Je t'(...)

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On s'est rencontré un soir dans un bar. Chacun ses ennuis, chacun ses amis. Notre groupe s'est rassemblé : on a sympathisé. Je te trouvais mignon. Je me suis rapprochée de toi. Je ne m'attendais à rien, je n'avais besoin de rien. Mon copain s'en était allé quelques mois plus tôt. Un accident de voiture. C'était trop tard...

J'étais là dans ce bar. Les yeux rivés dans les tiens, à croire que je m'y noyais sans raison, à la dérive de ma déraison. Sans autres paroles que les mots qui glissaient le long de tes lèvres.

J'avais ce besoin de m'en aller, de danser, de m'évader de toute cette simplicité et ce monde désenchanté. On a décidé d'aller dans une boite de nuit. Peu importe laquelle. Un autre verre et c'était fini. Je ne voulais plus sentir la douleur qui malmenait mon esprit. J'avais cette envie de me sentir vivante, heureuse, euphorique, même un court instant.

Tu me regardais, tu me voyais, tu me sentais et j'avais cette envie insupportable de t'embrasser, de te toucher. Rien ne m'empêcher de le faire. Sauf peut-être l'alcool qui me traversait. Je n'ai donc rien fait. A part sortir et rentrer chez moi. Je ne te reverrais sûrement jamais. Mais ce n'était pas grave. Les larmes qui glissaient sur le pavé ressemblaient à celles que j'avais versé à son enterrement.
Tu lui ressemblais en tout point. De tes yeux amer et profond, à ton sourire sincère et mystérieux. Je pleurais parce que l'image incessante de l'homme que j'avais aimé ne cessait de me hanter. Alors, assise sur les marches d'un monument, j'ai pleuré. J'ai laissé mes larmes s'en aller, s'échapper une à une. Comme une lettre à qui voudrait bien l'entendre ou l'écouter. Je n'ai senti que le vent qui les ramenait sur le sol. Inertes.

J'ai senti. Senti ta main sur mon épaule. Dans l'angoisse et les sanglots, j'ai levé brusquement la tête. Tu m'as aidé à me relever, pris dans tes bras et nous sommes rentrer chez toi.

Allongée sur ton canapé, un sweat-shirt à toi en guise de pyjama, je mangeais les nouilles que tu m'avais préparé. T'en donnant une ou deux à quelques reprises. Tu m'as demandé de te parler. J'ai laissé une larme rouler sur ma joue et je me suis assise sur le lit avec toi. Je n'avais pas envie de parler.

Suspendue à tes lèvres, je t'ai murmuré de te taire. Tu m'as embrassé. C'était doux et fort. Tu semblais touché, presque blessé. J'ai senti tes mains le long de mon corps, pendant que tes lèvres ne cessaient de rencontrer les miennes. Presque enchainé à ton corps, je ne t'ai pas lâché. Tu ne m'as pas rejeté, au contraire tu m'as enlacé.

Le lendemain matin, je suis restée prisonnière dans tes bras. Ton corps, ton visage et tout ton être me rappelaient tellement le sien que je ne pouvais m'empêcher de vouloir m'y sentir comme chez moi. Comme avant. J'avais besoin de me sentir vivante ? Depuis les derniers mois, je crois que je n'avais jamais autant vécu que cette nuit-là. Je m'étais perdue en lui, et je m'étais retrouvée en toi.

En réalité, je ne suis pas restée qu'une journée, mais plutôt plusieurs mois. On s'était mis d'accord pour que personne ne sache qu'on était ensemble. On s'était installé l'un chez l'autre. On faisait comme si de rien n'était et ça passait. Nos amis n'avaient rien remarqué. On sortait tous ensemble, je dormais chez les filles et au petit matin je te rejoignais. Un confort partagé.

J'avais parlé de toi à mes amies. Je pensais pouvoir leur dire la vérité, mais au moment où j'ai abordé le sujet, elles l'ont rejeté. Elles me pensaient trop faible. Pas assez forte après sa mort. Elles pensaient que j'avais besoin de plus de temps. Et la vérité, c'est qu'elles avaient sûrement raison. Alors j'ai continué à mentir, à elles, mais aussi à toi. Tout ceci, en cherchant une solution pour tous vous avouer.

Tant que je ne leur avais pas dit la vérité, tu avais décidé de garder le secret. Je t'avais embrassé après le partage de notre mensonge perpétuel.


Je t'(mot à identifier)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant