Lampadaire

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Jacques est un personnage tout ce qu'il y a de plus banal. Pour que vous puissiez comprendre à qui vous avez affaire laissez-moi vous énumérer quelques informations factuelles sur lui : la seule pizza qu'il tolère est la margherita avec beaucoup de sauce piquante, il a les fâcheuses habitudes d'être tout le temps à l'heure, de taper ces poches avant de partir et il se brosse les dents trois fois par jour. Même si bien souvent le midi il ne peut pas. Donc deux fois par jour. Et le soir, il lui arrive d'oublier. Donc une fois par jour. Jusqu'à peu, il prenait toujours la même marque de cigarette, mais maintenant qu'elle avait été enlevée du marché français il était perdu. Au point d'avoir arrêté de fumer jusqu'à aujourd'hui.

Jacques n'est pas un grand fêtard, mais parfois, sur un coup de tête, il se retrouve à suivre ces amis en boîtes de nuit.

Ce soir-là, il fait bon vivre. Il n'a en tout, et pour tout qu'un simple manteau gris anthracite posé sur son costume bleu roi trois pièces. La bande d'amis se rapproche à la vitesse de la queue des deux gorilles qui servent de vigiles. Après un rapide contrôle des poches et des états de chaque membre de la bande, le videur prononce les deux mots magiques : "allez-y". Les quatres amis firent mine de savoir qu'ils allaient rentrer alors qu'à peine les singes dépassés, ils se sautèrent dessus de joie. La soirée peut commencer !

La bande prend une table, on leur amène chacun une vodka pomme offerte par la maison. ce cocktail était bien plus pomme que vodka mais soit. L'un des membres balança aux autres :

"Si j'avais voulu boire un jus de pomme je serai aller dans une école primaire !".

Heureusement pour lui personne n'a entendu cette blague toute pourrie. La musique étant bien trop forte.

Les amis commandent une bouteille de vodka ainsi que divers jus de fruit. Jacques boit plusieurs verres. Il arrive vite au verre de trop. Soudain, il fut pris d'une violente envie de fumer une cigarette. Cela doit bien faire un mois entier qu'il n'a pas fumé, qu'il n'en ressent pas le besoin ni même l'envie. Mais il doit le faire, là, maintenant tout de suite. Il se dirige alors d'un pas incertain vers le fumoir où il sait que trouver une âme charitable acceptant de lui en donner une serait facile. Il se fait bousculer, plusieurs fois. Par tout type de gens. Du grand con, banquier le jour et cocaïnomane la nuit à la lycéenne cherchant à perdre quelque chose, en passant par l'étudiant fauché qui fait rentrer des bouteilles discrètement. D'ailleurs, souvent la lycéenne et l'étudiant finissent la soirée ensemble dans une toilette froide et lugubre.

Il finit par arriver devant la porte noire du fumoir. Une porte en contreplaqué pesant que dalle ayant, sans aucune explication valable, des griffures dessus. Il l'a pousse avec bien plus de facilité qu'il ne pense, pénétre, fait un scanner rapide des gens présents avant de trouver sa victime. Pas trop riche pour comprendre le manque d'argent, assez friqué pour bien vouloir donner une cigarette et assez alcoolisé pour penser sincèrement que Jacques est un pauvre homme qui n'a pas assez pour subvenir à ces addictions.

C'est un grand brun frisé avec un t-shirt du groupe Scorpion. T-shirt de très mauvais goût soit dit en passant. Le grand dadet accepta avec mépris de lui léguer une cigarette.

Jacques se pose contre le mur opposé à l'entrée, sort un briquet, allume sa cigarette, tire dessus et se retrouve lancé à des kilomètres de là où il était. Un sentiment de libération s'empara de lui, frappa le fond de son cerveau et l'explosa en mille morceaux. Cette taffe remis tout son monde en question : ces limites, son existence, ses frontières. elle les poussa, les tordit et les recracha pleines de bave. Jacques comprit tout ! il comprit le sens de la vie, le but de la sienne.

Et dans cet instant de clarté, il l'aperçut, usant des mêmes méthodes que lui. Elle est contre le mur à sa droite, dans les ténèbres du soir.

Seule la faible lueur du foyer de sa cigarette éclaire son visage lorsqu'elle la porte à sa bouche. Il voit alors en une fraction de seconde tous les détails de son visage. La petite fossette de sa joue gauche, son gros menton qui est le défaut qui confirme la perfection de son visage, de ses traits purs et incandescents.

LampadaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant