8.La ville

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[MAHLO]

J'ouvre les yeux et m'assieds. À côté de moi, Nihna dort encore, comme à son habitude. C'est le matin, le ciel est bleu azur, étrange en comparaison avec celui de Doukhal, violet|vert. Nous sommes dans un parc, à quelques kilomètres d'une ville. Fort heureusement, il est encore très tôt et personne ne nous a vu. Je me lève et tends la main à Nihna pour l'aider à se relever.
Nous marchons un bon quart d'heure, le soleil tape mais nos combinaisons nous protègent. Notre mode camouflage est toujours actif, nous n'avons pas encore vu de Terrien et ne savons pas comment ils s'habillent.
Je fais signe à Nihna de s'arrêter, nous sommes arrivés à la sortie du parc.
Je suis plus qu'impatient de voir comment se comporte un Terrien. J'ai été aussi déçu que Nihna en apprenant qu'ils détruisaient leur planète à petit feu. Nous sortons du parc quand soudain une forme arrive vers nous, c'est bruyant, je l'analyse avec mon scanner, c'est une voiture. La plupart des Terriens en possèdent mais elle sont très nocives pour l'environnement. Elle passe en trombe devant nous et continue son chemin.
Nous marchons sur le bord de la route et prenons la direction du centre ville indiquée sur les panneaux. Au fur et à mesure que nous approchons du centre, nous croisons de plus en plus de voitures et de Terriens. Ils sont beaucoup moins effrayants que je ne le pensais. Leur ville est composée de magasins, maisons et d'immeubles. Je croise des Terriens de tout âges, vieux, jeunes ou adultes. Ils ont une espérance de vie semblable à la nôtre mais vieillissent plus vite.
Nous nous promenons ainsi deux jours de suite, personne ne nous remarque.
Le soir venu, je suis trop impatient et je demande à Nihna de rentrer dans une maison. Nous cherchons alors un quartier tranquille, sans activité extérieure.

Alors que nous cherchons une maison, j'aperçois une forme sur les toits. La forme passe devant un lampadaire, c'est une Terrienne. Amusé, je commence à la suivre en couvrant, tout en ignorant les remontrances de ma "soeur". Je suis maintenant à côté d'elle, en dessous des toits. Les maisons n'ont pas de barrières ce qui facilite la course. Tout à coup, j'entends un cri, et la fille tombe au dessus de moi. J'ai le réflexe de la rattraper et de la déposer au sol avant de me rappeler que je suis invisible pour elle. Je m'éloigne doucement tout en l'observant. Elle regarde tout autour d'elle, visiblement apeurée, à la recherche de son sauveur invisible. Je la regarde une dernière fois, essayant de garder son visage en tête, c'est la première Terrienne avec qui j'interagis. Je me tourne et cours rejoindre Nihna. Elle me fais la morale comme quoi j'aurai pu tomber et abimer ma combinaison, ou pire, me rendre visible. Je l'écoute à moitié, encore sous le choc de cette rencontre.

Nous continuons notre chemin et Nihna finit par trouver une maison avec une vitre ouverte. Les Terriens semblent être méfiants. Quoi de plus normal quand on vit dans une société violente et oppressante ?

Nous entrons par la fenêtre et tombons nez à nez avec un jeune Terrien, 2 "ans" tout au plus. J'adore les enfants. N'y voyez aucun sous-entendu, mais j'aime cette innocence qu'ils ont dans leur regard, cette imagination sans limite. On dirait qu'il nous regarde. Peut être sait-il mieux observer que la plupart des adultes qui croulent sous les responsabilités et n'ont plus le temps pour rien. Il est terriblement mignon. J'ai envie d'enlever mon camouflage et de jouer avec lui mais Nihna me presse de la rejoindre. Elle est à l'entrée du salon. Nous passons la porte et tombons nez à nez avec un adulte, affalé sur un canapé devant ce qui selon les informations que nous avons, est une télévision. Il a le regard niais, neutre. Nous le contournons discrètement, de tout de façon son regard est fixé à la télévision comme une moule à son rocher. Je suis sur que si je désactivais le camouflage il ne me verrait même pas. Quelle ironie qu'un jeune enfant ait plus de lucidité qu'un adulte...
Nous sortons de la maison pour faire le point. J'allume mon transmetteur audio et commence le rapport.
Ici Mahlo. Le 2ème jour s'est bien passé, la phase d'observation a bien avancé. Voici des exemples de Terriens que nous avons vu :
- la plupart des Terriens sont comme prisonniers de l'ordinaire, le matin, ils mangent, partent au travail et reviennent le soir préparer un dîner ou se remettre à travailler.

- Nous avons vu des cas qui nous ont redonné foi en cette espèce comme un jeune adulte aidant une personne âgée à traverser alors que les quinze autres adultes étaient trop pressés pour la remarquer. Nous avons aussi approfondis nos recherches sur leur moteur de recherche et il semblerait que cette espèce ne soit pas aussi perdue qu'on le pense. En effet, de nombreuses associations telles que "GreenPeace" luttent contre la pollution et agissent pour qu'elle cesse. De nombreuses personnes telles que Martin Luther King et Gandhi ont voué leurs vies à la lutte pacifique contre le racisme et les inégalités. Nous avons estimé à partir d'un échantillon de Terriens qu'une personne sur deux était bienveillante, et que c'est bien souvent les personnes qui ont connus les pires choses de la vie qui cherchent à lutter contre ce système, et non pas à rentrer dans le moule comme les autres.
L'espèce Terrienne n'est donc pas complètement perdue, nous savons maintenant que le problème vient d'en haut, de la minorité qui dirige tout et ne résoud rien pour garder le pouvoir aussi longtemps qu'ils le peuvent. Les médias, eux, font le jeux de ces puissants pour désinformer et ne pas créer de rebellions massives. Mais le temps du changement est arrivé. Nous avons maintenant toutes les informations nécessaires pour le vote.
Nous allons écourter notre voyage sur Terre et revenir au vaisseau afin de décider du sort des Terriens. Merci de nous envoyer un vaisseau au plus vite.
Fin du rapport audio de Mahlo.

Après avoir éteint mon transmetteur, nous partîmes au point d'arrivée où un vaisseau devait nous attendre. Je n'avais pas envie de partir sans avoir revu la Terrienne de toute à l'heure. Je pris donc la direction de sa maison et monta jusqu'à sa chambre en escaladant le toit. Bien décidé à enfreindre l'ordre de ne pas nous révéler, je désactivai mon camouflage et toqua à la fenêtre. Elle m'ouvrit les yeux étonnés et me fit rentrer dans sa chambre. J'activai mon traducteur et la salua.
Je lui expliquai alors d'où je venais, et pourquoi j'étais là. Elle ne me cru pas jusqu'à ce que je lui parle par télépathie. Elle faillit se cogner la tête au plafond lorsqu'elle entendit ma voix dans sa tête et me demanda ensuite si on allait les détruire. Je lui répondis que ce n'était pas sûr, mais que l'état de sa planète avait déjà dissuadé plusieurs de mes confrères de les sauver. Contrairement à ce que je pensais, elle n'était pas effrayée de voir un extraterrestre débarquer dans sa chambre. J'allais lui dire plus de choses quand ma visière sonna, Nihna me rappelait à l'ordre, le vaisseau allait arriver. Je pris la main de la jeune fille et lui dit :
- Comment t'appelle-tu ?
- Margot, me répondit-elle.
Je lui demandai alors de venir avec moi sur le vaisseau mère pour plaider la cause de son peuple pendant le vote. Elle accepta tout de suite. Nous descendîmes par la fenêtre et nous rendîmes au point d'arrivée du vaisseau où Nihna nous attendait. Je lui expliquai alors pourquoi Margot devait venir avec nous, et comment cela aiderait pour le vote. Le vaisseau devait repartir, elle accepta. Nous montâmes donc tous les trois dans le vaisseau. Il décolla et nous nous endormîmes, exténués.

VerthOù les histoires vivent. Découvrez maintenant