Zahra m'abandonne devant la chambre. Mon angoisse n'a cessé d'augmenter depuis que j'ai quitté le phare. J'inspire avec difficulté pour mettre de l'ordre dans ma tête. Les pas de Ian résonnent à travers la porte, j'attends encore quelques secondes avant de la pousser. Elle fait un horrible grincement, ce qui hérisse les poils de mes bras et ferme d'eux-mêmes mes yeux. Lorsque je les ouvre, Ianatan est devant la fenêtre, dos à moi. Sans un bruit, je m'avance doucement dans la pièce froide.
— Où étais-tu ? demande-t-il sèchement.
— Au phare.
— Tu n'as pas jugé bon de prendre ton téléphone ?
— Je voulais être seule. Dis-je dans un souffle. Même ça je n'en ai plus le droit ?
— Cherches-tu à te faire tuer ? Si Louise t'avait appelée et que tu ne lui avais pas répondu, je n'imagine pas ce qu'il serait advenu du Cottage. Me réprimande-t-il tout en se retournant face à moi.
— Je... pardonne-moi.Je devrais m'enregistrer sur mon téléphone. J'ai remarqué que depuis que j'ai mis les pieds dans ce monde qui m'est inconnu, j'ai tendance à constamment m'excuser pour des choses dont je ne suis pas fautive. Je baisse la tête et joue une nouvelle fois avec mes doigts, les larmes me montent aux yeux et je peine à respirer. Merde, pas maintenant...
Des crises d'angoisses sont apparues quelques mois avant mon accident et j'en fais toujours de grosses quand un homme hausse la voix avec moi. Et, si cette dispute continue, je ne donne pas cher de ma peau.
— Je suis en Écosse depuis bientôt trois jours et tu n'as fait que de t'en prendre à moi ! Qu'est-ce que je t'ai fait Ian ! Je crache pleine de rage.
Mes nerfs explosent et je me sens bouillir de l'intérieur. Il s'avance tel un prédateur pour s'arrêter à quelques centimètres de moi.
— Ce que tu m'as fait ? Eh bien déjà, tu quittes le dîner sans raison valable. Ensuite, tu étais introuvable et pour finir, je me suis retrouvé seul avec ce vieux fou ! Ses iris rubis me dévisagent et tout l'air de mes poumons s'expulse d'un coup. Ça t'a amusée Val ?
J'ai bien trop peur pour lui répondre, ses yeux sont plus foncés que d'ordinaire et ses lèvres sont retroussées dans un rictus à faire blêmir un cadavre. Il lève mon menton avec son index gauche et me contemple, un voile noir dans le regard.
— Ça t'a plu de m'avoir inquiété ? me demande-t-il plus calmement. Personne ne t'a expliqué que sortir seul est l'acte le plus fou pour un vampire ? Surtout à l'approche de Mabon. Tu ne sais donc pas que tu aurais pu te faire tuer ce soir ? C'est la meilleure saison pour assassiner un surnaturel. Crois-tu vraiment que les chasseurs vont s'en priver.
Après quelques minutes de silence à me contempler, il écrase de son pouce une larme qui roule sur ma joue. Son regard s'est adouci et moi, je tremble de tout mon être à l'idée que ma mort aurait pu arriver plus vite que prévu.
— Non, personne ne m'a rien expliqué ! Je hurle. Tout ça, c'est une énigme, mais peut-être que je l'aurais su si vous m'en aviez parlé. Malgré mon manque de connaissance sur ce Nouveau Monde, Amanuel et toi avez préféré vous en prendre l'un à l'autre ce soir. Sans juger bon de m'apprendre les bases que je n'ai pas. Vous avez réagi comme des gamins, marmonné-je.
— Valentina, je t'ai déjà dit que je ne suis plus un enfant. Si ce mot sort à nouveau de ta bouche, je serai plus que ravi de te prouver le contraire de mille façons différentes. Susurre-t-il suavement.— Alors, montre-moi.
Je me sens rougir à tel point que je baisse la tête pour essayer de le cacher. J'ignore ce qu'il me prend depuis que je suis seule avec Ianatan, je ne me reconnais plus. Sa proposition me tente plus que de raison et s'il ne venait pas de m'apprendre que j'aurai pu mourir ce soir, je lui sauterai dessus.
Je lève les yeux et le contemple de bas en haut. Cette drôle de sensation qui m'a envahie un peu plus tôt réapparaît dès que je suis proche de lui et une envie délirante monte en moi : celle de goûter chaque parcelle de son corps.
