Chapitre 1

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Les cris redoublèrent alors que je rangeais mes vêtements dans mon sac. Derrière la porte qui séparait ma chambre de ces gens qui prétendaient être des « parents d'accueil » se cachaient une folle et un alcoolique que je ne pouvais plus supporter.

J'avais tenu plus d'un an. C'était déjà beaucoup plus que les autres familles où l'on m'avait placé. Mais je ne pensais pas que l'administration avait connaissance des actes qui se déroulaient dans ces familles, ou ils s'en moquaient.

— Mais va te faire foutre connard ! glapit la femme, Sylvie, pendant que j'entendais des bruits de verres voler à travers l'appartement.

Charmant.

Je me dépêchais d'enfoncer mes carnets dans mon sac, seuls objets de réelles valeurs à mes yeux.

C'était trop pour moi. J'étais épuisée. Devoir survivre sous la responsabilité de personnes qui ne savait pas se gérer elle-même, mais qui se prétendait capable d'élever des enfants.

Je refermais mon sac et le balançais sur mon épaule.

Dans le couloir, des bouteilles de bière éclatées s'étalaient sur le sol. C'était l'arme favorite de Laurent, j'en avais déjà reçu les frais. Je grimaçai à se souvenir tout en me demandant s'il n'allait pas remettre ça.

Alors que j'approchai de l'entrée, je croisai son regard vitreux dans le salon. Penché au-dessus de Sylvie, il était évident qu'il allait lui faire vivre un très mauvais quart d'heure.

— Ça y est, tu te barres enfin toi ? lança-t-il avant de partir dans un rire gras. C'est pas trop tôt, tu veux pas l'emmener avec toi ? rugit-il au sujet de sa femme.

Je jetai un regard sur sa compagne, dont ses yeux bleus en larmes passaient de Laurent à moi. Elle avait sans doute autrefois été belle. Si elle avait eu le courage de se défaire de cet homme. Si elle n'avait pas sombré dans l'alcool comme lui. Elle aurait pu être respectée et sans doute charismatique. Mais elle n'était plus que dépressive et parano, courant après un amour vain et dérisoire.

Une infime partie de moi avait pitié pour elle, et voulait lui venir en aide. Mais personne ne m'avait secouru moi, alors pourquoi ferais-je quelque chose ?

— Non, j'ai pris mes merdes, je te laisse les tiennes, rétorquai-je en regardant la femme dans les yeux.

L'homme rit à nouveau. J'ouvrai la porte au moment où j'entendis le coup s'abattre sur Sylvie. Mes doigts se crispèrent sur la poignée. J'inspirai profondément, puis partie avant de faire demi-tour.

9 ans. J'avais tenu 9 ans dans des familles qui se ressemblaient toutes. J'avais atterri dans des foyers plus fous les uns que les autres. Si je n'atteindrai ma majorité qu'en début de l'année prochaine, je ne pouvais plus vivre de cette façon. Je ne voulais plus.

Je me baladais dans les rues de Vitry-sur-Seine en me demandant quel allait être mon plan. Je m'étais décidée sur un coup de tête. Il fallait que je parte maintenant ou jamais.

Mais qu'allais-je faire à présent ? J'avais un peu d'argent, gagné en passant quelques marchandises d'une connaissance à une autre, mais je ne pourrais pas tenir à long terme ainsi.

Je pouvais largement me passer de l'hôtel. Il me suffisait de dormir dans les toilettes d'un bar puis de trainer toute la nuit. Je n'avais pas été habitué au confort matériel, ça m'importait peu.

J'aurais pu aller chez des amis, si j'en avais eu. Mais je ne restais jamais assez longtemps dans la vie de quelqu'un pour nouer des liens. Des connaissances, oui, j'en avais, des amis, jamais.

Je longeais la route menant au centre-ville. D'un côté de celle-ci, la commune s'entendait sur des HLM à perte de vue, là où je vivais. De l'autre, de nombreuses maisons flambant neuves trônaient fièrement. Elles puaient l'argent d'ici. Je n'étais pas jalouse que certains fussent nés avec un meilleur niveau de vie que moi. Mais le clivage m'impressionnait toujours. C'était comme si la ville s'était séparée en deux plus petites. D'un côté, des existences paisibles sommeillaient dans des draps en soies, et puis les voisins, bercés par les cris et les gyrophares.

La TourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant