11. La fuite (2)

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Je prêtais à Bell un sac avec quelques tee-shirt trop larges pour moi, et tentai de mettre le strict minimum d'affaires dans ma valise. J'avais l'impression que le temps filait à une vitesse anormale. Torielle avait déjà dû avoir le temps de se réveiller et de courir au bâtiment du Service de Protection. Absolument tout m'angoissait. Mes membres étaient pris de tremblement incontrôlables tandis que je rangeais mes vêtements dans mon sac en tissus. Mais le plus important restait le coffre fort. Tout ce qui avait de la valeur finit dans mon sac. L'argent en liquide économisé, la carte bleue, et tout ce qui nous permettrait de survivre sur le continent. Heureusement que la monnaie était la même, une des rares choses qui n'avaient pas changé suite au Grand Tremblement.

- Allez, c'est l'heure de partir, m'appela Bell sur le pas de la porte, téléphone à la main. Notre bateau part dans trente minutes.

Je serrai les clés de mon appartement dans ma main avant de les déposer dans la boite au lettre de la propriétaire. Je l'appellerai une fois arrivée à destination. Cette vielle bique allait encore me sortir sa liste de reproches préférée.

N'ayant plus de voiture, je fus contrainte d'interpeler un taxi, sur le bord de la route. Il était déjà tard, mais le chauffeur accepta de nous faire monter.

- Alors, on fait le mur les gosses ?

En tant que femme de vingt et un an, je le pris assez mal.

- Non, on part en voyage.

- En voyage ! s'exclama l'homme assis devant nous, en nous regardant avec ses petits yeux gris et sa vieille moustache dans le rétroviseur.

- On part en croisière, me précipitais-je d'inventer, n'assumant pas le fait que j'allais quitter Algore.

- En croisière ? s'interrogea-t-il en nous voyant avec nos petites valises en tissus sur le dos.

Je me rendis alors compte que mon excuse n'était pas très crédible.

- On va sur le continent ! se félicita Bell en s'enfonçant au fond du siège en cuir noir.

Je soupirai. Il allait certainement nous prendre pour des fous.

- Je vous amène au port alors.

- Oui, s'il vous plait, m'exclamais-je pour couper court à la conversation.

Il s'engagea alors dans des ruelles peu passantes, coupa le boulevard 9B, et s'enfonça toujours plus loin vers le sud. Les routes qu'ils empruntaient me rappelaient celles que j'avais prises pour aller couler ma voiture dans l'océan. Je fermai les yeux. Le trajet fut silencieux. A certains moment, l'envie d'ouvrir la portière et de m'enfuir en courant me prenait. Je n'arrivais pas à croire ce que je faisais. Je m'en rendrais certainement pleinement compte lorsque nous aurons les deux pieds sur le continent.

Lara ne se manifestait plus. Je me mordis le poing. Tout était de sa faute, si seulement elle avait pu fusionner avec quelqu'un d'autre que moi. A présent, l'idée qu'elle puisse m'entendre ou non ne m'inquiétait guère.

Au moment de longer les quais, alors que les pêcheurs revenaient après leur journée de travail et déversaient le contenu de leurs filets dans des caisses, notre chauffeur ne put se retenir :

- Vous allez vraiment quitter notre chère ville ?

- Temporairement, précisa Bell.

- Je peux vous demander pourquoi ?

- Pour voyager tout simplement.

J'écoutais d'une oreille distraite, cherchant notre bateau des yeux.

- Mais aucun endroit n'est mieux qu'Algore. Sur le continent c'est laid, c'est sale vous savez, poursuivit-il avec sa voix cassée. Les gens là bas, ils sont fous. Ils se battent, ils se tuent, ils se suicident. Leur gouvernement est instable, ils nous méprisent. Ils aimeraient bien nous attaquer vous savez, et nous voler notre technologie. Mais ils sont faibles ces gens là.

L'ANTI-HÔTE [Partie 1] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant