Sherly

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Je crois que je lui serai redevable jusqu'à ce que la vie me quitte.

Il me dit m'aimer. Je ne sais que dire à mon tour.

J'ai cru voir dans ses yeux la lueur que je cherchais. Ou bien, celle qui m'a quitté avant même que je ne sache parler. Je me souviens de ce jour, sur cet immense bateau. Ce jour où il est apparu devant moi, m'a étudié, m'a souri comme personne n'avait jamais osé le faire.

Si je lui avais demandé, dès la première seconde, de me rattraper, m'aurait-il écouté ?

Aurait-il attrapé mon poignet, comme ce jour qui m'a semblé éternel ?

Je regrette, parfois. Je regrette d'avoir souhaité ne jamais le revoir.

Je suis désolé, Sherlock. Vraiment désolé. J'aimerais être honnête avec moi-même, m'avouer que, si tu es là aujourd'hui, c'est parce que moi aussi, je t'ai aimé. Parce que moi aussi, je t'aime. Cependant, je sais qu'avant que tu sautes d'un pont pour moi, j'ai mille fois souhaité que tu disparaisses de ma vie. Que tu disparaisses de ma vie ? Non, que tu t'écartes du chemin qui me menait à la mort.

Sherlock, as-tu réellement sauté de ce pont pour moi, ou l'as-tu fait parce que tu ne supportais pas un futur sans moi ? L'as-tu fait pour moi, ou pour toi ?

Quelquefois, je me surprends à penser que j'aimerais être seul, seul avec toi. Seulement, pas sur Terre, ici-bas. Dans un endroit que nous ne connaitrions que toi et moi. Un endroit où nous serions dévorés par les flammes, tandis que nos cœurs seraient consumés par des souvenirs et un amour qui perdureraient, même si le feu, un jour venait à nous détruire.

- Alors ? Comment se porte mon professeur de maths préféré ?

- Il se portait mieux avant que tu ne passes le pas de cette porte, Sherly.

- Tu es d'humeur dragueuse, Liam ?

Parfois, je me surprends à sourire. Je veux dire, réellement sourire. Parce que Sherlock est là, parce qu'il débarque à l'improviste, même dans les endroits où personne ne parvient à me dénicher habituellement, parce que mon poignet brûle du contact qu'il a laissé sur moi.

Sherlock, y a-t-il un moyen de ressentir ce que j'ai ressenti ce jour-là, au creux de tes bras, encore une fois ?

- Liam, je suis heureux que tu sois là.

- Que je sois là, devant toi ? Que je sois là, dans ce monde ?

- Bonne question. Et si tu orchestrais une nouvelle énigme, rien que pour moi ? Le but serait de te déterrer, du fin fond du monde, et te servir sur un plateau d'argent la réponse à cette question.

- Ou alors, tu peux t'approcher de moi, m'arracher ma craie des mains, et susurrer à mon oreille la réponse à ma question.

Sherly, je suis désolé. Tellement désolé. Si j'avais su que l'idée de ma mort te faisait tant souffrir avant d'élaborer mon plan, j'aurais trouvé un moyen de t'emporter avec moi. Tu t'ennuies dans ce monde, je le sais. Les cigarettes que tu fumes ne sont là qu'afin de t'anéantir, parce que tu as peur de mourir comme j'ai tenté de le faire. Sherly, ai-je rendu ta vie meilleure ? Est-ce pour cela que tu m'as sauvé ? Car, avec moi, tu ne savais plus t'ennuyer, et tu pouvais enfin penser à autre chose qu'à la manière de mourir sans jamais te tuer ?

- Liam.

Ne t'avance pas, Sherlock. N'approche pas, s'il te plait.

- Liam.

Ne le dis pas, Sherlock. Ne le dis pas.

- Liam, sais-tu pourquoi je t'ai sauvé ?

Je t'en supplie, éloigne-toi. Je ne supporte pas ton souffle sur mes lèvres. Je ne supporte pas la sensation de mon cœur qui se déchire. Celle de vouloir être si proche de toi, que mon cœur veut sortir de moi.

- Pourquoi baisses-tu le regard ? Cela ne te ressemble pas, Liam.

Je ne puis soutenir ton regard, Sherly. Je suis désolé. Je suis désolé de t'aimer. Je suis désolé de vouloir t'emporter aux enfers, avec moi, malgré toi. Tout parait si beau, si merveilleux, si coloré depuis le jour où tu m'as tendu la main. Mais je ne mérite pas. Je ne mérite rien. Pas même toi. Je suis destiné à m'ôter la vie. C'est ce que le monde a prévu pour moi depuis ma naissance.

La lumière qui émane de toi m'aveugle, j'en souffre. J'en souffre tellement.

Ne pose pas ta main sur ma joue.

Passe-la derrière ma nuque.

Ne cherche pas à m'aimer éternellement.

Aime-moi jusqu'à la fin.

Ne joue pas aux héros, tu ne me sauveras jamais complètement.

Rattrape-moi, autant de fois que la vie te le permettra.

- Sherlock.

- William.

- Tu serais prêt à me rattraper, une fois encore ?

- Autant de fois que la vie me le permettra, et même dans la mort, si la vie est assez clémente pour nous envoyer ensemble dans l'autre monde. De toute façon, je l'y obligerai.

Des milliers d'hommes desquels tomber amoureux, et le destin m'a mis sur ta route. Sherly, est-ce un supplice de m'aimer ? Je hais t'avoir un jour détesté.

Te souviens-tu de cette heure dans le train ? Celle où tu t'es donné corps et âme pour élucider une affaire avant moi ? Cette heure où j'ai pensé : « Appelle-moi Liam jusqu'à ton dernier souffle. » ?

Ton sourire m'a rendu heureux. Sherly, tu me rends heureux.

Je sais que tu en tremblais d'envie. Je sais que si je ne t'avais pas embrassé, tu l'aurais fait. J'entends la craie tomber au sol, j'entends la poudre qu'elle laisse derrière elle se heurter à ton pantalon. Le sais-tu ? Quelques mois auparavant, je haïssais le silence. J'aurais tout donné pour le faire taire. Avec toi, le silence semble si bruyant. Le brouhaha de toutes ces choses qui nous entourent se mêle dans ma tête. J'entends ta main divaguer sur ma peau, j'entends tes cheveux se fondre dans les miens, j'entends ton cœur battre contre le mien.

Si notre descente aux enfers se déroule ainsi, compte sur moi pour remonter la pente autant de fois que la mort nous le permettra.

- Tes lèvres ont un goût salé, Liam.

- N'apprécies-tu pas, Sherly ?

Si seulement tu pouvais rendre la mort aussi belle que tu rends la vie magnifique...

- Repose-moi.

- Dans tes rêves. Quand tu es assis sur ton bureau, ça me rappelle que tu es professeur de maths, et t'es mille fois plus sexy avec ton air de monsieur je-sais-tout.

- Les personnes les plus « sexy » comme tu le dis si bien, sont celles que l'on envie le plus, monsieur je-ne-sais-rien.

- Partage ma vie jusqu'à la fin, Liam.

Je ne sais pas comment vivre, Sherlock. Je ne sais pas. Bien que tout paraisse plus simple depuis que tu me retiens de sombrer, je n'ai pas appris à vivre, je n'y parviendrai sûrement jamais.

Mais, si l'attente de la mort est possible avec toi, je me ferai le plaisir de partager mes derniers instants avec toi, Sherly.

- Toi, attrape mon poignet, ne le lâche pas.

- Jamais. S'il le faut, je sombrerai avec toi.

Sombre avec moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant