L'inspecteur Javert était une figure inhérente à la ville de Montreuil-Sur-Mer. Sa silhouette longiligne, son long manteau gris, boutonné jusqu'au col, son grand chapeau rabattu sur le visage, ses favoris touffus... Cet être, étrange et vicieux, se résumait à ses yeux. Et quels yeux !
Deux vitraux de glace étincelants, fouillant les âmes comme on fouille une poche, à la recherche de la faute. Quelle qu'elle puisse être !
Tout le monde le détestait, tout le monde le craignait, tout le monde l'évitait. Et cependant, l'inspecteur remplissait son rôle d'officier de police à la perfection, au mépris de sa propre sécurité. Montreuil n'avait jamais été plus calme, plus sûre. Ce qui n'était pas rien sachant la croissance que la ville avait connu ces dernières années avec l'ouverture de l'usine de M. Madeleine et l'afflux d'ouvriers attirés par le travail...puis la montée de la contrebande, de la violence et du vice sur les quais de la ville.
L'un ne va pas sans l'autre !
Bref, on détestait l'inspecteur Javert, mais on appréciait son travail.
Et un des habitants de la ville, plus que d'autres, était bien obligé de le reconnaître. Il s'agissait de M. Madeleine, le maire en personne, également connu, et recherché, sous le nom de Jean Valjean. Un forçat qui a commis un délit en récidive, un vol. À sa grande honte.
Une fois par jour, le maire se retrouvait avec son chef de la police. Il écoutait patiemment le rapport que son inspecteur avait minutieusement préparé, puis ils en discutaient tous les deux. Faisant valoir leurs points de vue, opposant leurs arguments. Une lutte constante entre deux volontés.
À sa décharge, Javert parlait le moins possible, il résumait au maximum ses rapports, nullement prolixe. M. Madeleine était souvent obligé de lui demander des précisions pour clarifier un détail du rapport.
« Attendez inspecteur ! Vous avez dit que vous avez procédé à l'arrestation de combien d'hommes ?
- Trois, monsieur.
- Vous seul ?
- Mes hommes étaient occupés ailleurs, monsieur le maire. »
Javert était passablement agacé de l'insistance du maire concernant sa propre sécurité. Il était un policier ! Il connaissait son métier !
Et le regard suspicieux et mauvais de l'ancien garde-chiourme faisait trembler l'ancien forçat.
Jean Valjean, 24 601, se souvenait de Javert, le garde. Un homme si jeune et si froid. Il surveillait, le menton levé, arrogant, les hommes placés sous ses ordres. Il les examinait avec une moue dédaigneuse. On l'appelait le Gitan, au regard de son origine et le Gitan détestait cela. À sa décharge, encore, l'adjudant-garde Javert était un homme sévère mais juste. Il ne frappait jamais sans raison et jamais avec cruauté.
Il avait souvent fouetté Valjean mais toujours pour de bonnes raisons. Valjean devait en convenir et cela le fâchait. Alors il supportait Javert, il tolérait ses réunions journalières, il échangeait des idées avec son chef de la police de la manière la plus cordiale possible.
Et Javert se montrait aussi respectueux, aussi accommodant que possible.
Puis il y eut l'incident qui changea la donne. La charrette de M. Fauchelevent. L'exploit de M. Madeleine. La mise en garde de Javert.
Valjean savait que Javert était sur sa piste, M. Madeleine était surveillé, épié même, par son chef de la police.
Tout le monde aimait M. Madeleine. Javert, lui, le soupçonnait d'être un forçat évadé. Après la mésaventure de la charrette, M. Madeleine avait eu peur d'être arrêté par l'inspecteur. Des souvenirs de Toulon obscurcissaient ses rêves. Des rêves jamais loin des cauchemars ! Mais non ! Javert ne fit rien. Leurs réunions se poursuivirent, leurs discussions continuèrent, sans cesser d'être houleuses parfois. Souvent.
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Le secret de l'inspecteur Javert
RomanceL'inspecteur Javert a un terrible secret. Un jour, M. Madeleine le découvre. Quel est-il à votre avis ? La couverture est un adorable cadeau de Kuromame (Blackbeane). A suivre sur Tumblr !