Elle est là. Elle est toujours là.
Elle reste, elle vient tous les jours.
Elle endure, elle ne dit rien.
Elle absorbe.
Elle ne se plaint pas.
Jamais.Je l'observe tous les jours.
Et jamais je je l'ai vue se plaindre.
Elle endure, elle ne dit rien.
Elle absorbe.
Elle ne se plaint pas.
Jamais.Tous les jours, ses cheveux sont pleins de chewing-gum.
Pourtant, tous les lendemains, elle arrive là, les cheveux propres.Tous les jours, on lui balance des insultes plein la tronche.
Mais pourtant elle ne dit rien.
Elle absorbe.
Elle endure.
Et puis elle ne se plaint pas.
Jamais.Tous les jours son cadenas est cassé et ses affaires volés.
Pourtant, le lendemain, elle arrive avec un nouveau cadenas. Et des nouvelles affaires.Tous les jours on la pousse. Tous les jours on la fait tomber.
Pourtant, le lendemain, elle arrive avec des nouveaux habits. Sans trous.
Mais le soir, elle repart avec des habits défoncés.Tous les jours elle est là.
Elle n'a jamais manqué un cour.
Elle ne s'est jamais défendu.
Et c'est sûrement ça qui les faisait persister.
La faire flancher.
La faire péter un câble.
Voilà ce que c'était leur but maintenant.Elle n'était pas différente.
Elle n'était pas bizarre, elle n'était pas nouvelle...
Tout le monde la connaissait.
C'était une fille normale.
Oui c'est ça, une fille normale.
Mais il y a tellement de gens normaux qu'il faut bien s'en prendre à quelqu'un.Elle était toujours là.
Toujours.
Toujours avec le sourire.Et puis un jour elle n'est pas venue.
Pourtant, la journée d'hier n'avait rien eue d'exceptionnel.
Les moqueries habituelles,quoi.
Vraiment rien d'exceptionnel.Et, un jour après, elle n'est pas venue.
Encore une fois.
Peut être malade ?
Oui, c'est ça.
Sûrement malade.Jours après jours, elle n'est plus venue.
Elle avait “disparue”
A cause de quoi ?
Peut être de la vie finalement.Une semaine après sa disparition, on annonçait qu'on avait retrouvé un corps.
Mort depuis environ une semaine, disait les autorités.
Une jeune fille.
Environ 14 ans, collégienne.
Cheveux châtins clairs, yeux marons.
Et cette fille, je la connaissait.
C'était la mienne.
Mon jouet.
Celle à qui j'avais mis des chewing-gum dans ses cheveux.
Celle à qui j'avais cassé son cadenas. Volé ses affaires.
Celle à qui j'avais troué ses vêtement.
Celle à qui j'avais poussé l'idée du suicide.Elle était partie parce qu'elle en avait marre.
Sa famille ? Elle s'en remettrais. Au fond, ils n'avaient besoin d'elle que pour sortir les poubelles.
Même si ils nient le contraire.
Ses amis ? Elle n'en avait pas. Ils étaient devenus ses "harceleurs" maintenant.
Même si ils avaient promis de ne pas l'abandonner.Au fond, elle n'avait aucune personne qui tenait réellement à elle.
Personne.
Personne, sauf lui.
Lui qui la poussait à bout.
Parce que ça lui faisait du bien.
Avoir encore plus mal.
Savoir que, de tout de façon, dans tous les cas, ce sera impossible.
Impossible pour eux, pour elle, pour lui.Mais maintenant elle était partie.
A cause de moi.
C'est moi qui l'a poussé à bout.
Moi qui a rapproché l'option "suicide" un peu plus près d'elle.Une semaine plus tard, on a retrouvé un corps.
Celui d'un garçon, cette fois.
Mort dans les même conditions que la fille.
Au même endroit.Mais la seule pensé qu'il avait à ce moment, c'est qu'il allait la retrouver.
Et ça serait peut être possible, ce mot “nous"
Il allait la retrouver.
Et ils allaient peut être, enfin, se retrouver.
Et ne pas se quitter.