autres plans.

Il manque des informations, il y a des progressions et des régressions, des nouveautés et des pertes, des enregistrements qui s'effacent, des répétitions dans les entretiens, des oublis ou absences du Docteur. Ce n'est par exemple que la deuxième fois qu'il est autorisé à voir un entretien, et cela reste en compagnie du criminologue.

Deux éléments le troublent plus que tout ici et se résument en cette simple phrase :

- A s'y tromper, on croirait presque qu'il vous connaît parfaitement. Comment se fait-il ?

- Je ne sais pas, mais je vous confirme la croyance.

- Surtout, ces quelques mots à la fin... « Vous apprendrez à me faire confiance... Ce n'est pas moi votre ennemi ». Que veut-il entendre par là ?

- Je ne pense pas avoir d'ennemis identifiés, il est vrai.

L'officier Lewis regarde le Dr Stevens d'un coin de l'œil pour s'assurer de la véracité du propos à l'expression du visage. Les jambes étendues sur le bureau, les chaussures retirées, la désinvolture du Docteur est méconnue de la rigueur du jeune agent.

L'enregistrement vidéo se poursuit et bascule sur une autre bande, uniquement sonore cette fois-ci. Elle doit provenir du couloir, où il n'y a pas de caméra, mais il s'agit du même complexe de microphones dans et hors de la cellule.

- C'est un enregistrement partiel, indique Théodore Lewis. Il doit correspondre au lancement du process qui s'effectue chaque jour.

- Il doit s'agir d'aujourd'hui alors ?

J. Stevens plisse les yeux.

- Oui Docteur, peut-être ce midi.

La lecture de la bande de son se poursuit. Après une phase de grésillement, des voix apparaissent et le son s'épure. Il y a deux voix, difficilement discernables. Sans le visuel, les voix délivrent une apparence mécanique que le cerveau ne décode pas.

J. Stevens monte le son et ferme les yeux afin de se concentrer. T. Lewis préfère prendre des notes dans son carnet proprement tenu, détaillé et classifié, à l'image de l'entièreté de sa vie.

- J'ai besoin que vous restiez tranquille, pouvez-vous faire ceci ? dit une première voix sur l'enregistrement.

- Nous nous connaissons, n'est-ce pas ? répond la seconde. Oui... c'est vous qui m'aviez orienté sur le Docteur ?

« Il parle de vous, visiblement. » souffle T. Lewis à J. Stevens.

- Avec qui suis-je en train de converser, là ? interroge la première voix.

« Comment cela ? Docteur, comprenez-vous quelque chose ? » continue T. Lewis.

Le psychologue ne répond pas. Il maintient les yeux fermés et sa concentration à l'égard des voix.

- Vous deviez rester enfermé. Je vous en prie, ne troublez pas le Docteur pendant cette dernière enquête.

- Pourquoi j'obéirais à une ombre tout de noir vêtue, tapis dans les recoins de mon cerveau à me dire ce que je dois penser et faire ?

- Nous avions conclu un accord.

« C'est le conseiller, ça ne fait aucun doute. On reconnaît le style, la description, mais aussi l'accès dans les lieux. »

L'agent Lewis voit cette fois-ci le clinicien valider d'un mouvement de tête.

- Il m'a encore abandonné... implore la seconde voix.

- Nous avons besoin que le Docteur aille au bout de l'enquête, maintient la première voix, celle de James Whedon.

- Mais nous sommes si seuls avec Sully, si seuls, toujours. Nous avons aussi besoin du Docteur.

J. Stevens ouvre brutalement les yeux et recule d'un bon sur sa chaise, manquant de tomber au sol. Il comprend immédiatement de qui il s'agit : Jack Sallow.

« Comment-ce possible ? »

- Et lui a besoin d'effectuer son travail pendant qu'il le peut encore, conclut fermement J. Whedon.

Le psychologue marque une pause dans la lecture de l'enregistrement, afin de reprendre ses esprits. T. Lewis ne s'en étonne pas, mais pour une raison physique et non psychologique. Néanmoins, les capacités de déduction de l'officier sont également au-dessus de la moyenne, et J. Stevens le sait.

- Vous savez, Docteur, de qui il s'agit, affirme-t-il en l'aidant à se redresser.

- Je ne suis pas sûr, cela me paraît impossible.

- Vous pensez que c'est le fameux détenu de la cellule soi-disant vide ?

Les yeux de l'agent Lewis sont encore jeunes, mais particulièrement vifs. Le clinicien est témoin chaque jour des raisons de sa présence au nom de la CIA dans une enquête de cette envergure.

J. Stevens étend de nouveau ses jambes sur le bureau et allume une cigarette. Les tremblements de ses mains et l'agitation de son visage contrastent avec le bas de son corps au repos et de ses jambes maigres sans puissance.

- L'enregistrement doit dater, je ne vois une autre explication.

- Impossible... rétorque T. Lewis dubitatif. Les complexes sont récupérés par le conseiller Whedon chaque soir en personne.

- Il me faut un yahourt à la fraise.

- Encore ? Vous aimez beaucoup ça, décidemment.

- Absolument pas, pourquoi pensez-vous ceci ?

T. Lewis est surpris par la réponse incongrue du Docteur.

- Pourquoi en demander alors ?

- C'est tellement immonde que cela focalise mes pensées et switche mes émotions.

- Entre le café à la place des repas, la cigarette et l'alcool à toutes les heures... Oui Docteur, vous sentez l'alcool, vous ne passez pas inaperçu. Pour une fois, vous auriez pu aimer quelque chose de plus sain...

J. Stevens sourit à T. Lewis en soufflant la fumée de sa cigarette allumée. Manifestement, les arguments ne produisent pas l'effet escompté.

Dr J. Stevens FACE aux GARDIENS [ShortList Watty22... ss Edition] (Partie 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant