12. Sauvetage (1)

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- Merde, ils viennent par ici.

Je ne rêvais pas. Bell observait ces deux hommes marcher vers la cabine, slalomant entre les bancs sur le pont, l'un au crâne chauve et l'autre avec de courts cheveux noirs. Pourquoi deux gros bras aux lunettes noires auraient ils envie de faire une escapade en mer à cette heure ci ?

- Tu crois qu'ils m'ont retrouvée ? m'exclamais-je en saisissant le bras nu de mon ami.

Aucun signe distinctif ne montrait qu'ils faisaient partie du Service de Protection, mais le gouvernement pouvait très bien les avoir envoyés pour me trouver. Torielle m'aurait dénoncée ?

- Pas de conclusion hâtive, Tina, m'arrêta Bell en se positionnant devant moi.

Son cou tremblait.

- Vas te cacher à l'arrière du bateau, je vais voir ce qu'ils veulent.

- Mais...protestai-je.

- Ce n'est pas moi qu'ils cherchent alors ne t'en fais pas, me rassura-t-il avec une voix qui se voulait assurée, avant de me pousser en avant. Dépêche toi, ils arrivent !

Je me précipitai alors vers la porte du fond qui donnait accès au pont à l'extérieur. Je la refermai derrière moi et me retrouvais juste au dessus du moteur vrombissant. Sur le pont en bois, j'agrippai la barrière à deux mains pour me pencher en avant. Il était trop tard pour faire marche arrière. Le moteur tournait déjà et le bateau s'était bien éloigné du port. Sous le bateau, la mer tourbillonait au rythme du gouvernail et l'écume venait m'éclabousser le visage.

J'entendis la porte avant de la cabine s'ouvrir. Ils venaient d'entrer. Je collai mon oreille contre le battant à l'arrière par lequel je venais de sortir et écoutai.

- Bonjour messieurs, entendis-je faiblement dire Bell avec la plus grande politesse.

- Où est la fille qui t'accompagne ? répondit l'un d'eux brutalement.

Je retins un cri de stupeur tout en me recroquevillant sur moi même, le vent faisant danser mes vêtements et tanguer méchamment l'embarcation.

Ils m'ont retrouvée, ils m'ont retrouvée, ils m'ont retrouvée, pensais-je si fort que je craignais presque qu'on m'entende.

Je me frictionnai les bras, incapable de bouger ou d'entreprendre quoi que ce soit. Mon cerveau tournait au ralenti et je me sentais complètement incapable de prendre une décision. J'espérais juste très fort que Bellamy parvienne à me sauver. De l'autre côté de la porte, la discussion continuait :

- Pardon ? répondit Bell avec le plus d'assurance possible.

Il était fort pour jouer le jeu, même dans une situation aussi critique. J'imaginais nos deux cœurs battre à tout rompre à l'unisson. Lui face à l'ennemi, et moi cachée derrière, inutile.

- Je ne vois pas de quoi vous parl...

Sa phrase fut laissée en suspens, et suivie d'un grand bruit. Un corps venait de s'écraser au sol. Bellamy ne répondait plus. Une autre voix domina le bruit des vagues :

- Fouille le bateau.

- Elle n'est pas descendue, j'en suis sûr.

La voix qui venait de répondre m'était familière. Alors le capitaine lui même nous avait dénoncé... Ma main tremblante saisit la poutre en bois qui encadrait la porte. Je devais fuir, mais mes jambes ne me portaient plus. Des larmes jaillirent de mes yeux bruns et je me mordis la lèvre pour éviter de crier. Qu'avaient-ils fait à Bellamy ? Et moi, qu'allaient-ils me faire en me découvrant ? Car je n'avais aucun moyen de fuir. Peut être allaient-ils nous faire directement disparaître au fond de l'océan tous les deux ? Je manquais de défaillir. Mais non, il ne fallait pas, je devais fuir...

Une main se plaqua brutalement sur ma bouche. Entraînée par le mouvement, je tombais à la renverse. A moitié, sur le dos, je tentais de me débarrasser de cette main qui m'obstruait la bouche. A quoi servirait de crier ? Ils m'avaient attrapée, j'allais mourir sur ce bateau.

Conservant l'espoir de m'en sortir je tentai de lui mordre un doigt et balançai mes bras en arrière pour lui faire lâcher prise.

- Arrête de bouger et écoute moi, si tu veux avoir une chance de t'enfuir.

Cette voix qui me murmurait à l'oreille était apaisante. Comment avait-elle fait pour monter sur le bateau ?

Torielle commença petit à petit à me libérer tout en me parlant d'une voix faible :

- Je suis de ton côté. Reste avec moi et on s'en sortira peut être.

Je me tournais vers elle, les fesses toujours écrasées sur le pont en bois, ballotté par les vagues.

- Et... Et Bellamy ? balbutiais en plongeant mon regard apeuré dans ses prunelles noires.

Accroupie face à moi, elle entrouvrit ses lèvres roses pour me répondre :

- Elle est là ! s'exclama une voix juste derrière moi, après un violent claquement de porte.

- Merde, parvint-elle à marmonner avant de bondir sur ses deux jambes.

Je me retournais vers l'homme à la carrure titanesque qui lui faisait face.

- Cours, me siffla-t-elle en serrant les poings.

Je ne me le fis pas dire deux fois et obligeais mes jambes à me conduire de l'autre côté du pont. Une nouvelle porte de la cabine centrale s'ouvrit, manquant de me briser le nez. Je m'arrêtais brusquement avec une exclamation de surprise. L'autre homme aux lunettes et au crâne chauve me bloquait la route. Il était plus chétif que le premier, et son air supérieur lui donnait plutôt l'air d'un homme d'affaire que celui d'un gangster. Mon cerveau commanda directement à mon corps de faire demi tour. La respiration haletante, je ne perdis pas de temps pour le faire.

Il me fit un croche pate avec une rapidité déconcertante. La vitesse me fit perdre l'équilibre, et une grosse vague passa sous l'embarcation. Mon menton heurta le sol de plein fouet, et une dizaines d'échardes de plantèrent dans mes mains qui venaient de tenter d'amortir la chute. Mes oreilles bourdonnaient atrocement et mon crâne m'envoyait de violents spasmes de douleur. Le bruit de l'eau n'était plus qu'un grondement sourd, tout comme les paroles de mon bourreau qui me saisit le poignet. Il me releva avec une poigne surhumaine et mes yeux eurent du mal à s'accommoder pour pouvoir enfin apercevoir le visage de ce traître de capitaine.

Il me dévisageait, tandis que le sang goûtait de mon menton.

- C'est soit elle, soit le gamin, que vous recherchez. Ils voulaient quitter Algore à la hâte, c'était louche.

- Vous recevrez votre paie si l'un des deux est bien la cible recherchée par le Service de Protection, répondit gravement l'homme qui me maintenait à sa merci.

Je me débattais comme une furie. Puis, en jetant un regard furtif à l'intérieur de la cabine, j'eus le temps d'apercevoir mon ami, gisant au sol, inconscient. Mes cris et mes efforts redoublèrent mais mon agresseur ne semblait pas enclin à me libérer. Mon poignet me faisait souffrir, puis je sentis alors une violente décharge électrique se rependre dans mon ventre. La source : mon flanc et ma plaie qui n'était pas encore guérie. Ma respiration fut coupée quelques instants, et mes genoux se dérobèrent. La douleur irradiait chaque partie de mon corps, qui ne semblait plus vouloir se défendre.

- Allez, faites demi tour pour les ramener au port, ordonna celui qui me soutenait presque par le poignet.

Cependant, au même moment, un corps fut projeté sur le côté du pont où nous nous trouvions tous les trois. Il s'agissait de l'autre homme aux lunettes noires, lesquelles venaient de voler par dessus bord à cause de la force du choc. Je restais bouche bée, malgré la douleur, en voyant la silhouette de Torielle apparaître devant moi, enjambant le corps du vaincu.

Elle avait la lèvre inférieure bleue et son chemisier ciel était parsemé de petites tâches de sang. Elle avait enlevé ses talons hauts pour se battre pieds nus, et malgré ses blessures apparentes, elle n'avait pas fini d'en découdre.

L'ANTI-HÔTE [Partie 1] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant