La lune éclaire le soleil

En bas, dans la ville, les voitures défilaient et des filles filaient à toute allure dans la rue. Les lumières clignotaient, s'allumaient, s'éteignaient tandis que les rayons du soleil déclinaient. C'était un soir de juin, pas tout à fait le printemps, pas tout à fait l'été. C'était un soir ouvert aux possibilités.

Là-haut, les reflets dorés du jour qui s'en allait caressaient les formes arrondies des collines, donnant aux arbres et herbes sauvages mille et une teintes. Là-haut, le bruit de la ville n'atteignait pas le silence pourtant plus vivant de la nature à l'état pur. Là-haut, se réfugiaient ceux qui n'osaient rêver tout bas.

Une voiture avait l'habitude d'emprunter les sentiers sinueux des courbes de la colline qui jouxtait directement la petite ville aux nombreuses lumières. Elle avait une carrosserie un peu cabossée, un moteur un peu bruyant et une radio silencieuse. Et surtout, elle transportait un jeune homme qui avait l'habitude de venir admirer le coucher du soleil, assis sous un chêne qui lui offrait un point de vue comme on en n'avait jamais vus. Il s'asseyait sur les brins d'herbe, un brin fatigué après une journée bien occupée. Ce soir-là, il ne quitta pas la petite montagne quand le soleil délaissa l'horizon. Ce soir-là, il s'endormit contre les racines de l'arbre, bercé par la brise nocturne qui effleurait les feuilles poussant au bout des branches.

Bien plus tard, il se réveilla sous des milliards et milliards de regards se trouvant à des milliards et milliards de kilomètres de là. Un peu perdu, il sortit des bras de Morphée encore un peu amorphe. Du coin de son œil, à gauche, une tâche encore plus sombre que l'enveloppe de la nuit retint son attention. Alors il se leva et se rapprocha.

− Tu n'as pas peur d'être seule à cette heure-là, dans ce lieu désert ? demanda-t-il doucement.

C'était une jeune fille à la peau pâle comme la lune, aux cheveux obscurs comme le ciel et aux yeux renfermant une galaxie dans leur iris. Blanc, noir, bleu, violet, rouge.

C'était lui, l'amoureux de la couleur jaune, de la chaleur et de la lumière, qui l'avait trouvée sous les scintillements des astres. Étaient-ce des astres ? Ou un désastre ? Aurait-il dû fuir ce calme qui l'avait enveloppé quand il s'était trouvé à ses côtés, ou avait-il eu raison de s'assoir à quelques centimètres d'elle comme il l'avait fait ?

− Je sais qu'il ne m'arrivera rien ici.

Elle lui avait répondu non pas comme à un parfait inconnu, ce qu'il était, mais tel qu'elle se serait adressée à un « parfois connu », comme elle appelait ces gens que l'on avait croisés à un certain moment de notre vie. Puis elle l'avait fixé de ses grands yeux foncés tout en haussant le sourcil droit qui donnait une jolie courbe à son visage alors qu'il prenait place à côté d'elle. L'herbe fraîche l'avait surpris et les traits de son visage autrefois enfantins firent de nouveau surface dans sa mine étonnée. Elle avait continué sa contemplation de constellations pendant qu'il avait observé les alentours, guettant le moindre danger. Ils étaient restés ainsi dans un silence, si lents sous cet univers qui vivait à mille à l'heure.

La rencontre de deux opposés un peu pareils.

Ils s'étaient retrouvés chaque semaine, le même jour, au même endroit, à la même heure. La leur. Cet instant précis qui se répétait inlassablement comme le tic-tac des aiguilles d'une montre, et pourtant chaque fois différent, ils se l'étaient approprié. D'abord, ç'avait été par pur hasard. Puis, avec le temps c'était devenu une habitude, l'un de ces non-dits qui disent pourtant tellement. Chaque fois que la journée se terminait, peu avant le coucher du soleil, il conduisait jusqu'à cet endroit reculé, en pleine nature et qui surplombait sa petite ville, et il assistait au mélange de couleurs sur la toile du ciel jusqu'à ce qu'elle arrive avec l'obscurité. Ou jusqu'à ce que l'obscurité arrive à ses côtés ? Les deux semblaient arriver emmêlées, main dans la main.