— Tu veux savoir ce que tu m'as fait Val ? reprend-il, le souffle court. C'est simple, chacune de tes pensées me rend dingue, dès que tu es près de moi tous mes muscles se tendent et te réclament. J'en deviens fou ! s'exclame-t-il comme s'il venait tout juste de s'en apercevoir. Je... je suis fou de toi.
À ces mots, il m'embrasse sauvagement, me plaquant contre lui et parcourant chaque partie de mon corps avec avidité. Ses doigts attrapent le bas de ma tresse et la détachent pour libérer une cascade sombre dans mon dos — qu'il empoigne avec force, ce qui me provoque un gémissement. Sa main droite, posée dans le creux de mes reins, me colle encore plus près de lui. Brûlante d'envie, j'agrippe ses cheveux et les tires légèrement. Au soupir qu'il laisse échapper, je peux dire sans me tromper qu'il apprécie. Après quelques secondes, il desserre son étreinte et recule de deux pas. Haletante et pris de surprise, je m'appuie contre la porte.
— Va te changer, il nous reste de la route demain avant d'arriver au château.
Ianatan s'éloigne doucement et se dirige vers la fenêtre. Étonnée, je mets quelques minutes à émerger de cette bulle dans laquelle je me trouvais encore quelques secondes auparavant. Lorsque je fixe son dos, je me demander s'il regrette. Je rejoins la salle de bain déçue et aperçois mon pyjama posé sur le bord de la baignoire. Contemplant mon reflet dans le miroir, j'en viens à me dire que cette dispute aurait pu être bien pire. Celle que j'avais à l'époque avec Lorenzo explose dans mon crâne. Elles étaient si violentes, que certaines fois, il lui arrivait de taper un peu partout. Quelques jours avant l'accident, il avait franchi une limite que je me suis juré de ne plus jamais dépasser... Ce souvenir me fais trembler de peur, je vois flou et de grosses gouttes de sueurs froides perlent dans mon dos. Merde Val, pense à autre chose !
Je me cramponne au lavabo pour ne pas tomber, je me mouille la nuque avec de l'eau glacée... Mais rien ne m'apaise. Mon souffle se fait irrégulier, je me dirige dans la baignoire et tombe à genoux à l'intérieur dans un bruit sourd. J'entends un grondement puis un second. Super le tonnerre a décidé de se joindre à la partie, manquait plus que lui ! Au troisième grognement plus puissant, la porte s'écarte d'un coup sec et Ianatan apparaît inquiet. Je lui montre le pommeau de douche.
— Mais qu'est-ce que tu fais là-dedans ?
— Allume... Je le hèle à bout de souffle.
Mon sauveur se précipite pour exécuter ma demande. Une fois la tête sous l'eau, mes spasmes se calment, ma respiration s'apaise et je distingue enfin le beau visage de Ian, livide. Au regard qu'il me lance, je sais d'avance qu'il a une nouvelle fois entendu mes pensées.
— Excuse-moi de m'être emporté, je n'aurais pas dû... reprend-il penaud. Mais quand je suis inquiet, je n'arrive pas à me contrôler et je deviens un vrai salaud.
Il me frotte tendrement le dos, ce contact m'apaise un peu plus. J'aimerais qu'il ne s'arrête jamais et je suis certaine que mes yeux le supplient de continuer. Je rapproche mes genoux contre ma poitrine, mes membres sont bien trop douloureux pour que je puisse me lever pour le moment. Je baisse le visage sur le robinet du bain, et sèche mes larmes tant bien que mal de mes mains tremblantes. Les pas de mon colocataire pour la nuit s'éloignent et lorsqu'il revient, une serviette tombe sur mes épaules, puis une seconde sur mes cheveux. Cette attention fait légèrement fondre mon cœur. Le son d'une chaussure qui s'écrase au sol me sort de ma rêverie. Avec beaucoup de difficulté, je redresse la tête en direction du corps musculeux de mon ami.
— Avance-toi un peu.
— Mais tu vas être trempé ! Ne t'en fais pas, je réussirai à me lever d'ici cinq petites minutes et...
Ian ne me laisse pas finir ma phrase et ses lèvres se pressent sur les miennes. C'est l'une des plus belles façons qu'un homme ait pu me faire taire.
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Valentina Tome 1 : un monde nouveau
VampireValentina jeune femme de 28 ans, paraplégique depuis 10 ans suite à un accident de voiture décide de mettre fin à ses jours. Tout aurait pu être simple, si l'ébauche de son suicide ne se serait pas passer un soir de pleine lune. C'est à ce moment...