Dispute conjugale

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Il s'installa au pied du lit conjugal qu'il avait quitté une heure plus tôt.
Il était en colère. Elle lui devait des comptes.

« C'est à mon tour de parler maintenant, alors écoute moi bien. », prévint-il.

Elle baragouinait encore quelques insipides excuses et injures en tout genre. Il ne pouvait plus l'écouter, il ne voulait plus l'entendre, elle l'insupportait.

« Tu vas la boucler ?, s'énerva-t-il, Je t'ai dit que c'était à mon tour de parler ! »

Elle continuait à marmonner dans sa barbe, elle ne s'arrêterait pas, il le savait, il la connaissait trop bien.

« Moi ? Moi te tromper ?! Elle est bien bonne celle-là. Venant de toi, elle est bien bonne. », riposta-t-il.

Elle ne semblait pas comprendre ses dires.
Ou peut-être qu'elle ne le voulait pas.

« Oui venant de toi !, insista-t-il, Tu ne m'as pas berné, je vois très clair dans ton petit jeu. Dans votre petit jeu. »

Il persistait dans ses insinuations.
Elle semblait ennuyée.

« Oui votre petit jeu ! À toi et à ton patron ! Tu pensais vraiment que je ne verrais rien ? », cracha-t-il.

Elle resta sans réaction, visiblement déterminée à se terrer dans le mutisme.

« Certaines se font le voisin, d'autres le facteur, et toi il a fallu que tu te tapes ton patron... Tu n'es vraiment pas croyable ! »

Il l'entendait déjà mentir, inventer mille et une versions toutes plus factices les unes que les autres.

« Arrête de nier, je t'en prie arrête ! Je vous ai vu ! Tu m'entends ! Je vous ai vu ! », hurla-t-il.

Il montait dans les tours, elle continuait à garder son calme.

« Oh et ne me regarde pas comme ça ! Je ne te permets pas de me faire la morale. »

Elle le fixait de ses prunelles noires et vides.
Ce regard froid et éteint qui semblait lui reprocher toute la misère du monde.

« Je te préviens, ne joue pas à la pauvre petite martyre avec moi. Tout est de ta faute. », articula-t-il entre ses dents.

Il se faisait presque menaçant.
Elle ne semblait guère impressionnée.

« Oui. Oui. Tout ça est entièrement de ta faute ! C'est de ta faute ! De ta faute et rien que de ta faute ! »

Il se répétait, vociférait.
Imperturbable, elle semblait s'en moquer.

« Pas besoin de me regarder comme ça, on sait tous les deux que c'est moi la victime dans l'histoire. »

Ce sourire ironique qu'elle esquissait à peine et qui ne la rendait que plus désagréable, il aurait voulu lui arracher. Lui arracher ce petit visage suffisant qu'elle exhibait à tout-va et qui ne pouvait l'irriter davantage.

« Parce que ça te fait rire en plus ? Ça te fait rire ?! », s'emporta-t-il.

La colère de ses mots se traduisant dans ses gestes, il lui attrapa la jambe. Elle le laissa faire, elle le laissa enfoncer les doigts dans son mollet et secouer son membre sans opposer la moindre résistance.

« Enfin ! », s'exclama-t-il.

Elle avait perdu son sourire, il avait gagné le sien.

« Tu es moins détestable sans ton petit air hautain. », se plut-il à commenter.

Brièvement satisfait, il fixa le visage relâché de sa femme. Seulement bien vite, cette vision lui fut insoutenable. Elle était méconnaissable, cela lui sautait aux yeux. Son teint était plus pâle qu'à l'accoutumée, tapissé de rougeurs qu'il ne lui connaissait pas. Son regard avait perdu en intensité, ou peut-être gagné, cela dépendait du point de vue. Ses yeux sombres et ténébreux, qui pouvaient faire bouillir le sang dans vos veines d'un battement de cils, n'étaient plus. Son regard était toujours aussi profond, mais les iris noirs, à présent vitreux et larmoyants, avaient bien changé. Foncée et rougeâtre, elle était allée jusqu'à modifier la couleur de ses cheveux. Et ça ne s'arrêtait pas là, elle portait également un collier qu'il n'avait jamais vu, sûrement le cadeau de son adultère. Les perles rouges habillaient son cou et venaient dégouliner jusqu'à la naissance de ses seins. Le reste de sa silhouette était dissimulé sous la couverture, mais les draps étaient souillés par ses péchés. Elle avait tant changé qu'il lui était difficile de la reconnaître. Pourtant c'était bien elle, il n'y avait aucun doute là-dessus. Elle seule avait le pouvoir de le révulser à ce point.

Accablé par cette image, il lui tourna le dos pour s'affranchir de l'aversion qu'elle lui provoquait.

Il souffla de soulagement, finalement relaxé de la vue de celle qu'il aimait de tout son cœur et haïssait de toute son âme. Cependant l'apaisement ne dura guère longtemps. S'il s'était libéré de son corps, les mots de son épouse lui résonnaient encore en tête. Il plaqua ses mains sur ses oreilles, il ne voulait plus l'entendre. Néanmoins rien n'y faisait, ses paroles continuaient à trotter sans cesse dans son crâne, allant jusqu'à lui bousiller la cervelle. Il allait finir par craquer.

Elle le trompait. Cela faisait des années et des années qu'elle ne le supportait plus. Il la dégoûtait. Lui et son haleine empestant la vinasse. Lui et toutes les gamines qu'il ramenait à la maison. Lui et sa main souvent trop lourde. Alors oui, non seulement elle entretenait une liaison avec son patron, mais en plus elle le quittait pour lui.

« Je ne te laisserai pas faire, tu m'entends ? Est-ce que tu m'entends ? Tu n'iras nulle part ! »

Il n'allait certainement pas la laisser lui filer entre les doigts. Il en était hors de question. Il ne la laisserait pas le quitter. Elle n'allait pas prendre la fuite, elle n'en avait pas le droit.
Il devait empêcher cela.
Il allait le faire, il allait la tuer.

La réflexion ne fut pas longue, dans une impulsion, il se retourna pour lui faire face,
prêt à en découdre.

Et s'il ne l'avait pas déjà fait une heure plus tôt, il lui aurait tranché la gorge.

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